Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Le Corbusier (Charles Édouard Jeanneret-Gris, dit) (suite)

Participant à de grands concours internationaux pour compenser la disparition de sa clientèle libérale, Le Corbusier devient dans la même période une figure de premier plan et donne quelques projets de grande ampleur : après le scandale du concours de la Société des Nations à Genève en 1927 (son projet est écarté bien qu’ayant reçu le premier prix), il est appelé à Moscou pour construire le bureau central des coopératives de consommation d’U. R. S. S. (Tsentrosoïouz, 1929-1933), où il combine pour la première fois le mur-rideau et le conditionnement d’air — deux grandes nouveautés pour l’époque. En 1931, il est l’auteur d’un projet très important pour le concours du palais des Soviets. À Paris, il construit dans les années 1930-1933 le pavillon suisse de la Cité universitaire et l’asile de l’Armée du salut.

Dans le même temps, il est l’âme de tous les congrès internationaux d’architecture moderne — les « C. I. A. M. » —, dont il inspire la fondation en 1928. Enfin, il se consacre à des études d’urbanisme en Afrique du Nord (Alger, Nemours) et à l’étranger (Barcelone, Buenos Aires, Montevideo, São Paulo...). C’est à cette occasion qu’il met au point pour Alger les premiers « brise-soleil » en béton armé. Le ministère de l’Éducation nationale et de la Culture, à Rio de Janeiro (1936-1943), en collaboration avec les architectes brésiliens Lúcio Costa et Oscar Niemeyer*, sera la concrétisation de ces recherches.

La Seconde Guerre mondiale est pour Le Corbusier l’occasion d’une réflexion méthodologique qui aboutira aux définitions de l’architecture et de l’urbanisme contenues dans la charte d’Athènes (1943), les Trois Établissements humains (1945), Propos d’urbanisme et Manière de penser l’urbanisme (1946), et qui conduira surtout à la très belle esquisse pour le secrétariat de l’O. N. U. à New York, en 1947, ainsi qu’aux imposantes « unités d’habitation » que sont la « Cité radieuse » de Marseille (1947-1952) et les unités de Nantes-Rezé (1952-1957), de Briey (1955-1960) ou de Berlin (pour l’Exposition Interbau, 1957). Depuis l’époque puriste des années 20, l’esthétique de Le Corbusier a subi une profonde transformation : au goût pour les matériaux artificiels, les surfaces lisses et brillantes, les arêtes vives ont alors succédé une prédilection pour l’expression de la matière — pierre non taillée, béton brut de décoffrage, bois verni — et un emploi intensif de la couleur (de préférence des couleurs primaires, en violent contraste). L’échelle elle-même s’est rompue : l’énormité de la masse de la « Cité radieuse » est réellement effrayante, sauvage en quelque sorte ; c’est un rapport avec la montagne environnante que Le Corbusier cherche ici, écrasant pour l’homme qui s’approche du bâtiment.

On a volontiers souligné, depuis la maison de vacances des Mathes (Charente-Maritime), en 1935, la transformation de l’esthétique de Le Corbusier, qui aboutit après la Seconde Guerre mondiale à ces trois œuvres majeures que sont, chacune dans leur domaine, la « Cité radieuse » de Marseille, la chapelle Notre-Dame-du-Haut à Ronchamp (1950-1955) et les maisons Jaoul à Neuilly-sur-Seine (1953-1956) : leur influence sur le « brutalisme » anglais est indéniable. En cette seconde jeunesse de l’œuvre de Le Corbusier, ce n’est plus la rigueur de l’esprit qui importe, ni son conflit permanent avec l’ampleur et la liberté de l’espace, mais un cri disharmonieux, presque tragique, dont la violence contenue et l’immense angoisse semblent répondre au drame d’Hiroshima : rien n’est plus terrible, en définitive, que la brutalité de la masse, la laideur de la matière et la discordance des tons. Et, à Ronchamp, le poids paradoxal de la voûte, les formes refermées des coques, la protection des murs épais donnent à l’apaisement intérieur de la lumière toute sa valeur d’artifice, conquise sur l’angoisse des dehors.

Les toutes dernières œuvres de Le Corbusier resteront fidèles à ces tendances, qui démentent effrontément les déclarations théoriques des années 30 : le Capitole de Chandigarh* au Pendjab (1950-1962), les trois édifices d’Ahmadābād (Centre culturel, maison Shodhan et siège de l’Association des filateurs, 1956), le couvent de la Tourette à Eveux, près de Lyon (1957-1960), le pavillon du Brésil à la Cité universitaire de Paris (1959, avec Lúcio Costa) et le Carpenter Center for the Visual Arts à l’université Harvard (Cambridge, Massachusetts, 1961-1964) ont tous en commun cette même vigueur formelle — comme si la libération de l’espace était devenue, chez le vieil architecte, libération et explosion de la forme, exprimant les tensions tragiques qui avaient été celles de sa génération. L’utilisation systématique du « Modulor », une échelle harmonique de proportions que Le Corbusier avait mise au point en 1950, symbolise à elle seule ce passage de la métrique rationnelle à une métrique poétique, qui a fait de Le Corbusier l’un des grands hommes de notre temps.

F. L.

➙ Architecture.

 O. Stonorov, W. Boesigner et M. Bill, le Corbusier. Œuvre complète (Éd. d’architecture, Zurich, 1929-1970 ; 8 vol.). / M. Gauthier, Le Corbusier, ou l’Architecture au service de l’homme (Denoël, 1944). / S. Papadaki, Le Corbusier, Architect, Painter, Writer (New York, 1948). / F. Choay, Le Corbusier (New York, 1960). / P. Blake, Le Corbusier, Architecture and Form (Harmondsworth, 1963). / M. Besset, Qui était Le Corbusier ? (Skira, Genève, 1968). / S. von Moos, Le Corbusier, Elemente einer Synthese (Stuttgart, 1968 ; trad. fr. Le Corbusier, l’architecte et son mythe, Horizons de France, 1970). / P. Boudon, Pessac de Le Corbusier (Dunod, 1969). / W. Boesigner, Le Corbusier (Artemis, Zurich, 1972).

lecture

La lecture est d’abord l’acte de lire, et ce n’est que par dérivation qu’on appelle aussi lecture le texte lu ou à lire. C’est aussi le savoir-lire.


L’acte de lire consiste à associer des significations à des formes graphiques, ou signes, qui sont le code d’un langage, quel que soit le langage. La lecture suppose donc une « écriture » ou, plus généralement, un ensemble de signes conventionnels repérables, un code, et, plus fondamentalement encore, un langage. La lecture « tient » aux opérations de communication et au langage, dont elle est un mode particulier et un moyen. Pour qui ne parle pas une langue (au sens de « comprendre »), il n’y a pas de lecture possible.