Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

La Fontaine (Jean de) (suite)

En 1693, La Fontaine, malade, sollicité aussi par ses amis, songe à son salut. Devant une délégation de l’Académie, il renie ses Contes, prend l’engagement de n’écrire plus que des œuvres de piété. Il écrira en effet des hymnes, perdues ; une traduction du Dies irae a été conservée. Il vivra encore deux ans, portant cilice. Un grand vide poétique commençait qui contribua à donner sa place à un écrivain dont ses admirateurs même avaient mal compris qu’il était peut-être le plus grand poète du xviie s.

G. C.

 L. Roche, la Vie de Jean de La Fontaine (Plon, 1913). / P. Clarac, La Fontaine (Hatier, 1947 ; nouv. éd., 1969) ; La Fontaine par lui-même (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1961). / G. Couton, la Poétique de La Fontaine (P. U. F., 1957) ; la Politique de La Fontaine (Les Belles Lettres, 1959). / R. Kohn, le Goût de La Fontaine (P. U. F., 1962). / R. Jasinski, La Fontaine et le premier recueil des « Fables » (Nizet, 1966 ; 2 vol.). / J.-D. Biard, le Style des « Fables » de La Fontaine (Nizet, 1970). / J.-P. Collinet, le Monde littéraire de La Fontaine (P. U. F., 1970). / N. Richard, La Fontaine et les « Fables » du deuxième recueil (Nizet, 1972).

Laforgue (Jules)

Poète français (Montevideo 1860 - Paris 1887).


« Masque imberbe sans air glabre, d’une pâleur un peu artificielle mais jeune ; deux yeux bleu-gris partout étonnés et candides, tantôt frigides, tantôt réchauffés par les insomnies ; un nez sensuel, une bouche ingénue. » Tel apparaît Hamlet dans les Moralités légendaires ; tel apparaît aussi Jules Laforgue sur le pavé de Paris, éternel adolescent, voyageur sans bagages. À dix ans, il est passé du soleil austral de l’Uruguay au soleil sarrasin du Languedoc. Après des études médiocres, qui se poursuivent dans la capitale, après la mort prématurée d’une mère trop aimée, c’est la solitude d’un pauvre garni, qu’il quitte pour devenir lecteur de l’impératrice d’Allemagne. Entre-temps, en 1885, il publie les Complaintes, puis, l’année suivante, l’Imitation de Notre-Dame la Lune. Il passe presque cinq ans d’un mélancolique exil à Berlin et retourne en France pour mourir à Paris, misérable, dans les bras d’une petite épouse anglaise qui devait bientôt le suivre dans l’« éternullité ». Laforgue n’aura pas vu paraître les six contes de ses Moralités légendaires ; du moins, la piété de ses amis livrera à ses admirateurs ses Derniers Vers (1890). Aujourd’hui encore, car telle est la fortune littéraire du poète, de scrupuleux exégètes découvrent des inédits.

Les déboires, les chagrins d’une existence trop vite fauchée invitent à se pencher sur l’œuvre avec sympathie. Mais cette œuvre, encore bien moins connue que la vie de son auteur, risque de surprendre tant par les envoûtements que par les irritations qu’elle fait naître. En cette fin de siècle, Laforgue est-il un de nos plus grands poètes ou un raté de génie ? Que d’agacements devant cette poésie débilitante, pleine de vers désarticulés, où l’invention verbale, les fausses élégances et la désinvolture étudiée paraissent autant de signes évidents de décadence ! Qu’on n’imagine pas — image séduisante, mais combien fausse — une sorte de Pierrot lunaire à l’air songeur et sorti tout droit d’une esquisse de Watteau pour jouer de la lyre... Ce sont plutôt contorsions, caprices des nerfs, grimaces, clowneries, dans les grincements d’un humour noir où se fondent cynisme et naïveté. Jongleries de « louforgue », dirait André Berry. Laforgue porte-t-il un masque par pudeur, comme on voudrait le croire ? Mais ne peut-on dire également que toujours, par quelque côté, nous façonnons notre masque à notre ressemblance ?

Cet adolescent nous échappe. Pourtant, derrière son univers factice, il y a les élans d’un cœur torturé et à la recherche de l’absolu. Qu’importe si les fantômes de l’amour et de la mort qu’il soulève retombent sur lui et l’écrasent, qu’importe si ses visions cosmiques ou quotidiennes se réduisent au total à peu de chose, puisque, à travers les gémissements, les provocations, les désirs et les refoulements, surgit un monde qui est à la fois attraction et répulsion et où se glissent quelques-uns des très grands vers de notre langue. Cet écorché vif, qui aime autant le jeu que la sincérité, trouve des accents troublants pour émouvoir, soit qu’il fasse entendre la banale complainte de l’orgue de Barbarie, soit qu’il nous emporte dans le crépuscule d’un dimanche d’été, ou bien quand, dans sa « puberté difficile », « seul, pur, songeur, hypertrophique », il rêve à des « débâcles nuptiales ». La meilleure lecture qu’on puisse faire de cet œuvre est de se laisser aller à ses rythmes (« Blocus sentimental ! Messageries du Levant ! ... / Oh, tombée de la pluie ! Oh ! tombée de la nuit ... ! ») et de suivre les modulations de ses phrases disloquées et déconcertantes. Peu à peu, dans ce flot d’images et d’incohérences voulues, on ne voit plus la gratuité du verbe, mais les aveux déguisés d’un esprit qui souffre du mal de vivre. Pareil à Erik Satie, dont l’œuvre provoque encore des remous, Jules Laforgue, même lorsqu’il veut choquer « le menuet de nos pantalonnades », élabore un univers dont l’arbitraire n’empêche pas des intuitions essentielles.

A. M. - B.

 F. Ruchon, Jules Laforgue (1860-1887), sa vie, son œuvre (Ciana, Genève, 1924). / L. Guichard, Jules Laforgue et ses poésies (P. U. F., 1950). / M.-J. Durry, Jules Laforgue (Seghers, 1952, 5e éd., 1971). / P. Reboul, Laforgue (Hatier, 1960). / J. Laforgue, Poésies complètes, prés. par P. Pia (le Livre de poche, 1970). / J.-L. Debauve, Laforgue en son temps (La Baconnière, Neuchatel, 1972).

La Fosse (Charles de)

Peintre français (Paris 1636 - id. 1716).


Fils d’un orfèvre parisien, il devient l’élève de Le Brun*. Celui-ci favorisera toujours sa carrière, malgré l’évolution de son style, qui l’entraîne fort loin de l’art de son maître. Vers 1655, La Fosse aide Le Brun dans l’exécution de ses décorations au séminaire Saint-Sulpice et dans la galerie de l’hôtel Lambert. Il passe ensuite plus de cinq années en Italie, où il s’intéresse autant à la peinture vénitienne et au Corrège* qu’aux traditionnels modèles bolonais et romains. Ses œuvres de jeunesse sont rares : on ne connaît guère que l’Enlèvement de Proserpine, peint avant 1673 (Paris, École nationale des Beaux-Arts), où les souvenirs de l’Albane et de Poussin* sont encore visibles et qui lui servit de morceau de réception à l’Académie, dont il devait devenir plus tard directeur.