Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

La Fayette (Marie-Madeleine Pioche de La Vergne, comtesse de) (suite)

 A. Beaunier, la Jeunesse de Madame de La Fayette (Flammarion, 1921). / G. Poulet, Études sur le temps humain (Plon, 1950-1964 ; 3 vol.). / C. Dédéyan, Madame de La Fayette (S. E. D. E. S., 1956 ; 2e éd., 1965). / B. Pingaud, Madame de La Fayette (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1959). / M. Laugaa, Lectures de Madame de La Fayette (A. Colin, coll. « U 2 », 1971).

La Fayette (Marie Joseph, marquis de)

Général et homme politique français (Chavaniac, Auvergne, 1757 - Paris 1834).



L’homme

L’indépendance américaine donne la gloire, très jeune, à La Fayette. C’est le tremplin d’une longue vie publique qui ne lui apportera pas, pourtant, l’occasion d’être au premier plan de l’histoire de son pays : son courage certain et ses principes libéraux constants ne s’accompagneront pas, chez lui, de cette claire vision politique des événements qui permet d’avoir barre sur leur évolution.

D’une très vieille famille auvergnate, Marie Joseph Paul Yves Roch Gilbert Motier, marquis de La Fayette, est élevé au manoir natal. Il prend très vite conscience de l’affreuse misère qui règne alors dans les campagnes. Devenu fort riche à moins de quinze ans par l’héritage du comte de La Rivière, il commence une carrière militaire aux mousquetaires noirs (1771). En 1775, il est capitaine de cavalerie, en garnison à Metz. Il y assiste à un dîner donné en l’honneur du frère du roi George III d’Angleterre, le duc de Gloucester, qui laisse entendre combien la lutte des « insurgents » d’Amérique est celle du droit et de la liberté. Exalté par les idées nouvelles, le jeune officier ne songe plus qu’à apporter ses concours aux colonies révoltées contre l’oppresseur.


L’indépendance américaine

Sa fortune permet à La Fayette d’affréter un navire et, malgré l’opposition formelle de Versailles, il s’embarque, en Espagne, pour l’Amérique (20 avr. 1777) avec un contingent de volontaires. L’accueil de la Caroline du Sud est chaleureux, et la ville de Charleston fête le jeune marquis. Mais le Congrès, à Philadelphie, est fort réticent devant ceux qu’il considère plus comme de douteux aventuriers que comme les désintéressés défenseurs de la liberté. Seul, La Fayette obtient de servir, sans solde, comme major général dans l’armée des États-Unis. Une première rencontre avec Washington* prélude cependant à une longue amitié.

Dès le 11 septembre, La Fayette fait preuve de courage lorsqu’il est blessé au combat de la Brandywine, ce qui lui vaut le commandement de la division de Virginie (1er déc. 1777), puis la responsabilité d’une expédition au Canada. Cette campagne ne se fera pas, faute de moyens, mais elle donne l’occasion à La Fayette de faire la connaissance des Indiens des monts Adirondacks.

Le jeune homme ne va plus être presque seul pour soutenir la cause des « insurgents » : leur victoire à Saratoga (oct. 1777) entraîne l’alliance avec la France. L’escadre du comte Jean-Baptiste d’Estaing (1729-1794) arrive en juillet 1778. Mais des querelles ne tardent pas à surgir entre les nouveaux alliés : La Fayette réussit à les apaiser, puis il revient en France plaider la cause américaine (1779). Il est fêté comme le héros des idées nouvelles. Son activité inlassable est largement responsable de l’envoi en 1780 de 6 000 soldats commandés par Jean-Baptiste de Vimeur de Rochambeau (1725-1807). De retour aux États-Unis, La Fayette s’efforce encore d’apaiser les divergences entre Français et Américains (1780). Il participe enfin à la victoire franco-américaine de Yorktown (19 oct. 1781), qui voit la capitulation de l’Anglais Charles Cornwallis (1738-1805) : la guerre de l’Indépendance est dès lors gagnée.

Le retour en France est un nouveau triomphe pour La Fayette. Cette période de sa vie, la plus glorieuse, finit en apothéose avec son voyage de 1784 à travers les jeunes États-Unis. L’année suivante, il parcourt l’Europe et est reçu par Frédéric II.


La Révolution

Le marquis de La Fayette est désormais l’une des figures les plus en vue dans les milieux qui luttent pour la transformation du royaume : il prône la fin des tracasseries contre les protestants, auxquels il rend visite dans les Cévennes, et sa femme milite ardemment pour l’émancipation des Noirs. Membre de l’Assemblée de notables (1787) qui a été convoquée pour tenter de résoudre les problèmes financiers, il lance l’idée, très hardie, de réunir une « assemblée nationale ». Son prestige est si grand qu’il est pourtant désigné par ses pairs comme représentant de la noblesse aux États* généraux convoqués à Versailles pour 1789. Son premier acte est de déposer son projet de « déclaration européenne des Droits de l’homme et du citoyen ». Vice-président de l’Assemblée nationale constituante* le 13 juillet, il est nommé commandant de la milice parisienne (15 juill.), noyau de la garde nationale. Il fait adopter la cocarde tricolore comme insigne de ce corps.

Bien malgré lui, il doit accompagner les Parisiennes à Versailles (5 oct.) et, après avoir calmé les manifestants, ramène le lendemain les souverains à Paris.

Il croit alors la Révolution terminée ; de plus en plus nombreux, en fait, seront ceux qui l’accuseront de protéger la Cour sous couvert de défendre l’ordre. Il connaît cependant un dernier triomphe après son élection à la tête de l’Assemblée lorsqu’il préside la fête de la Fédération (14 juill. 1790). Mais ses fonctions le conduisent à faire tirer sur la foule qui manifeste au Champ-de-Mars pour la proclamation de la république (17 juill. 1791) : il y a quarante morts ; le peuple commence à crier : « À mort La Fayette ! » Après la dissolution de l’Assemblée constituante (30 sept. 1791), La Fayette se retire dans ses terres. Le comte Louis de Narbonne (1755-1813), secrétaire d’État à la Guerre, le rappelle pourtant pour lui confier une armée de 50 000 hommes. Le 20 avril 1792, la guerre à l’Autriche est déclarée. Dès juin, La Fayette écrit à l’Assemblée législative pour dénoncer « la faction jacobite » et l’influence des clubs. Robespierre contre-attaque : « Frappez La Fayette, et la France est sauvée. » Indigné par l’assaut des Tuileries (20 juin), le général se rend à Paris pour réclamer le châtiment des coupables et on lui prête bientôt l’intention de diriger un coup de force. Accusé de trahison, il est remplacé par Dumouriez.