Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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lac et limnologie (suite)

• Les courants. 1. Sous l’action du vent, les eaux superficielles (au-dessus de la thermocline) sont animées d’un mouvement de dérive soumis aux mêmes règles qu’en mer (loi d’Ekman), sauf pour les petites profondeurs. L’eau remonte sur la rive sous le vent, mais se partage en tourbillons (selon la découpure des côtes) et plonge contre la rive opposée. Cette impulsion est susceptible d’égaliser la température de surface et, selon sa force, de contrarier l’apparition de la thermocline, voire de la faire disparaître. En profondeur (sous la thermocline), les eaux paraissent décrire des mouvements cellulaires distincts, de format et de durée variables selon la forme de la cuvette lacustre et les types de temps responsables.
2. Les courants de densité apparaissent en deux cas :
— au voisinage des embouchures des tributaires, l’eau affluente peut flotter (si elle arrive dans un milieu plus dense : dans un lac salé par exemple) ou plonger (si elle arrive dans un milieu moins dense : arrivée d’eaux boueuses dans un lac clair) ;
— lorsque l’eau de surface atteint la température de 4 °C (voir ci-dessus), elle est animée d’un mouvement vertical qui peut atteindre, ou non, le fond du lac. Ces mouvements de convection sont très importants pour la morphosédimentologie et la vie des lacs. Aussi G. E. Hutchinson a-t-il proposé de classer les lacs selon l’importance des mélanges verticaux. Il distingue donc les lacs amictiques, oligomictiques, méromictiques, monomictiques, dimictiques et polymictiques, selon que le brassage est absent, faible, partiel, unique, double ou multiple.


La vie lacustre

Elle est placée sous la double influence de facteurs mécaniques (mouvements des eaux et oscillations de la surface, qui, s’ils sont très importants, peuvent entraver le développement de la vie riveraine) et de facteurs chimiques (présence de gaz dissous, et en particulier de l’oxygène, dont la teneur est inversement proportionnelle à celle du CO2 et à celle du H2S). Deux étages de vie apparaissent.

• L’étage éclairé (correspondant approximativement à l’épilimnion) est celui où peut se réaliser la synthèse chlorophyllienne. L’eau est colonisée par un plancton lacustre formé d’Algues microscopiques (exemple : les Diatomées) dont la densité varie selon la quantité et la nature des apports riverains. Sur le rivage, plus ou moins riche en oxygène selon la force de l’agitation, la végétation amphibie adopte la zonation suivante : on trouve d’abord les plantes à feuilles émergées (Roseaux et Joncs), puis celles à feuilles flottantes (Nénuphars) et enfin celles à feuilles immergées (Potamots et Charas). Cette colonisation est d’autant plus profonde que la luminosité est plus grande et la turbidité (ainsi que la teneur en plancton) plus forte.

• L’étage profond (qui correspond approximativement à l’hypolimnion) est conditionné par l’obscurité et la rapide augmentation de la pression. L’abondance en plancton est très variable selon l’intensité des mouvements verticaux. La sédimentation fine y prédomine : dans les boues vivent des organismes hétérotrophes.

Selon l’importance de ces étages, les biologistes distinguent deux catégories de lacs.

Les lacs oligotrophes. Les brassages importants y provoquent un enrichissement en oxygène jusqu’aux plus grandes profondeurs. Si les eaux sont claires et bleues, la végétation y est rare.

Les lacs eutrophes. On y observe une rapide diminution de l’oxygène en dessous de la surface : celui-ci ne parvient pas jusqu’au fond en raison de la rareté des brassages ou de sa consommation par les fermentations ; l’hypolimnion est pauvre, et la matière organique non oxydée s’accumule en des boues riches en soufre. L’épilimnion, par contre, est propice au développement du plancton (l’eau est alors colorée du vert au brun), et la végétation colonise activement les rives les plus plates. Les herbiers littoraux participent donc au comblement, surtout dans le cas des étangs qui ne comportent pas, par définition, d’étage profond. Les plantes à feuilles émergées cèdent la place à des tourbières (bombées ou plates) qui sont peu à peu conquises par les formations climax, herbacées, puis arborées.


Les lacs


Les lacs d’eau douce

Ils occupent les régions humides, tempérées, tropicales et froides.

• Les lacs des régions tempérées. Les vents dominants de cette zone étant d’ouest, la dérive superficielle est généralement à composante orientale ; localement, la configuration des côtes, l’impulsion donnée par les tributaires (exemple : les remous provoqués par l’arrivée du Rhône dans le Léman) et la vidange assurée par les émissaires peuvent faire naître des circuits multiples et complexes. L’écoulement fluvial et la fusion glaciaire combinent leurs influences pour faire osciller saisonnièrement la surface des lacs. Dans les régions à hiver modéré, la température superficielle ne descend pas en dessous de 4 °C : l’année se compose donc d’une saison chaude, où la stratification thermique normale se maintient, et d’une saison froide, au cours de laquelle la plongée des eaux produit une homothermie. Les lacs sont donc monomictiques chauds (fig. 17 a) comme ceux de l’Europe occidentale et méditerranéenne, du Maghreb, de la façade occidentale des Rocheuses et des pays tempérés de l’hémisphère Sud.

Dans les régions à hivers froids, le rythme saisonnier est plus compliqué, puisque l’eau de surface descend en dessous de 4 °C. Les saisons homothermes (le printemps et l’automne) sont séparées par des saisons où se conserve la stratification thermique, qu’elle soit normale (en été) ou inverse (en hiver, avec prise en glace superficielle). Les lacs sont donc dimictiques (fig. 17 b) comme ceux de l’Europe froide, centrale et septentrionale, et de l’Amérique du Nord (les Grands Lacs par exemple).

Les lacs tempérés emmagasinent une importante quantité de chaleur en été, qu’ils restituent pendant l’hiver. Ils ont donc un rôle climatologique important en contribuant de façon sensible parfois à l’adoucissement du climat riverain. Cela est exprimé dans l’inflexion que subissent les courbes isothermes au voisinage des lacs (cas des lacs italiens et nord-américains).