Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

La Pérouse (Jean François de Galaup, comte de)

Navigateur français (château du Guo, près d’Albi, 1741 - île de Vanikoro, dans le Pacifique, 1788).


Passionné par les choses de la mer, La Pérouse n’aura pas à subir les ennuis d’un Bougainville* dans la marine royale : sa naissance lui ouvre les portes d’une carrière que la noblesse tente farouchement de réserver à ses fils. Embarqué à quinze ans, le jeune homme entame une carrière qui s’annonce brillante. La guerre lui apporte d’emblée l’occasion de servir avec honneur : à dix-huit ans, en 1759, il est blessé dans un dur combat près de Belle-Ile, et emmené prisonnier en Grande-Bretagne. La paix revenue, promu enseigne de vaisseau en 1764, il sert sur les côtes de France dans des tâches sans gloire. Les hostilités reprennent en 1778, et La Pérouse retrouve l’occasion de s’illustrer : en 1782, il remplit une très difficile mission lorsqu’il est chargé de ravager les établissements anglais de la baie d’Hudson, dont les approches sont pleines de périls.

Au lendemain du traité de Versailles, Louis XVI rédige lui-même les instructions pour l’entreprise qui doit parachever l’œuvre du grand Cook : La Pérouse se voit chargé de diriger une expédition qui doit avant tout reconnaître les parties septentrionales des rivages américain et asiatique. Des savants, astronomes et naturalistes, ainsi que des artistes peintres seront du voyage, avec des laboratoires et une documentation de base pour leurs travaux. Le matériel nautique bénéficie des derniers perfectionnements, et les Anglais, beaux joueurs, prêteront même des instruments ayant appartenu à Cook.

Le 1er août 1785, les deux frégates, neuves, de La Pérouse, la Boussole et l’Astrolabe, quittent la rade de Brest.

Après des escales à Madère, aux Canaries et dans le sud du Brésil, le cap Horn est franchi en février 1786. Un très bon accueil est réservé aux Français par les autorités de Concepción, au Chili. Tout le ravitaillement est complété et l’on part le 15 mars pour l’immense périple dans la « mer du Sud ». L’île de Pâques est atteinte le 9 avril, puis, après une longue traversée vers le nord, La Pérouse fait de la « découverte à l’envers » : en cette fin du xviiie s., il s’agit surtout, en effet, de détruire certains mythes cartographiques hérités des anciens navigateurs espagnols, très mal équipés pour les calculs des longitudes : plusieurs terres qui figuraient sur les cartes vers le tropique du Cancer entre les Sandwich (Hawaii) et la côte américaine devront désormais être rayées des documents fournis aux navigateurs.

Après des trocs fructueux aux îles Sandwich, c’est le départ pour la côte de l’Alaska, que l’on aperçoit vers le mont Saint-Élie. Les travaux de La Pérouse permettent de comprendre la complexité du littoral, bordé d’archipels montagneux. Mais l’exploration des fjords qui débouchent dans le Cross Sound est marquée par le naufrage de deux chaloupes : vingt et un marins et officiers sont noyés (13 juill. 1786). L’exploration méthodique se poursuit néanmoins vers le sud. De nombreux lieux sont baptisés, et La Pérouse en profite pour brocarder ceux qui ne sont plus en cour : « Le 5 septembre, nous nous trouvions [...] au travers de neuf petites îles ou rochers, nus et d’un aspect hideux : je les nommai îles Necker. »

Depuis, la Californie, où l’on a visité les missions des Franciscains, une nouvelle traversée de l’océan est entreprise le 24 septembre. La position des Mariannes est rectifiée en décembre. Après des escales à Macao et aux Philippines, la partie la plus profitable de l’expédition commence, entre la Corée et le Japon ; ces terres ont bien été décrites par les Jésuites, mais leur cartographie est celle de terriens : tout est à faire pour l’hydrographie marine. Ce à quoi s’emploie La Pérouse d’avril à août 1787. Il franchit le détroit auquel son nom est donné, entre Sakhaline et Hokkaidō, puis gagne le Kamtchatka, où les Russes lui réservent un très bon accueil et d’où les documents de l’expédition seront rapportés en Europe par un officier, Barthélemy de Lesseps (l’oncle de Ferdinand).

L’expédition repart en octobre pour le sud. Le 11 décembre, nouveau drame, à l’île Tutuila, dans l’archipel des Navigateurs (îles Samoa) : le capitaine de vaisseau Fleuriot de Langle, le physicien de Lamanon et onze marins sont tués par les indigènes. Les dernières nouvelles des voyageurs seront envoyées d’Australie, depuis Botany Bay (actuellement un faubourg de Sydney) : en février 1788, La Pérouse annonce qu’il se propose de gagner, pendant l’été, les îles Tonga, puis les parages de la Nouvelle-Calédonie et de la Nouvelle-Guinée ; il devrait être à Brest en juillet 1789. À cette époque, d’autres événements agiteront singulièrement le royaume. Le mystère entourant la disparition de La Pérouse est pourtant vivement ressenti par l’opinion, mais les enquêtes qui suivront dureront... jusqu’en 1964.

Les enquêtes sur la disparition de La Pérouse

En 1790, l’Académie des sciences propose d’organiser une expédition de recherche : Joseph Antoine Bruni d’Entrecasteaux (1737-1793) en est chargé et appareille avec deux navires en 1791. Des indices de l’expédition auraient été vus par un capitaine anglais aux îles de l’Amirauté, au nord de la Nouvelle-Guinée. D’Entrecasteaux s’y rend, et ne trouve rien (1792). Le 19 mai 1793, par un hasard extraordinaire, une île baptisée « de la Recherche » est en vue : c’est Vanikoro. Mais, pressé par le temps, on n’y débarque pas. On saura plus tard que deux marins de La Pérouse y vivaient peut-être encore.

Les traces de l’expédition ne réapparaissent qu’en 1826 : un capitaine anglais, Peter Dillon, apprend par des aventuriers européens que des objets manufacturés français proviennent en grand nombre de Vanikoro. Il recueille aussi plusieurs récits du naufrage des deux navires. Les rescapés de l’un auraient été tous exterminés au cours de combats avec les insulaires ; les autres naufragés survivant, qui auraient su se faire bien accueillir, seraient repartis vers l’ouest, sauf deux d’entre eux, sur une barque construite avec des matériaux récupérés. Dillon se rend sur les lieux des naufrages l’année suivante et recueille de nombreux objets qui seront formellement reconnus par B. de Lesseps comme appartenant à l’Astrolabe.

De son côté, Dumont* d’Urville recueille enfin les débris de l’Astrolabe (1828). Un petit monument est érigé à la mémoire des victimes. Mais le sort du bateau amiral reste encore inconnu.