Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lang (Fritz) (suite)

Fasciné par la puissance (d’où l’attrait qu’exercent sur lui les sociétés secrètes parallèles ou les organisations plus ou moins criminelles), l’homme langien subit aussi la loi du plus fort (thème du lynchage dans Furie, de l’intolérance sociale dans J’ai le droit de vivre), porte en lui une trouble culpabilité et en appelle à un équilibre critique (tout aussi bien social que psychologique). « Tout se joue et se noue chez Lang au cœur d’un univers hautement moral. Certes la morale conventionnelle n’y a aucune part et les forces en tant que telles (police armée) y sont toujours montrées basses, défaillantes et lâches... Les héros de Lang sont en fait à côté de la société... Seul l’être d’exception préoccupe Lang, une exception qui par pudeur sut parfois revêtir l’humble apparence d’une entraîneuse, d’une espionne, d’un flic ou d’un frustre cow-boy » (F. Truffaut).

J.-L. P.

 F. Courtade, Fritz Lang (le Terrain vague, 1963). / L. Moullet, Fritz Lang (Seghers, 1963). / P. Bogdanovitch, Fritz Lang in America (Londres, 1968). / P. M. Jensen, The Cinema of Fritz Lang (Londres, 1969).

langage

Le langage est étudié par deux disciplines : la linguistique le considère comme un système de signes et cherche à mettre en évidence ses lois de combinaison et de transformation (v. langue) ; la psychologie l’envisage comme une fonction dont elle s’efforce de déterminer la nature, les origines, les conditions d’apparition et de développement au cours de la phylogenèse et de l’ontogenèse ainsi que le rôle dans l’activité psychique totale.



Fonction symbolique et langage

Du point de vue de la psychologie, le langage relève de la fonction symbolique, qu’Henri Wallon* (1879-1962) définit comme « le pouvoir de trouver à un objet sa représentation et à sa représentation un signe » (1942). Il procède donc de la même source que la pensée.

L’aptitude symbolique consiste à dédoubler l’expérience vécue, concrète et actuelle, et à lui substituer un équivalent d’images, de représentations, de mots, superposant ainsi au monde de perceptions un monde de symboles, qui permette l’évocation et toutes les opérations mentales. « C’est à ce pouvoir de substitution que la fonction symbolique se ramène [...]. Elle est ce qui établit une liaison entre un geste quelconque à titre de signifiant et un objet, un acte ou une situation à titre de signifié. Elle n’est d’ailleurs pas addition, mais dédoublement. » (Wallon, 1942.)

Représentation et langage sont spécifiques à l’homme et le différencient de l’animal. Au cours de l’évolution des espèces, ils sont l’effet d’une réorganisation du système nerveux : développement considérable des zones corticales d’association inter- et multi-sensorielle et du lobe frontal, ou plutôt préfrontal, qui devient une sorte de « super-cerveau » où se projettent toutes les fonctions non seulement sensorielles et motrices, mais aussi affectives et végétatives, permettant ainsi un dédoublement fonctionnel généralisé. C’est cette structure dédoublée qui rend possible l’apparition de la fonction symbolique.

On a tenté de déterminer les causes de cette évolution. Des hypothèses ont été émises sur les rôles que pourraient y jouer la vie sociale, le travail collectif, la fabrication et la transmission des outils et des techniques, etc. En tout cas, l’aptitude symbolique n’est acquise que si elle trouve dans le cerveau des individus une structure nerveuse appropriée. L’ambiance sociale entoure l’enfant dès sa naissance, mais celui-ci ne commence à parler qu’au cours de la seconde année, lorsque la structure nerveuse arrive à maturation. Cependant, il ne parlera pas à cet âge si, pour une raison ou une autre, il est privé de présence humaine. Le cas des enfants sauvages, des enfants abandonnés à la solitude est bien connu. D’autre part, les enfants de n’importe quelle origine linguistique parleront la langue dans laquelle ils sont élevés. La maturation constitue des possibilités que l’environnement doit actualiser.

Quoiqu’elle marque une discontinuité fondamentale dans la phylogenèse comme dans l’ontogenèse, la fonction symbolique a des préludes dans le comportement des animaux et du jeune enfant, qui réagissent à des signaux et à des indices qui sont des substituts précurseurs des symboles et des signes. Ainsi, le chien réagit au miaulement du chat lorsque ce dernier n’est pas encore en vue, ou le lion continue à poursuivre sa proie qui a disparu en se guidant sur son odeur, ses empreintes, etc. De même, le jeune enfant se calme et esquisse le mouvement de succion lorsqu’il est mis dans la position de tétée ou lorsqu’il entend la voix de sa mère. Signal et indice consistent en une circonstance qui annonce la situation, en une trace qui renvoie à l’objet total. Ils n’en sont pas distingués par le sujet, et leur valeur de substitut réside dans cette fusion.

Les auteurs qui se sont occupés de ce problème sont unanimes à considérer que le signal et l’indice n’impliquent pas la représentation ou le dédoublement entre l’objet, la situation et ce qui se substitue à eux pour les représenter. Avec le symbole et le signe, par contre, le dédoublement est consommé. Dans la symbolisation, un objet quelconque est substitué à un autre, ce qui implique leur dédoublement respectif. Lorsqu’un enfant fait manger sa poupée en lui mettant à la bouche une coquille, la coquille n’est pas prise dans sa réalité matérielle ; elle est un symbole qui représente et évoque l’image du lait absent. Symbolisant et symbolisé sont ici dissociés. Les symboles sont concrets et peuvent avoir des relations de convenance ou d’analogie avec leurs signifiés. Les signes du langage oral ou écrit sont des symboles abstraits et conventionnels, dont la réalité matérielle, suite sonore ou tracé graphique, s’efface au profit de la réalité symbolique. Ils sont ainsi de purs instruments de signification. Les symboles* mathématiques et scientifiques, eux, appartiennent plutôt au système des signes.