Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lettonie (suite)

Les deux tiers de la population sont concentrés dans les villes. Riga regroupe les trois quarts de la population urbaine, le tiers de la population totale, éclipsant les 3 autres villes de plus de 50 000 habitants (Daougavpils, qui passe, entre 1959 et 1970, de 65 000 à 101 000 hab. ; Liepaïa, qui passe de 71 000 à 88 000 hab. ; Ielgava, qui passe de 36 000 à 51 000 hab.). Les pays de l’intérieur, croupes baltiques, moraines disséquées, lacs et larges vallées alluviales ou marécageuses, sont relativement négligés. Les petites et moyennes exploitations collectives cultivent les céréales, les fourrages et la betterave à sucre. Elles pratiquent l’élevage dans un paysage de bocage, ou sous la forme de la stabulation, des vaches laitières et des porcs. Le lin stagne.

En revanche, la côte, même peu hospitalière, est la région en plein développement. Le golfe de Riga, énorme lobe glaciaire, est encombré d’écueils, et seul l’entretien de chenaux permet l’accès au port de navires de moyen tonnage. Le trafic de Riga doit s’élever à plusieurs millions de tonnes. Mais Liepaïa, presque toujours libre de glace, est l’organisme portuaire d’avenir, le plus actif sur la Baltique après Leningrad. Des sovkhozes de pêche se dispersent le long des côtes du golfe de Riga. La Lettonie doit donc se développer en fonction de l’ouverture vers la mer et vers l’Occident.

A. B.


L’histoire

Les Lettons proviennent d’un mélange de peuples du groupe finno-ougrien et du groupe balte (Zemgales, Coures, Sèles et Latgales) qui s’installèrent dans le pays au début de l’ère chrétienne. Ces différentes tribus fusionnèrent en un seul groupe ethnique et linguistique après la conquête de la région par les Germains à l’époque médiévale.

Les Lettons luttèrent d’abord contre la poussée des Slaves, des Scandinaves et des Finnois, mais ils ne purent empêcher les Lives (qui ont donné leur nom à la Livonie) de s’installer sur la côte, au nord de la Dvina. Au xiie s., un moine allemand, Meinhard, fondait chez les Lives, à Üksküll, la première Église chrétienne et entreprenait de convertir le pays. Devenu évêque de Livonie, il vit ses efforts secondés par les papes Célestin III et Innocent III.

En 1201, son successeur, l’évêque Albert de Buxhoeveden († 1229), fondait la ville de Riga. Il établit aussi l’ordre militaire des chevaliers Porte-Glaive (1202), qui, avec celui des chevaliers Teutoniques, allaient parachever la christianisation de la Lettonie durant le xiiie s. et implanter des Burg autour desquels se développèrent les villes de Dünaburg (Daougavpils), Libau (Liepaïa), Mitau (Ielgava) et Windau (Ventspils). C’est alors que se constitua une féodalité terrienne toute-puissante, celle des « barons allemands » (baltische Ritterschaft), qui réduisit les Lettons en servitude ; cette oligarchie devait se maintenir jusqu’au début du xxe s. sous les différentes dominations qui se succédèrent dans cette contrée (polonaise, suédoise, russe).

Jusqu’en 1561, la Lettonie resta soumise à l’ordre Teutonique, qui, par crainte du tsar Ivan le Terrible, scinda le pays en deux, la Livonie devenant partie intégrante de la Pologne et la Courlande formant un duché donné au dernier grand maître de l’ordre, Gotthard Kettler (1517-1587), mais sous suzeraineté polonaise. La domination polonaise en Livonie y favorisa les efforts de la reconquête catholique (collège des Jésuites à Riga), mais la Suède s’empara bientôt du pays (prise de Riga, 1621), qui revint alors à la religion luthérienne.

Au cours du xviiie s., la Russie s’empara de la Livonie en 1710 après la victoire de Pierre le Grand sur Charles XII à Poltava (1709). En 1795, le troisième partage de la Pologne lui donna également la Courlande. Désormais, toute la Lettonie était sous l’emprise russe, mais les barons allemands continuèrent de dominer la vie politique ; ainsi, de 1795 à 1882, sur quinze gouverneurs de Livonie, quatorze étaient des Allemands.

Au xixe s., l’abolition du servage permit aux paysans baltes de recouvrer leurs libertés personnelles, mais non leurs terres. Ce n’est qu’à partir de 1861 (nouvelle loi agraire) qu’une classe de petits tenanciers put émerger. Une classe moyenne lettone s’était constituée dans les villes à partir de 1830 ; aussi, en 1860, vit-on naître les premiers ferments d’un nationalisme letton.

La Lettonie, industrialisée à la fin du xixe s., fut le théâtre d’un soulèvement communiste en 1905, dirigé par Peteris Stutchka (1865-1932). Il fut cruellement réprimé : deux mille Lettons furent exécutés, et de nombreux autres déportés en Sibérie. Les Lettons combattaient cependant aux côtés des Russes au début de la Première Guerre mondiale (50 000 soldats). Les troupes allemandes s’emparèrent successivement de la Courlande (1915), de Riga (1917) et de la Livonie (1918).

Le 3 mars 1918, à Brest-Litovsk, les bolcheviks cédèrent la Lettonie à l’Allemagne, qui envisagea d’y constituer un grand-duché héréditaire pour l’empereur. Après la défaite allemande, la Lettonie proclama son indépendance, le 18 novembre 1918, avec Janis Tchakste († 1927) comme président de la République et Karlis Ulmanis (1877-1952) comme Premier ministre. La jeune république fut aussitôt attaquée par les Soviétiques, qui prirent Riga et établirent le gouvernement communiste de Stutchka, pendant que le gouvernement Ulmanis se réfugiait à Liepaïa sous la protection des forces navales britanniques (1919).

Des corps francs allemands, commandés par le général R. von der Goltz, qui continuaient à combattre dans la région balte reprirent Riga le 22 mai 1919 et y installèrent le gouvernement proallemand de A. Needra ; mais, en juillet, Ulmanis, avec l’aide de l’artillerie des navires alliés, se réinstalla à Riga et repoussa les Allemands. En 1920, la Lettonie était entièrement évacuée et les Soviétiques reconnaissaient son indépendance au traité de Riga (11 août).

Malgré la réforme agraire qui mit fin au pouvoir des barons allemands et le vote d’une constitution démocratique (1922), l’agitation politique ne permit pas d’établir un gouvernement stable. La menace du parti nazi letton de rattacher la Lettonie au IIIe Reich provoqua le coup d’État d’Ulmanis et de Janis Balodis du 15 mai 1934 ; Ulmanis gouverna le pays en dictateur. À la suite du pacte germano-soviétique de 1939, la Lettonie tomba dans la sphère d’influence soviétique.