Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lalo (Édouard) (suite)

Symphoniste, Lalo s’affirme encore comme tel au théâtre, mais le Roi d’Ys (1888) a des insuffisances provenant d’un manque de souffle pour traiter les parties les plus dramatiques du sujet. Néanmoins, entre Carmen et le Rêve, le Roi d’Ys aura marqué une importante étape du drame lyrique. En revanche, les dernières mélodies situent Lalo parmi les rares Français à avoir acclimaté le lied (Tristesse, A une fleur). Les textes, choisis avec goût, sont traduits avec une rare pénétration dont témoigne la richesse de la partie instrumentale (renforcée dans Chant breton par un hautbois concertant). Le troisième trio (1880) prend le relais du trio en fa de Saint-Saëns, mais avec un élan supérieur. Il sera dépassé par le quatuor à cordes (v. 1855, remanié en 1888) qui, en France, sonne la résurrection du genre entre ceux de Sylvio Lazzari et de César Franck.

Mais c’est dans Namouna (1882) que Lalo aura déployé toutes les ressources de son imagination et de sa science, moins harmoniques qu’instrumentales ou rythmiques. Il aura excellé dans le mouvement, mais aussi dans un lyrisme à la fois tendre et discret. Autant de traits qui incitent à rapprocher de Mendelssohn cet honnête artisan du renouveau musical français.

F. R.

➙ Mélodie.

 Lalo, numéro spécial de la Revue musicale (Richard-Masse, 1923). / G. Servières, Édouard Lalo (Laurens, 1925). / M. Pincherle, Musiciens peints par eux-mêmes (Cornuau, 1939).

Lam (Wifredo)

Peintre cubain (Sagua la Grande, Las Villas, 1902).


Né d’un père chinois et d’une mère afro-cubaine, il s’est initié très jeune à la fois aux traditions populaires de son pays et à la peinture moderne, notamment lors de son séjour en Espagne (1924-1938). C’est dans ce pays qu’il découvre tour à tour d’authentiques sculptures africaines, qui le renvoient d’emblée à une mythologie qu’il connaît déjà, les peintures de Bosch et de Goya (qui le fascinent par leurs glissements d’un règne naturel à un autre) et enfin l’envoûtement qu’exerce l’œuvre de Picasso. La guerre civile le pousse à se réfugier à Paris, où il rencontre le peintre espagnol ainsi que les principaux membres du groupe surréaliste. Picasso (fait exceptionnel de sa part) reconnaît immédiatement en Lam un artiste très proche de lui, par-delà l’assimilation de certains aspects formels, et veille à ce qu’il puisse poursuivre son œuvre. André Breton, de son côté, saluera bientôt l’artiste qui, au sein de l’extrême modernité, a réussi à atteindre, « à partir du merveilleux primitif qu’il porte en lui, le point de conscience le plus haut ». Par la suite, Lam sera présent dans toutes les expositions du groupe surréaliste.

Réfugié pendant la Seconde Guerre mondiale à Cuba (d’où il voyage à New York, à Haïti, etc.), Lam y développe sa carrière véritablement originale, où les influences cubistes et surréalistes se fondent dans un retour à des thèmes typiquement antillais (la Jungle, 1943, Museum of Modern Art, New York ; Ogoun ferraille, 1946, coll. priv.). Son art échappe au folklore, d’une part grâce à son extrême agilité graphique, qui pousse l’expressionnisme schématisé jusqu’à la réduction des masques ou des silhouettes à une chorégraphie purement allusive ; d’autre part grâce au registre très personnel de ses couleurs. En effet, ses toiles sont volontiers quasi monochromes, dans un registre de tonalités sourdes, ponctuées çà et là de signes plus éclatants. C’est alors que Breton peut l’évoquer « l’étoile de la liane au front, et tout ce qu’il touche brûlant de lucioles ». Lam n’abandonnera jamais totalement ce registre, témoin la série des Images (1962-1964). Dans d’autres œuvres, les fonds semi-nocturnes se trouent de taches colorées qui suggèrent, par-delà le graphisme, un second réseau de présences, où Aimé Césaire (W. Lam, Cahiers d’art, 1945-46) a reconnu un monde qui atteint au stade mythique de la connivence (la Serre, 1944).

Réinstallé à Paris à partir de 1952, Lam y poursuit une œuvre qui tend peut-être davantage vers l’abstraction, sans jamais s’éloigner cependant des références à certains thèmes de la nature panique (la femme, l’oiseau, la flèche) : la Fuite (pastel, 1957) ; La nuit est à nous (1968, coll. Loeb, New York). On ne peut guère, en fait, parler d’évolution à propos de cette plasticité et de cette luminosité très personnelles, parfois raffinées jusqu’au dépouillement, que Lam a appliquées avec un égal bonheur au dessin, au pastel et à la lithographie. Son don de renouvellement, au sein des métamorphoses qu’il a le premier proposées à l’art européen, apparaît inépuisé. Après la prise du pouvoir à La Havane par Fidel Castro, Wifredo Lam a exercé une influence importante et bénéfique dans son pays natal, où, se faisant l’ambassadeur bénévole de l’« école de Paris » auprès des jeunes artistes cubains, il a contribué à faire admettre à part entière tout un courant de peinture non figurative.

G. L.

 J. Charpier, Lam (Georges Fall, 1960).
CATALOGUE D’EXPOSITION. Lam (Galleria Arte Borgogna, Milan, 1970).

Lamarck (Jean-Baptiste de Monet, chevalier de)

Naturaliste français (Bazentin, Picardie, 1744 - Paris 1829).



Malentendus et malchances

Il est extraordinaire que la doctrine biologique qu’on appelle le « lamarckisme » ait pris son essor près de soixante ans après la mort de son créateur. Il est sans doute plus étonnant encore de voir à quel point ce qui a fait l’obscurité de Lamarck pendant sa vie, aussi bien que ce qui a fait sa gloire plus tard, est étranger à la science. Lamarck a payé très cher son penchant pour la météorologie (il publiait un almanach à l’instar des charlatans de foire !), ses convictions républicaines, qui déplaisaient à Napoléon, sa philosophie évolutionniste, qui choquait les dévots, son inaptitude aux placements financiers, qui le ruina. Quant aux hommages réparateurs que lui a accordés le xixe s. finissant, ils procèdent ouvertement du chauvinisme, de l’anticléricalisme et de l’esprit de corps qui régnaient alors au Muséum. Il n’est pas jusqu’aux raisons de l’entrée de Lamarck dans le monde scientifique qui n’aient été occasionnelles ou ambiguës. Sa Flore française (1778) est un ouvrage remarquable. Mais ce n’est pas parce qu’elle est remarquable que Buffon* la fait imprimer et diffuser aux frais de l’État : c’est pour contrarier les disciples de Linné*, avec lesquels il était à couteaux tirés, en opposant un autre mode de classification des fleurs à celui dont Linné avait été le promoteur. Et pourquoi Lamarck avait-il rédigé cette Flore ? Parce qu’un accident survenu hors du service l’avait détourné de la carrière des armes. Rappelons enfin que ce botaniste est resté célèbre comme... zoologiste, tout simplement parce qu’en 1793, lorsque la Convention nationale institua le Muséum national d’histoire naturelle, on lui confia la chaire des « animaux à sang blanc » (Invertébrés), dont personne ne voulait. Trois fois veuf, aveugle au soir de sa vie, ruiné par de malencontreux placements, obligé de vendre au Muséum l’herbier qu’il avait patiemment constitué, Jean-Baptiste de Lamarck a réuni sur sa personne toutes les variétés de malchance qui peuvent survenir à un homme.