Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

législative (fonction) (suite)

Les limites au pouvoir de faire les lois

La loi est une disposition en principe d’ordre général qui édicté des règles de caractère abstrait, impersonnel et permanent (parfois, cependant, d’une durée limitée et, en tout cas, toujours révocables), qui s’appliquent à l’ensemble des membres de la communauté nationale ou, tout au moins, à une certaine catégorie d’entre eux. Elle s’oppose ainsi à l’acte administratif, qui édicté des mesures individuelles et concrètes ou des mesures spéciales concernant une ou plusieurs personnes nommément désignées.

Dans l’ancien droit français, le roi avait le pouvoir de dispenser de l’application des lois dans des cas particuliers. Mais, depuis la Révolution, l’État administrateur et juge est tenu d’appliquer, tant qu’elle est en vigueur, la loi qu’a faite l’État législateur. Comme le dit Duguit : « L’État, sujet de droit, tombe sous la prise du droit. » Tout au plus admet-on que l’État et les autres collectivités* publiques puissent être régis parfois par des règles particulières » : les règles du droit public, qui diffèrent des règles du droit privé. L’État est lié par la loi qu’il a faite ; tant qu’elle existe, il est tenu de lui obéir, et ses administrateurs et ses juges doivent veiller à son application. Mais l’État peut toujours modifier ou abroger cette loi. Les philosophes du droit se demandent toutefois si cette obligation de l’État s’avère la conséquence de l’existence d’un droit supérieur (droit divin de Bossuet* ou de Bonald*, droit naturel de saint Thomas* d’Aquin, contrat social de J.-J. Rousseau*, solidarité sociale de Duguit) ou plutôt celle d’une autolimitation par laquelle l’État sanctionne une coutume historique destinée à garantir les individus contre l’arbitraire du corps social ou de ses organes de gouvernement (Jellinek) ; pour l’Allemand Max Seydel (1846-1901), il n’existe pas de droit à côté ou au-dessus du souverain. Les mêmes oppositions se retrouvent sur le point de savoir si l’État législateur est obligé de ne pas faire certaines lois ou, inversement, d’en faire certaines autres. En fait, les lois successives constatent l’évolution des mœurs sous l’influence de facteurs économiques, sociaux, intellectuels, religieux ; la conception générale du droit n’est pas la même dans les pays dits « libéraux » (ou « capitalistes ») et dans les pays dits « socialistes ».

Quoi qu’il en soit, l’État législateur rencontre certaines limites : a) il s’est fixé lui-même les limites qui lui sont imposées par sa propre Constitution (dans la mesure, notamment, où celle-ci prévoit un contrôle de la constitutionnalité de la loi) ; b) il a accepté celles qui lui sont imposées par son appartenance à une confédération ou à une fédération (l’échec de la sécession des États du Sud, en 1865, caractérise bien les difficultés qu’un État membre d’un État fédéral peut rencontrer s’il essaie un jour de revenir sur son adhésion) ; c) il appartient, plus ou moins de gré ou de force, à une communauté internationale dont les organes gouvernants édictent des règles de droit.

L’existence d’un droit international implique des limitations au pouvoir législatif des États ; mais là, encore et surtout, s’opposent les tenants du droit naturel supérieur aux États et ceux d’une autolimitation déterminée par les États nationaux eux-mêmes lorsqu’ils signent des traités bilatéraux ou multilatéraux, ou adhèrent à des conventions* internationales. Les juristes des États dits « libéraux » ne sont d’accord ni entre eux, ni avec ceux des États dits « socialistes », notamment en ce qui concerne l’interprétation du paragraphe c de l’article 38 du statut de la Cour internationale de justice, qui place les « principes généraux du droit » parmi les sources du droit international.

Pour sa part, la France a déjà admis de subordonner sa propre législation nationale aux règles du droit international public (préambule de la Constitution de 1946, confirmé en 1958 et précisé dans l’article 55 de sa Constitution [4 oct. 1958]) : « Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie. » Par ailleurs, en faisant, comme le souligne Marcel Merle, « un usage fréquent des procédures pacifiques de règlement des conflits », la France reconnaît l’autorité des juridictions internationales.

Les diverses lois

En droit positif français, on classe parfois les diverses lois en :
lois organiques, qui portent sur le fonctionnement et l’organisation des pouvoirs publics (les lois constitutionnelles sont des lois organiques d’un type supérieur) ;
lois de finances, qui déterminent la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État, compte tenu d’un équilibre économique et financier qu’elles définissent ;
lois de règlement, qui constatent les résultats financiers de chaque année civile et approuvent les différences entre les résultats et les prévisions des lois de finances de l’année ;
lois de programme, qui déterminent les objectifs de l’action économique et sociale de l’État, et qui comportent des autorisations de dépenses portant sur plusieurs exercices ;
lois impératives, qui portent obligation ou interdiction de faire ;
lois permissives (lois de capacité et de compétence), qui permettent aux personnes remplissant certaines conditions de faire telle ou telle chose ;
lois supplétives, qui interviennent lorsque les parties à un acte juridique ont omis de déterminer leurs obligations réciproques, les ont déterminées incomplètement ou en contradiction avec une disposition impérative ;
lois rétroactives, qui attachent à des actes juridiques accomplis des effets différents de ceux que leur avait fait produire la loi ancienne (aux termes de l’article 2 du Code civil et de l’article 4 du Code pénal, aucune loi n’est rétroactive, sauf en ce qui concerne la loi pénale, plus douce que l’ancienne ; toutefois, cette règle de non-rétroactivité ne liant pas le législateur, ce dernier peut toujours donner un caractère rétroactif à la loi qu’il édicté, à condition de le spécifier expressément) ;
lois interprétatives, qui précisent le sens douteux, obscur ou caché d’une loi et qui, de ce fait, prennent un caractère rétroactif (elles interviennent le plus souvent lorsque le législateur veut substituer son interprétation à celle de la jurisprudence) ;
lois confirmatives, qui ont pour objet de valider des actes qu’une loi ancienne a frappés de nullité.