Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

animal (suite)

Il se révéla que la méthode ainsi décrite était insuffisante pour explorer le fonctionnement du cerveau. Par contre, les phénomènes observés étaient suffisamment complexes pour être étudiés pour eux-mêmes et constituaient un authentique domaine d’étude de comportement. Or, c’est en des termes inspirés du fonctionnement réflexe que John B. Watson, à la même époque (1907), avait défini le comportement (behavior) ; il faisait de celui-ci l’objet même de la psychologie en tant que discipline scientifique, s’appliquant aussi bien à l’Homme qu’à l’animal. La réflexologie russe fournit ainsi une base expérimentale et théorique à la psychologie animale naissante.

Grâce à ces découvertes et à ces redéfinitions, le dualisme Homme-animal, déjà réfuté sur le plan biologique par la théorie de l’évolution, l’était définitivement sur le plan psychologique : les mécanismes du conditionnement rendent compte de l’adaptation de tout individu à son milieu.

De toutes ces études il ressort que le comportement se modifie en se répétant, et le choix de celui qui est adapté apparaît comme le résultat d’un processus d’« essais et erreurs » régi par la loi de l’effet (énoncée par Robert L. Thorndike).

• Le conditionnement instrumental ou « opérant ». La quantité de spéculations théoriques suscitées par l’interprétation de ces expériences entraîna une nouvelle réaction dont l’auteur est Burrhus Frederic Skinner (né en 1904). Celle-ci prit la forme d’un retour à la description fidèle des faits concrets dans toute leur complexité, comme le faisaient les objectivistes ; cependant, il ne s’agissait plus d’observation du comportement de sujets libres, mais de pure expérimentation en laboratoire.

Le but et la méthode de Skinner consistent à contrôler du plus près possible les conditions d’environnement de l’animal afin de déterminer celles qui l’amènent à modifier ses conduites. C’est pourquoi, loin d’admettre les études en milieu naturel, Skinner « épure » au maximum l’ambiance expérimentale : le Pigeon ou le Rat est placé dans une cage (« boîte de Skinner ») où il ne trouve qu’une mangeoire et un levier, agencés de telle sorte qu’en appuyant sur celui-ci il peut remplir celle-là ; telle est du moins la situation de base, qui peut être rendue plus complexe. Aucun stimulus, en principe, ne contraint l’animal à effectuer cet appui, ou « réponse instrumentale », et, s’il le répète à maintes reprises, c’est uniquement en raison de la satisfaction alimentaire qui en résulte pour lui. Le terme de réflexes est donc abandonné dans la mesure où il se réfère au schéma comportemental de Watson, inspiré de la physiologie de l’arc réflexe ; au contraire, le primat est accordé à l’action de l’animal, dont la probabilité d’apparition est réglée en retour par ses conséquences (réponse-récompense).

Skinner a donc érigé en principe directeur du comportement animal (et humain) cette sélection des conduites par l’usage en donnant à la loi de l’effet, mentionnée plus haut, une importance équivalente à celle que prend le même principe de sélection, en matière de variation génétique cette fois, dans la théorie de Darwin.

La connaissance du comportement animal a donc, en somme, rencontré deux principaux obstacles : tout d’abord l’anthropomorphisme naïf, ensuite la tendance à la spéculation théorique détachée des faits réels. Le contact avec ceux-ci a dû être rétabli à plusieurs reprises sous l’impulsion de naturalistes (transformistes, objectivistes), de physiologistes (réflexologistes) et de psychologues (béhavioristes, skinnériens).


Études actuelles, expérimentales et comparatives

• Biologistes et psychologues face au comportement animal. En fait, on trouve d’une part les travaux des biologistes et des éthologistes, et d’autre part ceux des psychologues et des psychophysiologistes ; dans le premier cas on parlera plus volontiers de « psychologie comparée » et dans le second de « psychologie expérimentale animale ». Or, ce serait une erreur que de vouloir qualifier de « psychologie animale » l’un seulement de ces ensembles de recherches et de rattacher l’autre à une discipline scientifique différente. En fait, chacun de ces ensembles se rattache effectivement à un corps de savoir plus général, biologie ou psychologie, ce qui n’empêche pas que les méthodes d’études puissent être communes. Il convient donc de préciser cette distinction portant sur les deux secteurs de la psychologie animale, leurs buts et leurs méthodes.

1. biologie et comportement. Pour un zoologue, le comportement des individus d’une espèce animale caractérise celle-ci au même titre que sa situation écologique en général. Le comportement peut même caractériser l’espèce tout autant que sa morphologie : c’est finalement une partie de son phénotype ; des animaux d’apparence semblable peuvent avoir des conduites élémentaires très différentes : le Chien aboie et boit en lapant, tandis que le Loup hurle et boit par succion ; chez les petits Passereaux, les variétés locales diffèrent souvent plus par la ligne mélodique de leur chant que par leur plumage. En somme, à partir des anciennes observations des « mœurs » des animaux par les premiers naturalistes s’est constituée une « systématique comportementale ». Celle-ci débouche logiquement sur une « génétique comportementale », qui considère les particularités du comportement de chaque espèce animale comme relatives à des gènes déterminés et vise à savoir, par des expériences de croisement, lesquels sont dominants et lesquels sont récessifs.

C’est pourquoi, de même qu’on peut comparer entre elles diverses espèces pour en tirer des conclusions concernant leur évolution phylogénétique, tout aussi bien peut-on comparer de même leurs comportements, comme l’ont fait Lorenz et ses élèves. Ceux-ci ont établi, par exemple, chez diverses espèces d’Oies sauvages la manière dont la conduite de cour nuptiale dérive de conduites agressives ; en effet, celles-ci entrent en conflit avec la motivation génitale ou avec des « tabous » innés d’agression vis-à-vis du sexe opposé et sont alors détournées vers un objet de substitution ou bien se « déchargent » à vide. La résolution de ce conflit de tendances se ritualise sous des formes d’autant plus compliquées et éloignées de la manifestation des conduites élémentaires d’attaque ou d’approche sexuelle que l’espèce manifeste un plus grand degré d’évolution biologique. De tels faits ouvrent des perspectives sur l’évolution du comportement animal dans un cadre temporel qui est à l’échelle des temps géologiques.