Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lattre de Tassigny (Jean-Marie Gabriel de) (suite)

Quand l’horizon s’assombrit de nouveau, que les Alliés occidentaux éprouvent le besoin d’unir leurs forces, de Lattre, inspecteur général des forces armées depuis mai 1948, est nommé en octobre 1948, dans le cadre du traité de Bruxelles, commandant en chef des forces terrestres de l’Europe occidentale. Le 2 février 1950, alors qu’il vient d’avoir soixante et un ans, il est maintenu en activité sans limite d’âge : mais sa carrière semble s’achever à Fontainebleau dans l’auréole de ces hautes fonctions interalliées.

À l’automne, toutefois, une crise s’ouvre brutalement en Indochine*, qui, à la suite des échecs subis à la frontière sino-tonkinoise, fait craindre le pire pour le corps expéditionnaire français. C’est alors que de Lattre, qui a tout à perdre et rien à ajouter à ses titres de gloire, accepte la redoutable responsabilité du poste de haut commissaire et de commandant en chef en Indochine. Le 17 décembre 1950, il atterrit à Saigon ; le 19, il préside à Hanoi un défilé des troupes qui viennent de se battre et réunit les officiers : « C’est pour vous que j’ai accepté cette lourde tâche ; à partir d’aujourd’hui, je vous garantis que vous serez commandés. » En janvier 1951, il inflige aux forces Viêt-minh une première et très lourde défaite à Vinh Yen, qui sauve le delta du Tonkin. Après avoir décidé de le protéger par une ceinture fortifiée, de Lattre porte ensuite son effort principal sur la création d’une armée vietnamienne : à l’empereur Bao Daï, au gouvernement et à la jeunesse du Viêt-nam, il demande de s’engager totalement dans la guerre aux côtés de la France. À Singapour, le 15 mai, il s’efforce de convaincre Britanniques et Américains que le Tonkin est la clé de voûte du Sud-Est asiatique. Mais le 31, dans une nouvelle bataille que livrent les forces de Giap sur le Daï, son fils unique, le lieutenant Bernard de Lattre, est tué en défendant à la tête de son escadron vietnamien le rocher de Ninh Binh. Cette mort frappe au cœur le général, qui n’en reste pas moins à son poste. Il se rend à Washington pour demander aux Américains leur aide matérielle en Indochine et, au retour, s’arrête à Londres, puis à Rome, où il est reçu par Pie XII. Le 19 octobre 1951, il est de nouveau à Hanoi, surmontant le mal qui le mine, donne à tous un seul mot d’ordre, « foi et volonté », et lance l’offensive d’Hoa Binh, qui sera une victoire éclatante (nov. 1951). « Nous voyons le bout du tunnel », confie-t-il à un de ses officiers avant de rentrer à Paris pour se soigner. Il y arrive le 24 novembre, est hospitalisé le 19 décembre et s’éteindra trois semaines plus tard dans une clinique parisienne.

Sa personnalité de feu avait suscité bien des passions, mais cette mort aussi discrète que digne fut une sorte de révélateur qui désarma ses adversaires. Ainsi, ce grand homme de guerre, qui a traversé la vie comme un boulet, terrorisant parfois, mais fécondant toujours, restera à la taille des hommes parce qu’il sut jusqu’au bout aimer et souffrir comme eux. Fait maréchal de France à titre posthume, le 15 janvier 1952, de Lattre est enterré auprès de son fils à Mouilleron-en-Pareds. Il avait publié en 1949 des Mémoires sous le titre Histoire de la Première Armée française.

P. A. V.

➙ Guerre mondiale (Seconde) / Indochine.

 L. Chaigne, Jean de Lattre, maréchal de France (Lanore, 1952). / Jean de Lattre de Tassigny, maréchal de France (Plon, 1953). / B. Simiot, De Lattre (Flammarion, 1953). / J. Dinfreville, le Roi Jean. Vie et mort du maréchal de Lattre de Tassigny (la Table Ronde, 1964). / S. de Lattre de Tassigny, Jean de Lattre, mon mari (Presses de la Cité, 1971-72 ; 2 vol.).

Laue (Max von)

Physicien allemand (Pfaffendorf, près de Coblence, 1879 - Berlin 1960).


Max von Laue fait ses études au collège protestant de Strasbourg, où ses parents sont établis, puis aux universités de Göttingen et de Munich, où il s’oriente vers la physique, et plus particulièrement l’optique. À Munich, les rayons X sont alors à l’ordre du jour, Röntgen* y étant lui-même professeur de physique expérimentale ; avec Paul von Groth (1843-1927), la cristallographie y tient aussi une grande place, et les recherches de Laue vont bénéficier de cette conjonction.

Il soutient sa thèse en 1903, devient assistant à l’université de Berlin, est nommé successivement professeur à l’université de Zurich (1912), puis de Francfort-sur-le-Main (1914), obtient enfin une chaire à Berlin, pour y devenir en 1919 directeur de l’Institut de physique théorique.

On doit d’abord à von Laue diverses publications sur le principe de relativité (1911). Puis, reprenant une ancienne hypothèse du Français A. Bravais sur les réseaux cristallins, il organise les premières expériences de diffraction des rayons X par les cristaux, qui sont réalisées en 1912 par ses assistants Walther Friedrich (né en 1883) et Paul Knipping (1883-1935). Ces expériences mettent fin à une longue controverse, en démontrant le caractère ondulatoire des rayons de Röntgen ; elles permettent aussi de connaître la structure des milieux cristallisés et, dans ce domaine, leurs applications seront multiples. Elles valent à leur auteur le prix Nobel de physique pour 1914.

Par la suite, von Laue étudie la supraconductibilité et il édifie en 1931 la théorie des interférences produites par les réseaux tridimensionnels.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, il se signale par sa résistance au national-socialisme et apporte son aide aux opprimés. Lors de l’arrivée des armées alliées, il est emmené en Grande-Bretagne. À son retour en Allemagne, en 1946, il reprend d’abord son activité à Göttingen, puis, à partir de 1951, il va terminer sa carrière en devenant directeur de l’Institut de chimie physique et d’électrochimie de Berlin-Dahlem.

R. T.


Les continuateurs de Laue


Sir William Henry Bragg

(Wigton, Cumberland, 1862 - Londres 1942) et son fils sir William Lawrence Bragg (Adélaïde, Australie, 1890 - Ipswich 1971), physiciens anglais. Tous deux étudièrent principalement la diffraction des rayons X par les cristaux ; ils construisirent un spectrographe à haute fréquence, fondé sur l’interférence des rayons X à travers les réseaux cristallins et déterminèrent de nombreuses structures. Ils reçurent le prix Nobel de physique pour 1915.