Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lagides (suite)

Ptolémée III Évergète (de 246 à 221)

Ptolémée III (v. 280-221 av. J.-C.) allait égaler les plus hauts exploits des grands pharaons du nouvel empire : la mort d’Antiochos II lui fournit l’occasion d’intervenir en Asie. Bérénice, sa sœur, avait épousé Antiochos II et lui avait donné un fils, mais la première épouse du roi, Laodice, mère de deux princes royaux, que le mariage avait fait exiler à Éphèse, avait su profiter des opérations de son mari en Asie Mineure pour reconquérir sur lui son influence. Aussi, quand le roi mourut (à Éphèse justement en 246), c’est le prince Séleucos II Kallinikos, fils de Laodice, qu’il désigna comme successeur. Ptolémée III voulut défendre les droits de son neveu. Il débarqua à Antioche sans coup férir, mais il y trouva sa sœur morte ainsi que le tout jeune prince. Par désir de vengeance et par souci de ne pas laisser perdre une bonne occasion, il s’enfonça vers la Mésopotamie ; il put atteindre Babylone et recevoir la soumission de quelques responsables iraniens : l’inscription d’Adoulis (auj. Zoul, en Éthiopie) fait un catalogue de ces conquêtes glorieuses, mais fort éphémères. En 241, Séleucos II avait réussi à reconquérir la quasi-totalité de son royaume, mais les Lagides gardaient Séleucie de Piérie, le port d’Antioche, ainsi qu’une partie des côtes d’Asie Mineure (Cilicie Trachée, Pamphylie, Ionie) et tenaient sans doute l’Hellespont.

Des troubles survenus en Égypte avaient rappelé le roi à Alexandrie. En effet, la puissance lagide commençait de s’affaiblir : l’administration, devant les réticences des paysans, n’était plus capable de faire rendre au pays tout ce qu’il était capable de donner ; il fallait en venir aux manipulations monétaires, abandonner parfois ses alliés (ainsi Cléomène III de Sparte n’eut en 222, vaincu par les Antigonides, que la ressource de fuir le Péloponnèse) et se compromettre ou s’incliner devant tous les groupes de pression.


Ptolémée IV Philopatôr (de 221 à 204/203)

Ptolémée IV (v. 224-203 av. J.-C.) fut un souverain fort médiocre et trop dominé par ses conseillers Sosibios et Agathocle (ils lui firent assassiner son oncle Lysimaque, son frère Magas et sa mère Bérénice II ; quant à Cléomène III de Sparte, qui était venu se réfugier à la cour de Ptolémée III, il dut se suicider en 219). En 219, Antiochos III Mégas envahit la Syrie ; il atteignit le Nil et on ne put l’y arrêter que par la destruction des digues du Nil. Le Lagide dut rappeler pour livrer bataille ses troupes des possessions extérieures ; il lui fallut enrôler et former 20 000 indigènes. La victoire, très inattendue, de Raphia (217) dégagea l’Égypte et permit de reconquérir la Syrie, mais elle fut le signal de troubles graves à l’intérieur même du royaume : pour la première fois, les Égyptiens avaient eu le droit de porter les armes pour la défense de leur pays ; après une victoire qui fut la leur, ils entendirent ne plus être purement et simplement soumis à une domination étrangère et se révoltèrent contre les Macédoniens oppresseurs ; le territoire lagide fut le cadre d’une guérilla endémique, un combat contre les agents du fisc qui drainaient au profit exclusif des Hellènes toutes les ressources du pays. À partir de 208, toute la Haute-Égypte échappa au contrôle de la dynastie, et des pharaons d’origine nubienne s’installèrent en Thébaïde. Commença dès lors une longue suite de concessions aux intérêts indigènes : les prêtres égyptiens y prirent une influence considérable, sanctionnée par la venue de synodes qui se tenaient à Memphis et où le roi se rendait. Le souverain n’était d’ailleurs plus simplement un prince grec : il était devenu un pharaon.


Déclin de la dynastie

En 145 était mort Ptolémée VI Philomêtôr ; sa veuve et sœur Cléopâtre II devint régente pour son frère Ptolémée VII Neos Philopatôr. Alexandrie se révolta alors pour obtenir le retour en Égypte de Ptolémée VIII Evergète II dit Physcon (« le Bouffi ») [† 116 av. J.-C.], leur frère cadet, qui était alors à Cyrène. En 169, celui-ci devint roi sous le nom de Ptolémée VIII et épousa Cléopâtre II ; Ptolémée VII allait être assassiné par son frère et sa sœur (en 144-143). Vers 142, lassé sans doute des charmes de sa femme, il en épousa la fille, sa nièce, Cléopâtre III. Cléopâtre II réussit à faire chasser son frère et sa fille d’Égypte et s’installa au pouvoir, prétendant prendre pour régent son fils, Ptolémée dit Memphite (fils de Physcon, né en 144-143). Mais Ptolémée VIII, réfugié à Chypre, fit enlever Ptolémée Memphite à Cyrène : il l’assassina, le faisant découper en morceaux et l’envoyant à sa sœur-épouse. Le pays égyptien était à feu et à sang, et les Séleucides durent intervenir dans le conflit.

Ptolémée VIII réussit en 127-126 à revenir à Alexandrie. Il y supprima toutes les associations intellectuelles et sportives grecques, car les Hellènes avaient soutenu sa sœur. En 124, Ptolémée VIII, sa sœur Cléopâtre II et sa nièce Cléopâtre III se réconcilièrent ; les deux victimes de leur sauvagerie, Ptolémée VII et Ptolémée Memphite, furent réintégrées dans le culte dynastique. Il était malheureusement impossible de redonner au pays même une apparence de prospérité après les saignées des guerres civiles. Lorsque mourut en 80 Ptolémée X (IX ou VIII) Sôtêr II dit Lathyros, il n’y avait pas à Alexandrie de successeur. La descendance mâle des Lagides avait été capturée à Kós (Cos) en 88 par Mithridate, mais Sulla gardait auprès de lui comme otage un fils de Ptolémée XI (X ou IX) qui devint roi sous le nom de Ptolémée XII (XI ou X) Alexandre II (v. 105-80 av. J.-C.). Arrivé en Égypte, celui-ci épousa sa cousine, veuve de son père, et s’empressa de la faire assassiner : une émeute d’Alexandrie le massacra sur-le-champ (80). L’intérêt de ce règne bref fut qu’il obéra l’héritage de ses successeurs éventuels, puisqu’un testament fit de la cité de Rome son légataire. Néanmoins, le Sénat ne montra guère d’empressement à faire valoir ses droits ; aussi les Alexandrins réussirent-ils à ramener d’Asie les deux fils de Ptolémée X : l’aîné fut proclamé roi sous le nom de Ptolémée XIII (XII ou XI) Neos Dionysos dit Aulète (« le Flûtiste ») [95-51 av. J.-C., roi de 80 à 58 et de 55 à 51].