Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
L

Laclos (Pierre Choderlos de) (suite)

Ainsi va le livre : Valmont ne vit que pour la conquête, à ses yeux moyen d’acquérir quelque réalité ; il se dissout progressivement en aimant la présidente, malgré tous ses efforts pour se ressaisir. Mme de Merteuil, pour qui la trahison du vicomte est insoutenable, préfère combattre. L’un et l’autre quitteront le champ de bataille après avoir semé la ruine autour d’eux et créé leur propre destruction.

A. M.-B.

 E. Dard, le Général Choderlos de Laclos, auteur des « Liaisons dangereuses » (Perrin, 1936). / J. Faurie, Essai sur la séduction (la Table ronde, 1948). / R. Vailland, Laclos par lui-même (Éd. du Seuil, coll. « Microcosme », 1953). / J.-L. Seylaz, « les Liaisons dangereuses » et la Création romanesque chez Laclos (Droz, Genève, 1958). / L. Versini, Laclos et la tradition. Essai sur les sources et la technique des « Liaisons dangereuses » (Klincksieck, 1968). / Y. Belaval, Choderlos de Laclos (Seghers, 1972). / C. Belcikowski, Poétique des « Liaisons dangereuses » (Corti, 1972).

Lacordaire (Henri)

Dominicain français (Recey-sur-Ource, Côte-d’Or, 1802 - Sorèze, Tarn, 1861).


Il fait de médiocres études, comme boursier, au collège de Dijon ; en 1820, il suit les cours de la faculté de droit, puis monte à Paris faire son stage. C’est la solitude et la pauvreté. Le jeune homme a perdu la foi, mais fréquente néanmoins la Société des bonnes études, cercle royaliste et catholique. Hypersensible et renfermé, il souffre du « mal du siècle ». « J’ai peu d’attachement pour l’existence, mon imagination me l’a usée », écrit-il. Ses débuts au palais, son éloquence sont remarqués par P. A. Berryer.

Le 11 mai 1824, ayant retrouvé la foi et sentant l’appel de la vocation, Lacordaire décide d’entrer au séminaire de Saint-Sulpice. Mais les directeurs de la célèbre maison d’Issy demeurent très réservés : l’homme apparaît passionné et instable. Jugé impropre au sacerdoce, il lui faut l’appui de Mgr de Quélen, l’archevêque de Paris, pour vaincre la résistance des Sulpiciens. Le 22 septembre 1827, Lacordaire est ordonné prêtre dans la chapelle particulière de l’archevêque.

On lui offre le poste d’auditeur au tribunal de la Rote. Il refuse. « Je serai un jour religieux », pressent-il. En attendant, il est aumônier adjoint au collège Henri-IV ; rapidement écœuré par l’insuccès de son action pastorale, il songe à partir pour l’Amérique, quand éclate la révolution de 1830. Il se jette passionnément dans le mouvement mennaisien (v. La Mennais). Ce n’est pas qu’il soit sans réticences à l’égard de l’apôtre de La Chênaie, mais l’ambitieux programme de l’Avenir qui paraît le 16 octobre 1830 avec pour devise « Dieu et Liberté » le séduit.

Lacordaire sollicite sa réintégration au barreau pour assumer la défense des associations et des écoles religieuses ; on la lui refuse. Il se fait alors journaliste et écrit de nombreux articles où éclate sa verve impétueuse et maladroite. Directeur d’une école libre fondée sans autorisation le 24 avril 1831 avec ses amis Montalembert* et Decoux, il est frappé d’une forte amende. Mais voici que plusieurs évêques, emmenés par l’archevêque de Toulouse, interdisent la lecture de l’Avenir dans leur diocèse. Le 22 novembre 1831, La Mennais, Lacordaire et Montalembert partent pour Rome afin de faire juge le Saint-Siège de l’excellence de leur combat. Première dissension. Lacordaire, qui ne peut concevoir un acte de désobéissance, décide, comme le pape l’a exigé, de rentrer en France seul et d’attendre le verdict.

Le 15 août 1832 paraît l’encyclique Mirari vos de Grégoire XVI, qui condamne l’Avenir. La Mennais se rebelle, mais son disciple se soumet et rompt avec son maître.

Désormais, Lacordaire se consacrera à sa mission de prédicateur. Ses conférences au collège Stanislas ont un retentissement considérable. En 1834, afin de désarmer les irréductibles, qui le considèrent comme un révolutionnaire relaps, il fait paraître ses Considérations sur le système philosophique de M. de La Mennais, attaque sévère et parfois injuste. L’année suivante, Mgr de Quélen lui confie la chaire de Notre-Dame : deux années durant, Lacordaire prêche avec un immense talent, abordant tous les sujets avec toutes les audaces. À vrai dire, dans les foules qui se pressent dans la cathédrale, la curiosité mondaine et intellectuelle l’emporte sur la foi, mais le romantisme tempéré de thomisme du prédicateur s’adapte admirablement à un public déiste et voltairien. Le 9 avril 1839, Lacordaire entre dans l’ordre des Frères prêcheurs, et c’est sous l’habit blanc des Dominicains qu’il prêche des avents et des carêmes en 1841 et de 1843 à 1851, à Paris ou en province.

Quand éclate la révolution de 1848, il s’engage résolument aux côtés des partisans de la liberté ; il participe avec Henri Maret et Frédéric Ozanam à la fondation de l’Ère nouvelle, quotidien démocrate-chrétien qui paraît le 15 avril 1848 avec l’approbation de Mgr Affre et qui attire plusieurs milliers de lecteurs, dans le jeune clergé notamment. Il est candidat sur la liste du Comité central des libertés politiques, civiles et religieuses, aux côtés de P. J. Buchez, d’Armand de Melun et d’Agricol Perdiguier ; il est élu dans les Bouches-du-Rhône.

Mais ce mystique ignore tout de la politique. La liberté est pour lui une vision, le peuple une entité idéalisée. Quand un prolétariat hirsute et hurlant envahit la Chambre le 15 mai 1848, Lacordaire se sent dépassé par les événements. Il démissionne. Le drame de juin l’épouvante et l’attriste. Lacordaire se retire de l’Ère nouvelle, dont il juge l’orientation socialisante dangereuse.

Mais, plus lucide que Proudhon et que beaucoup de ses amis catholiques, il condamne le coup d’État du 2 décembre et refuse de reprendre les conférences de Notre-Dame ; le gouvernement impérial l’éloigne de Paris. Lacordaire se consacrera désormais à la restauration de la province dominicaine de France et à l’éducation de la jeunesse. Il fonde un tiers ordre enseignant (1852), pour lequel il reprend le célèbre collège de Sorèze, qu’il dirige tout en gouvernant la province de France (1850-1854 et 1858-1861).

En 1860, il est élu à l’Académie en remplacement d’Alexis de Tocqueville : son discours de réception fustige les tyrannies qui enchaînent l’individu et les peuples. Jusqu’à sa mort, il restera un libéral.

J. L. Y.

➙ Catholicisme libéral.