Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

La Fayette (Marie Joseph, marquis de) (suite)

Une longue éclipse

La Fayette s’est réfugié à temps en territoire ennemi ; il refuse d’être prisonnier de guerre. Considéré comme révolutionnaire, il entre en prison le 18 septembre 1792. Il sera soumis à un régime sévère et enfermé notamment à Olmütz, en territoire autrichien. Son épouse obtiendra de le rejoindre. Libéré enfin au bout de cinq ans (19 sept. 1797), il rentre en France après le 18-Brumaire et s’établit au château de la Grange-Bléneau, héritage de sa femme.

Resté profondément libéral, il rompt avec Napoléon en 1802 et disparaît de la vie publique jusqu’en 1815. Les Cent-Jours* feront de lui un député (mai 1815) et, après Waterloo, il exigera l’abdication de l’Empereur (22 juin).


Une nouvelle opposition

En 1818, La Fayette est élu dans la Sarthe et devient l’un des chefs des libéraux, puis membre de « haute vente », le conseil suprême de la Charbonnerie (1821). Il trempe alors, prudemment, dans quelques complots. Aux élections de 1824, le régime réussit à le faire battre. Mais ses loisirs lui permettent d’entreprendre un dernier voyage triomphal aux États-Unis : il y est reçu dans 182 villes et localités. Son nouveau prestige lui vaut d’être réélu en Seine-et-Marne (1827 et 1830).

Seul survivant notable de la grande Révolution, il retrouve, au lendemain des journées de Juillet, son ancien titre de commandant de la garde nationale, mais n’utilise pas sa popularité pour faciliter la venue de la république : son indécision l’amène finalement à faciliter la montée sur le trône du duc d’Orléans, qu’il accueille à l’Hôtel de Ville. Le nouveau régime ne tardera pas, pourtant, à lui retirer sa fonction militaire, et la rupture sera totale au lendemain des obsèques du général Lamarque (1832). La fin de son existence est consacrée à militer pour la liberté des peuples, celle des Polonais en particulier.

S. L.

➙ États-Unis / Révolution française / Restauration.

 J. Delteil, La Fayette (Grasset, 1928). / J. Kayser, la Vie de La Fayette (Gallimard, 1928). / A. Latzko, le Général Lafayette (Grasset, 1935). / M. de La Fuye et A. A. Babeau, La Fayette, soldat de deux patries (Amiot-Dumont, 1953). / J. Rousselot, la Vie passionnée de La Fayette (Seghers, 1958). / G. Marchou, La Fayette, le cavalier de la chimère (Letouzey et Ané, 1960). / F. Ribadeau-Dumas, la Destinée secrète de La Fayette (Laffont, 1972).

La Fontaine (Jean de)

Poète français (Château-Thierry 1621 - Paris 1695).


Jean de La Fontaine est né (baptême le 8 juill. 1621) dans une famille de cette bonne bourgeoisie d’« officiers » — nous dirions de fonctionnaires — qui a fourni au xviie s. nombre de ses écrivains : son père était maître des Eaux et Forêts. De sa jeunesse, nous savons peu de chose : des études secondaires certainement, déjà un appétit de lectures qui durera toute sa vie. Vient le temps de choisir un état : quelle que soit sa date, la fable du « Meunier, son fils et l’âne » garde le souvenir de ses hésitations de jeune homme pour trouver sa voie. Après une tentative pour devenir oratorien, La Fontaine fait des études de droit, prélude aussi bien au barreau qu’à l’achat de quelque office. En 1647, il épouse une jeune femme de bonne bourgeoisie, intelligente et cultivée semble-t-il. Le mariage tournera mal pourtant : il n’était pas aisé pour une femme de fixer un être sensible, inquiet, variable. En 1652, il achète une charge, modeste, dans les Eaux et Forêts ; les charges paternelles s’y ajouteront à la mort du père. Bourgeois de petite ville, propriétaire terrien, il était déjà en contact avec la vie rurale ; par obligation professionnelle, il va acquérir des gens, des bêtes de la campagne et de la forêt cette incomparable connaissance qui donne aux Fables leur assise et leur parfum.

Il exerce sa charge pendant vingt ans, puis s’en dessaisira. Il sera amené aussi à vendre son patrimoine, accablé en partie par son insouciance, plus encore peut-être par le désordre trouvé dans l’héritage paternel. Une séparation de biens et de corps intervient entre lui et sa femme. Il sera amené à vivre de sa plume ; revenus bien irréguliers qui l’obligent, comme tout homme de lettres sans fortune personnelle, à entrer dans l’entourage d’un grand : Fouquet* ; puis la vieille duchesse d’Orléans, dont La Fontaine est « gentilhomme » (la charge rapporte peu, ne confère pas la noblesse, mais permet des séjours à Paris) ; puis Mme de La Sablière ; la jeune et turbulante duchesse de Bouillon ; les Vendôme et les Conti ; le financier d’Hervart enfin, chez qui il mourra. Existence qui vaut ce que vaut le protecteur et qui peut amener à d’assez humiliantes compromissions : La Fontaine aura ainsi une vieillesse quémandeuse et sans beaucoup de dignité.

Vers la trentaine, rien ne paraissait le disposer aux grandes aventures intellectuelles ou poétiques, pas même sa liaison avec les « chevaliers de la Table ronde », des jeunes gens amateurs de belles-lettres et qui se feront une notoriété d’écrivains : Pellisson, François de Maucroix, François Charpentier, Tallemant des Réaux ; aucun pourtant qui ait doté la littérature d’un frisson nouveau.

En 1654, une première publication, une adaptation de l’Eunuque de Térence, qui n’est pas sans mérite, tombe à plat.

Vers cette époque, un événement d’importance modifie la situation intellectuelle et littéraire : le très puissant surintendant des Finances, Nicolas Fouquet, se sent en passe d’atteindre à la succession de Mazarin et à la fonction de Premier ministre. Il s’organise, non sans intention de propagande, une cour d’écrivains. Par Pellisson peut-être, ou par un oncle de sa femme, Jannart, substitut de Fouquet, La Fontaine est mis en rapport avec le nouveau mécène. Il reçoit de lui une pension, lui dédie un roman mythologique, Adonis (1658), écrit pour lui des vers à la Marot ou à la Voiture, entreprend une description de Vaux-le-Vicomte alors en construction, le Songe de Vaux. Cet ouvrage restera inachevé, mais témoigne de la souplesse de La Fontaine à parler de tous les arts : il y a en lui plus qu’un amateur éclairé, un critique d’art possible. A-t-il déjà composé pour Fouquet des contes ? Il se pourrait.