Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lewis (Sinclair)

Écrivain américain (Sauk Centre, Minnesota, 1885 - Rome 1951).


Premier Américain à recevoir le prix Nobel de littérature, en 1930, Sinclair Lewis appartient à la jeune tradition réaliste et critique qui, avec Théodore Dreiser*, Upton Sinclair*, Frank Norris* et les muckrakers, avait trouvé dans la peinture du prolétariat urbain la matière d’un nouveau roman, où le réalisme est « cahier de doléances ». Mais c’est moins de la misère ouvrière que s’inspire Lewis que du snobisme petit-bourgeois de la province américaine où il est né. Fils d’un médecin du Minnesota, il fait des études irrégulières à l’université Yale. Il abandonne ses études pour participer à la communauté utopique qu’Upton Sinclair, après le succès de la Jungle, avait créée dans le New Jersey, en 1906. Mais cette « Helicon Home Colony » brûle dans un incendie en 1907, emportant les rêves utopiques d’Upton Sinclair et de Lewis. Celui-ci mène une vie assez difficile de journaliste à la pige et publie sans succès plusieurs romans : Our Mr. Wrenn (1914), The Job (1917), Free Air (1919).

Le succès commence avec Main Street, en 1920, évocation satirique d’une petite ville du Middle West, Gopher Prairie, où il n’est pas difficile de reconnaître Sauk Centre. Lewis y évoque la lutte vaine de Carol Kennicott, Bovary américaine, pour échapper à l’ennui et à la dictature des conventions d’une petite ville typiquement américaine. Deux ans plus tard, avec Babbitt (1922), son meilleur livre, il fait un portrait du businessman américain moyen des années de folle prospérité. Babbitt — « baby » enfantin et tyrannique, Ubu roi des gadgets — devient le symbole même de l’homme infantilisé par la société de consommation, aliéné à l’argent et à la machine. Babbitt est, avec le « Chariot » de Chaplin*, le seul type américain qui ait pris une résonance universelle. Personnage flaubertien, Babbitt est le type même de la bonne conscience gorgée d’idées reçues.

En 1925, dans Arrowsmith, histoire d’un médecin, Lewis poursuit son exploration de la stupide béatitude et de la malhonnêteté sociale. Il reçoit le prix Pulitzer, qu’il refuse. Elmer Gantry (1927) est une satire des sectes religieuses américaines et des innombrables charlatans qui exploitent l’Américain moyen. En 1929, Dodsworth s’attaque aux milieux d’affaires, avec un héros engagé dans l’industrie automobile.

Quand Lewis reçoit le prix Nobel, en 1930, il semble paradoxal que l’Amérique soit pour la première fois couronnée pour une œuvre satirique qui critique les valeurs et le « mode de vie » américains. Effectivement, dans son discours de remerciement, Lewis fait l’éloge de Dreiser et de son réalisme satirique. Mais, en réalité, les choses sont plus complexes. Sinclair Lewis n’a pas, dans la satire, la violence ou le pessimisme d’un Dreiser, d’un Upton Sinclair ou d’un Dos Passos*. Au cours d’une conférence en Europe, il avoue qu’il a écrit « Babbitt moins par haine que par amour pour lui ».

On devine effectivement, sous la satire, une tendresse de Lewis pour les personnages de Babbitt ou de Main Street, une sorte de tendresse dickensienne. Et la satire de Lewis, si elle est critique, n’est pas pessimiste. Elle relève même d’une démarche optimiste typiquement américaine : la conviction que la dénonciation des maux d’une société aboutit à les corriger. Même Babbitt est profondément un « citoyen américain » pour le meilleur et pour le pire, avec une confiance naïve dans les vertus du progrès. Le docteur Arrowsmith est une sorte de Don Quichotte des réformes, qui, malgré ses échecs, ne désespère jamais d’aboutir, avec un optimisme typiquement américain.

Quand, en 1935, dans It can’t happen here, Lewis dénonce la menace fasciste, c’est dans le même esprit de croisade. De même quand il analyse dans The Prodigal Parents (1938) la crise de la jeunesse. Dans Gideon Planish (1943), il fait la satire des défauts de l’enseignement officiel, et, en 1947, dans Kingsblood Royal, celle du racisme. Insensiblement, le moraliste l’emporte sur le romancier, dont le talent s’amenuise. Il se tourne vers le théâtre, qu’il pratique, avec son dynamisme habituel, en acteur, metteur en scène et auteur. Avec un succès relatif, il adapte à la scène, en collaboration, ses propres œuvres : Dodsworth (1935), puis It can’t happen here (1936) et Angela is twenty-two (1938). En faisant du théâtre une chaire où prêcher, Lewis révèle le fond puritain de son tempérament. La critique est au fond moins sociale que morale et vise à rétablir les valeurs originales d’une Amérique que les excès de l’industrie et des affaires ont menacée dans son idéal. Cet écrivain plus consciencieux qu’inspiré s’inscrit ainsi dans une tradition morale très caractéristique de la conscience américaine.

J. C.

 H. E. Maule et M. H. Cane, The Man from Main Street (New York, 1953). / M. Schorer, Sinclair Lewis (New York, 1961) ; Sinclair Lewis : a Collection of Critical Essays (New York, 1962). / R. Sihol, les Tyrans tragiques. Un témoin pathétique de notre temps : Sinclair Lewis (P. U. F., 1969).

lexique

Le mot lexique, dans le langage courant, désigne certains types de livres : ouvrages contenant la liste de termes employés par un auteur, une science, une technique, etc. ; dictionnaires bilingues se contentant de mettre en parallèle des mots de chacune des deux langues pour en donner la traduction.


Du point de vue de la science linguistique, au contraire, le lexique s’oppose au vocabulaire : le lexique est l’ensemble des unités — notamment des mots — dont toute une communauté peut disposer pour communiquer par la langue ; quant au vocabulaire, c’est l’ensemble des termes effectivement utilisés dans une circonstance donnée, par une certaine personne. Ainsi le lexique est un ensemble virtuel, le vocabulaire un ensemble réalisé hic et nunc.


Problèmes généraux


Lexique et grammaire

D’une manière générale, on restreint le sens du mot lexique, car on en exclut les unités considérées comme ayant une valeur purement grammaticale (prépositions, conjonctions, etc.), c’est-à-dire les termes qui, sans avoir un sens par eux-mêmes, expriment un certain nombre de relations existant entre les autres mots de la phrase. Ainsi, dans la phrase Par un beau matin de printemps, il s’embarque pour l’Amérique, seuls les mots beau, matin, printemps, embarquer et Amérique sont à proprement parler des unités lexicales. Cette distinction recouvre l’opposition classe ouverte vs classe fermée. On dit que le lexique est une classe ouverte dans la mesure où, par un certain nombre de procédés (emprunt, dérivation, composition, glissement de sens), on peut toujours ajouter des éléments à la liste ; au contraire, dans une langue donnée, à une époque donnée, le nombre des unités grammaticales est relativement figé et limité ; on ne peut pas allonger, par exemple, la liste des pronoms du français, alors qu’on peut allonger la liste — du reste indéfinie — des noms communs du français.