Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

leucémie (suite)

Leucémies myéloïdes chroniques et affections voisines

Parmi les syndromes prolifératifs de la moelle osseuse, la leucémie myéloïde chronique est la plus fréquente et la mieux connue. On réunit cependant cinq maladies sous le terme de myéloprolifératif : la leucémie myéloïde chronique ; la polyglobulie essentielle, ou maladie de Vaquez ; la thrombocytémie essentielle ; la splénomégalie myéloïde ; les syndromes myéloprolifératifs des jeunes enfants.

Ces maladies ont un certain nombre de points communs : le risque principal est celui de la thrombose vasculaire ; à terme, l’évolution se fait souvent vers une leucémie aiguë ; enfin, la prolifération, portant sur l’une au moins des trois lignées médullaires sans blocage des maturations, aboutit à une hyperplasie importante érythrocytaire (hématies), plaquettaire (thrombocytes) et granulocytaire (leucocytes polynucléaires) dans le sang. Les éléments présents sont les stades terminaux normaux de la lignée ou des précurseurs très différenciés : myélocytes, métamyélocytes pour les granuleux. L’association de l’atteinte de deux ou trois lignées est très fréquente : on dit alors qu’il y a polycythémie, au point que le syndrome myéloprolifératif est parfois inclassable plus précisément.

• La leucémie myéloïde chronique. Elle survient à tout âge, mais surtout chez l’adulte jeune, rarement chez l’enfant, et est révélée essentiellement soit par une altération de l’état général ou des pesanteurs de l’hypocondre gauche, soit par une complication, telle une thrombose, plus rarement à l’occasion d’un examen clinique systématique. Dans quelques cas, il existe des antécédents à caractères étiologiques : exposition au benzène, aux radiations ionisantes (explosion atomique).

Le diagnostic est très simple. À l’examen, il existe une rate très volumineuse, et l’hémogramme révèle une hyperleucocytose considérable, en règle générale au-dessus de 80 000 par millimètre cube, avec prédominance massive de cellules granuleuses dans la formule sanguine et passage sanguin de cellules jeunes immatures, myélocytes et métamyélocytes, voire promyélocytes et myéloblastes. Les plaquettes sont normales, ou il existe une thrombocythémie associée, parfois importante. Le myélogramme confirme l’hyperplasie granuleuse ; la moelle est très riche, contenant 80 à 95 p. 100 d’éléments de la série granuleuse, mais avec le respect de l’équilibre général de la lignée. Les formes très jeunes ne représentent que moins de 20 p. 100 du total.

Les autres examens n’ont qu’une valeur de confirmation dans ce tableau, car le diagnostic ne peut faire aucun doute. Les phosphatases alcalines leucocytaires sont effondrées ; surtout, anomalie essentielle, le caryotype révèle une anomalie du chromosome 21 (délétion d’un bras court, réalisant l’aspect du « chromosome Philadelphie », ou Ph 1).

Dans quelques cas particuliers, le diagnostic de leucémie myéloïde chronique est plus difficile, soit qu’il existe une hyperleucocytose peu importante (20 000 à 50 000 par millimètre cube), soit qu’il n’y ait pas de grosse rate à l’examen clinique. Certaines formes, dites « subleucémiques », sans chromosome Philadelphie, sont davantage soit des leucémies subaiguës, soit un autre syndrome myéloprolifératif, thrombocythémie essentielle ou splénomégalie myéloïde.

Le premier but du traitement est de diminuer la masse cellulaire circulante pour éviter les thromboses vasculaires. Le meilleur médicament est le busulfan, donné d’abord à raison de 3 à 4 comprimés par jour, puis à doses dégressives en fonction de la leucocytose, qui baisse 2 à 4 semaines après le début du traitement.

La rémission obtenue, le sujet peut mener une vie normale, mais il faut vérifier l’hémogramme chaque mois, car trois risques sont possibles.
— La rechute hématologique, puis clinique, si elle est négligée, exposerait de nouveau aux thromboses. Selon les cas, les rechutes sont plus ou moins rapides et précoces, de quelques semaines à 2 ans, voire 3 ans, 5 ans, 10 ans, 15 ans quelquefois. Il faut les traiter rapidement par le busulfan et ramener la leucocytose à la normale.
— L’insuffisance médullaire, ou aplasie thérapeutique globale toxique, survient soit à la fin d’une cure de busulfan, soit au cours du traitement d’entretien continu. Elle est assez banale, mais son pronostic est relativement bon.
— La transformation aiguë, terme normal de la leucémie myéloïde chronique, survient au bout d’un délai allant de 6 mois à 10 ou 15 ans après le début de la maladie ; 50 p. 100 des malades arrivent à ce stade en 3 ans ou moins. C’est alors un tableau de leucose aiguë, révélée par des signes d’insuffisance médullaire (anémie, leucopénie, thrombopénie ; cliniquement, des hémorragies, des infections) ; ici, la moelle est riche en leucoblastes. Le pronostic est catastrophique, la mort survenant le plus souvent en moins de 3 mois ; des rémissions sont possibles, mais elles sont rarement longues. Le traitement est celui des leucémies aiguës myéloblastiques (v. ci-dessus).

• La polyglobulie. Parmi les autres syndromes myéloprolifératifs, il faut signaler la maladie de Vaquez, ou polyglobulie, dont le diagnostic est marqué par une augmentation du nombre des hématies, à symptomatologie fonctionnelle souvent riche. Le diagnostic en est facilité par l’âge, l’existence d’une splénomégalie, le faciès rubicond et rouge du malade, l’atteinte possible des autres lignées, mais celle-ci est inconstante. La maladie de Vaquez ne peut être affirmée qu’après avoir éliminé une tumeur rénale. L’évolution en est marquée par des thromboses vasculaires. Le traitement comporte essentiellement des saignées répétées ou des injections de phosphore radioactif. Le pronostic de la maladie de Vaquez est long et bon. Les malades doivent être surveillés par un hémogramme toutes les 6 semaines — afin de dépister une remontée des globules rouges — et traités précocement. La reprise du traitement, espacé de 6 mois à 3 ans, est nécessaire en fonction des poussées. À distance, le risque majeur est la transformation en leucémie aiguë, qui survient dans 10 p. 100 des cas, ou une œstéo-myélosclérose avec insuffisance médullaire. La durée moyenne de survie est de 12 à 20 ans avec des évolutions qui peuvent atteindre de 20 à 30 ans.

• La thrombocytémie essentielle. C’est une affection très voisine de la leucémie myéloïde chronique qui porte essentiellement sur les thrombocytes, ou plaquettes. Son traitement est l’hydroxyurée.