Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Lagerkvist (Pär) (suite)

En 1940, Pär Lagerkvist est élu membre de l’Académie suédoise. Il publie deux nouveaux recueils, Chant et bataille (1940), la Patrie et l’étoile (1942). Deux ans plus tard paraît le Nain, roman séduisant, très énigmatique, qui traite de toutes les basses tendances de l’humanité avec une ironie qui rappelle celle de Swift. En 1947, il se rend en France et en Italie et écrit une pièce, la Pierre philosophale ; puis en 1950 paraît un autre grand roman, Barabbas. Il s’agit de l’histoire du Christ vue par Barabbas, que sa venue a libéré mais qui ne peut entendre son message et reste l’homme étranger sur la terre. Ainsi reparaissent avec une insistance tragique les problèmes de l’homme, de la foi, du destin.

Le prix Nobel de littérature lui est attribué en 1951. En 1956, il publie la Sibylle, roman qui s’attache au problème de Dieu, qui est l’étranger, l’absent insondable, impitoyable et terrifiant, ou en d’autres termes une énigme faite pour exister. Il écrit en 1962 Pèlerin sur la mer, où il médite sur l’amour ; en 1964, la Terre sainte, œuvre très symbolique qui soulève encore le problème de la religion, mais où les seules réponses se situent en dehors du cadre religieux ; enfin paraît en 1967 le roman Mariamne.

Une certaine hauteur caractéristique du ton et du style, une dévotion absolue à l’indépendance de la pensée ont fait de Pär Lagerkvist un auteur très apprécié en Suède, qui pratique constamment le mélange des genres : théâtre, nouvelles et romans, méditations et poèmes. Après avoir dépeint son angoisse devant le spectacle d’un monde bouleversé, il s’est fait l’apôtre d’un art intellectualiste quelque peu secret. De sa révolte initiale, il est passé à une acceptation de la foi en l’homme, qu’il cache désormais, de même que sa profonde sensibilité, sous des formes plus classiques et un masque d’ironie.

J. R.

 O. Oberholzer, Pär Lagerkvist, Studien zu seiner Prosa und seinen Dramen (Heidelberg, 1958).

Lagerlöf (Selma)

Femme de lettres suédoise (Mårbacka 1858 - id. 1940).


Elle se distingue par un flot de romantisme qui tranche, à la fin du xixe s., sur une littérature réaliste et pessimiste.

Née au manoir de Mårbacka, dans le Värmland, le 20 novembre 1858, c’est une enfant chétive que ses parents décident de ne pas envoyer à l’école ; cependant, elle est passionnée de lecture, et son plus jeune âge est imprégné par les innombrables légendes värmlandaises que lui raconte sa grand-mère. Après la mort de son père, suivie de la vente forcée de leur domaine de Mårbacka, elle fait ses études à l’école normale de Stockholm, de 1882 à 1885, ayant choisi d’être institutrice, puis elle exerce au lycée de jeunes filles de Landskrona, en Scanie, pendant une dizaine d’années.

À trente ans, rien ne semble la prédestiner à une carrière d’écrivain ; elle ne fait guère cas de quelques poèmes qu’elle a publiés dans certains journaux locaux. Mais, au cours de son séjour à Stockholm, elle met à profit sa connaissance des contes et légendes de sa province natale. En 1891 paraît son roman la Saga de Gösta Berling, qui évoque le Värmland du début du siècle dernier : il est d’abord mal accueilli par la critique et le public, mais un article du critique danois Georg Brandes (1842-1927) a tôt fait d’en imposer la réputation.

Elle publie, en 1894, une série de contes : les Liens invisibles, où déjà elle fait preuve de plus de maturité. Une bourse, qui lui est attribuée l’année suivante, lui permet d’abandonner définitivement l’enseignement et de partir pour l’Italie. Elle séjourne notamment en Sicile, dont elle sait faire revivre la vie populaire dans les Miracles de l’Antéchrist, roman paru à son retour en Suède en 1897 ; le sujet véritable en est le socialisme, qu’elle essaie de comprendre : elle éprouve de la sympathie pour les buts, mais les moyens et l’esprit lui demeurent étrangers.

Elle s’installe en Dalécarlie, où elle achète une petite maison à Falun, en 1897. Deux ans plus tard paraissent les nouvelles intitulées les Reines de Kungahälla ainsi que le Vieux manoir, caractéristiques de son talent en ce sens qu’elle noie l’invraisemblable dans la vigueur de ses descriptions. Après le voyage qu’elle entreprend en 1900 au Moyen-Orient, elle écrit de 1901 à 1902 les deux volumes de Jérusalem, qui racontent, dans un style très soigné, l’histoire d’un mouvement religieux en Dalécarlie et le départ d’un groupe de paysans pour la Terre sainte ; à côté du thème de la religion domine le sentiment très fort de la famille.

Décorée en 1904 de la médaille d’or de l’Académie suédoise, elle écrit, la même année, les Légendes du Christ et les Ecus de messire Arne. Sollicitée dès 1902 pour écrire un livre de géographie à l’usage des écoliers, elle publie en 1906-1907 le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède, œuvre qui lui vaut un immense succès et bientôt traduite en de nombreuses langues. La Suède y est tout entière, dépeinte avec une étonnante variété aussi bien d’aventures que de descriptions et de légendes. La fantaisie de l’auteur s’y donne libre cours : Selma Lagerlöf élève un conte puéril au rang de la poésie pure. L’université d’Uppsala lui confère alors le titre honorifique de docteur ès lettres.

Désormais, elle entreprend de racheter le domaine de Mårbacka, et sa tâche est grandement facilitée lorsqu’elle reçoit le prix Nobel de littérature en 1909. Dans la Saga d’une saga, qu’elle publie en 1908, elle relate la genèse de son premier livre. Puis elle écrit la Maison de Liliecrona (1911), le Charretier de la mort (1912), l’Empereur du Portugal (1914). Cette année-là voit l’élection de Selma Lagerlöf à l’Académie suédoise : elle est la première femme à en devenir membre. Les horreurs de la Première Guerre mondiale l’affligent beaucoup ; elle consacre la majeure partie de son temps aux causes humanitaires et pacifiques.