Peintre cubain (Sagua la Grande, Las Villas, 1902).
Né d’un père chinois et d’une mère afro-cubaine, il s’est initié très jeune à la fois aux traditions populaires de son pays et à la peinture moderne, notamment lors de son séjour en Espagne (1924-1938). C’est dans ce pays qu’il découvre tour à tour d’authentiques sculptures africaines, qui le renvoient d’emblée à une mythologie qu’il connaît déjà, les peintures de Bosch et de Goya (qui le fascinent par leurs glissements d’un règne naturel à un autre) et enfin l’envoûtement qu’exerce l’œuvre de Picasso. La guerre civile le pousse à se réfugier à Paris, où il rencontre le peintre espagnol ainsi que les principaux membres du groupe surréaliste. Picasso (fait exceptionnel de sa part) reconnaît immédiatement en Lam un artiste très proche de lui, par-delà l’assimilation de certains aspects formels, et veille à ce qu’il puisse poursuivre son œuvre. André Breton, de son côté, saluera bientôt l’artiste qui, au sein de l’extrême modernité, a réussi à atteindre, « à partir du merveilleux primitif qu’il porte en lui, le point de conscience le plus haut ». Par la suite, Lam sera présent dans toutes les expositions du groupe surréaliste.
Réfugié pendant la Seconde Guerre mondiale à Cuba (d’où il voyage à New York, à Haïti, etc.), Lam y développe sa carrière véritablement originale, où les influences cubistes et surréalistes se fondent dans un retour à des thèmes typiquement antillais (la Jungle, 1943, Museum of Modern Art, New York ; Ogoun ferraille, 1946, coll. priv.). Son art échappe au folklore, d’une part grâce à son extrême agilité graphique, qui pousse l’expressionnisme schématisé jusqu’à la réduction des masques ou des silhouettes à une chorégraphie purement allusive ; d’autre part grâce au registre très personnel de ses couleurs. En effet, ses toiles sont volontiers quasi monochromes, dans un registre de tonalités sourdes, ponctuées çà et là de signes plus éclatants. C’est alors que Breton peut l’évoquer « l’étoile de la liane au front, et tout ce qu’il touche brûlant de lucioles ». Lam n’abandonnera jamais totalement ce registre, témoin la série des Images (1962-1964). Dans d’autres œuvres, les fonds semi-nocturnes se trouent de taches colorées qui suggèrent, par-delà le graphisme, un second réseau de présences, où Aimé Césaire (W. Lam, Cahiers d’art, 1945-46) a reconnu un monde qui atteint au stade mythique de la connivence (la Serre, 1944).
Réinstallé à Paris à partir de 1952, Lam y poursuit une œuvre qui tend peut-être davantage vers l’abstraction, sans jamais s’éloigner cependant des références à certains thèmes de la nature panique (la femme, l’oiseau, la flèche) : la Fuite (pastel, 1957) ; La nuit est à nous (1968, coll. Loeb, New York). On ne peut guère, en fait, parler d’évolution à propos de cette plasticité et de cette luminosité très personnelles, parfois raffinées jusqu’au dépouillement, que Lam a appliquées avec un égal bonheur au dessin, au pastel et à la lithographie. Son don de renouvellement, au sein des métamorphoses qu’il a le premier proposées à l’art européen, apparaît inépuisé. Après la prise du pouvoir à La Havane par Fidel Castro, Wifredo Lam a exercé une influence importante et bénéfique dans son pays natal, où, se faisant l’ambassadeur bénévole de l’« école de Paris » auprès des jeunes artistes cubains, il a contribué à faire admettre à part entière tout un courant de peinture non figurative.
G. L.
J. Charpier, Lam (Georges Fall, 1960).
CATALOGUE D’EXPOSITION. Lam (Galleria Arte Borgogna, Milan, 1970).