Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

animal (suite)

Ces études mettent en œuvre, aussi souvent que possible, la méthode expérimentale. On peut citer en exemple les travaux de Nikolas Tinbergen (né en 1907) sur la reconnaissance des parents par la jeune Mouette d’après la pigmentation du bec de ceux-ci : l’expérimentateur présente à la jeune Mouette divers becs artificiels diversement colorés et détermine pour quels modèles elle répond par l’attitude d’attente de la nourriture. Cette « méthode des leurres » a également permis de déterminer que c’était la couleur rouge du ventre du partenaire qui amène l’Épinoche mâle à le considérer comme un rival et à l’attaquer. On a donc pu ainsi mieux connaître la manière dont l’animal perçoit son environnement biologique et l’on a défini quels sont les « stimuli déclencheurs » propres à chaque espèce en relation à une conduite déterminée.

2. la psychologie et l’animal. Pour le psychologue, au contraire du biologiste, le comportement n’est pas seulement un indice intéressant ou un moyen d’études du règne animal : il est en soi un objet d’études dont il importe de connaître les lois générales. Le fait d’utiliser des sujets animaux facilite simplement certaines approches expérimentales que la morale n’autoriserait pas s’il s’agissait de sujets humains. De plus, en étudiant des organismes moins complexes que l’être humain, on peut espérer atteindre chez eux, sous une forme simple et pure, certaines fonctions comportementales élémentaires.

En raison du caractère primordial accordé aux variables « situationnelles », on perd de vue l’aspect de spontanéité du comportement, et en cherchant à tenir constants les facteurs relatifs aux animaux étudiés, afin de faciliter la comparaison des résultats obtenus dans différentes situations expérimentales sans l’entacher de la variabilité attribuable aux sujets eux-mêmes, on est conduit à restreindre considérablement le nombre des espèces animales pouvant fournir des sujets d’expérience. De plus, par souci de rapprochement avec la psychologie humaine, ce sont principalement les Mammifères qui ont été étudiés, et même il ne s’agit que de deux ou trois espèces : le Chien pour les études de conditionnement classique et le Rat ou parfois le Macaque pour les travaux des béhavioristes et de leurs successeurs. Mais il y a plus encore : toujours dans le but de réduire la variabilité d’origine biologique, on a sélectionné des lignées pures de Rats de laboratoire, de sorte qu’une étude donnée ne concerne même pas l’espèce Rattus Norvegicus, ni même sa variété albinos domestique, mais une souche déterminée au sein de cette variété, qui confère leur pedigree aux sujets et les caractérise. En outre, lorsqu’on sait que les sujets doivent être d’âge comparable et qu’on préfère les mâles aux femelles pour éviter les fluctuations comportementales dues au cycle ovarien, on voit que le risque est grand d’aboutir non point à une psychologie générale, mais à une monographie concernant le Rat albinos mâle de souche Wistar, âgé de huit à dix semaines.

Ce défaut n’a pas échappé aux praticiens du conditionnement instrumental, car, leur but étant de prouver la généralité du contrôle des actions par leurs conséquences, ils devaient montrer que le comportement de tous les organismes évolue de la même façon dans des conditions de « renforcement » semblables.

À certains égards, cette prise de position a eu des conséquences heureuses : par exemple, les règles de sélection génétique des Rats de laboratoire ne constituent plus des contraintes impératives. Cependant, il ne serait pas réaliste d’attendre la même performance de la part d’un Poisson que de celle d’un Rat ou d’un Singe. C’est pourquoi certains chercheurs ont résolument repris l’attitude comparative, et il convient de citer à cet égard le passionnant ensemble de travaux de Bitterman et de ses élèves, qui ont montré que ce qui évolue avec la céphalisation dans la lignée des Vertébrés, c’est l’aptitude à s’adapter aux inversions de la valeur conditionnelle de réponses faciles à discriminer. Ainsi, un Poisson peut apprendre, comme un Rat, à appuyer sur un levier no 1 pour obtenir de la nourriture et à éviter de toucher à un levier no 2 qui n’en procure pas ; mais si l’on rend efficace, à ce moment, l’appui sur le levier no 2 et non sur le levier no 1, le Poisson aura beaucoup plus de mal que le Rat à se réadapter à cette nouvelle « règle », et la différence s’accentuera si l’on procède à de nouvelles inversions.

A. Les thèmes d’étude. Les réponses fournies par un animal placé dans une situation donnée peuvent arriver, notamment au cours de répétitions successives, à témoigner d’une certaine adaptation propre à l’individu qui les émet. C’est pourquoi le psychologue, étudiant comme le physiologiste les mécanismes d’adaptation fonctionnelle, constate et mesure des régulations comportementales, et son principal intérêt porte sur les modifications du comportement individuel : en cela, il diffère profondément du biologiste, tourné vers le comportement inné. Ces modifications de la conduite peuvent consister en acquisitions (conditionnement, apprentissage, mémoire) ou en dysfonctionnement des grandes fonctions (fatigue, névrose expérimentale, inhibitions) ; elles sont constatables et contrôlables au niveau individuel de manière objective et expérimentale. Cependant, la plausibilité de manifestation de ces conduites nouvelles, créées au laboratoire, dans le cadre de vie naturelle de l’espèce étudiée, constitue un problème que les éthologistes ont soulevé et transformé en critique. Quoi qu’il en soit, la question n’est pas là pour le psychologue : quel que soit le caractère artificiel des réponses étudiées, l’essentiel est d’explorer la possibilité de leur acquisition et les mécanismes de celle-ci.

On peut considérer qu’il existe deux grands types de thèmes d’étude et de comportements observés. Dans les travaux des béhavioristes et de leurs successeurs, les animaux sont soumis à une variété de situations impliquant l’adaptation à une tâche donnée. Ces diverses situations autorisent toujours une multiplicité de réponses possibles, parmi lesquelles l’animal doit sélectionner celle qui est correcte, c’est-à-dire celle qui lui permet de satisfaire le besoin (faim ou peur) qui le motive. De plus, quelle que soit leur complexité, l’animal s’y trouve confronté d’emblée : c’est sa maîtrise progressive du problème ou son échec qui constitue le résultat cherché, sous forme d’une croissance de la proportion de réponses correctes ou d’une élimination des erreurs au fil des essais successifs.