Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

animal (suite)

• Observations naturalistes et progrès de la physiologie du xviie au xixe s. L’opinion de Descartes n’était pas partagée par les observateurs de la nature, et La Fontaine lui a opposé, sous forme de fables (les Deux Rats ; le Renard et l’Œuf), des observations montrant que les animaux pouvaient être capables de « prévoyance », d’entraide et de solution de problèmes pratiques. Dans un domaine plus scientifique, de nombreux naturalistes s’attachèrent simplement à étudier pour lui-même le comportement des Insectes principalement (Réaumur).

D’un autre côté, la physiologie des réflexes se développa à partir du xviiie s., et les mécanismes de la motricité chez les Vertébrés furent de mieux en mieux connus, surtout par les travaux de sir Charles Sherrington (1857-1952). Ce sont des études de physiologie et non de comportement ; mais leur importance est grande en ce qu’elles constituent la première approche expérimentale réelle des actes élémentaires. De plus, elles ont offert le cadre propice à la découverte et à l’étude des réflexes conditionnés.

• La théorie de l’évolution et le problème des instincts. Les progrès de la zoologie aboutirent à la conception selon laquelle les formes animales dérivent les unes des autres ; l’une des principales conséquences en était la réintégration de l’espèce humaine dans la lignée des Vertébrés. Par conséquent, la dualité caractérisant le comportement de l’Homme par la seule « raison » et celui des animaux par les seuls « instincts » n’avait plus lieu d’être.

Selon Darwin*, toutes les conduites ne subsistent pas : celles qui sont défavorables à la survie de l’individu ont moins de chances d’être transmises à la descendance que celles qui aident à son adaptation au milieu de vie ; la sélection vitale s’exerce aussi bien sur les comportements que sur les variations morphologiques et physiologiques. Ces principes de sélection adaptative annoncent déjà les idées des béhavioristes du xxe s.

Cependant, ces apports capitaux de Darwin, fondés sur des observations concrètes, ne donnèrent lieu qu’à des spéculations philosophiques (Spencer). La réaction contre ces tendances prit deux formes bien différentes, sans rien perdre des principaux acquis darwiniens.

• L’éthologie et les objectivistes. Une première forme de progrès dans nos connaissances du comportement animal vint de naturalistes « de terrain » et non de laboratoire, plus orientés vers l’observation dans les conditions naturelles que vers les dissections ou les spéculations théoriques. Il s’agit surtout de zoologistes de langue allemande, spécialistes des Oiseaux et des Poissons, se défendant de tout parti pris doctrinal qui puisse fausser leurs interprétations, mais désirant avant tout fournir des descriptions exactes des comportements observés en toute objectivité (d’où leur nom d’école : les objectivistes). Nous leur devons maintes notions capitales, telles que celle de l’Umwelt (manière dont l’environnement est sensoriellement connu par l’animal) et celle des « stimuli déclencheurs » (formes ou sons qui donnent l’occasion de se manifester à des conduites complexes, de nature sociale ou sexuelle le plus souvent, lorsque certains besoins organiques les y prédisposent). De tels travaux furent principalement menés par Oskar Heinroth, Jakob Johann von Uexküll et, plus près de nous, par Konrad Lorenz, Nikolas Tinbergen et G. P. Baerends.

• Les tendances réductionnistes. D’autre part, les progrès de la physiologie et de la biochimie donnèrent naissance à des conceptions tendant à réduire l’étude du comportement animal (ou humain) à celle de ses mécanismes biologiques supposés.

La plus connue est la théorie des tropismes, émise par le biologiste Jacques Loeb (1859-1924) et destinée à rendre compte de réactions consistant en déplacements orientés dans un champ d’énergie physique : gravitaire s’il s’agit du géotropisme, lumineuse dans le cas du phototropisme, électrique pour le galvanotropisme, etc. Loeb les concevait comme des réactions élémentaires causées par l’action directe de l’énergie stimulatrice sur la constitution physico-chimique de l’organisme, y compris ses organes moteurs, sans que le fonctionnement réflexe intervienne en l’occurrence, de sorte que la réaction avait un caractère fatal et non adapté ; cette théorie est résumée par cette boutade : « L’animal va là où le mènent ses pattes. »

Loeb tendait à nier jusqu’au rôle du système nerveux dans l’organisation du comportement ; son but était, en fait, non seulement de rapprocher l’Homme des animaux, mais de rapprocher ces derniers des végétaux et d’attribuer aux mêmes mécanismes les courbures de croissance des racines et des tiges et les courbures d’orientation de la locomotion animale. Cela prêtait par trop le flanc aux critiques, et des biologistes néodarwiniens, tel E. Rabaud, élucidèrent en termes de réflexes un certain nombre de réactions tropistiques.

Cependant, si l’on entend le terme de réflexes au sens étroit, correspondant par exemple aux coordinations motrices étudiées par Sherrington, il s’en faut de beaucoup que l’on puisse analyser en de tels éléments de réponse isolés les actions complexes dont l’existence pose précisément le problème d’un psychisme animal. D’une part, ces actions complexes peuvent être innées et spécifiques, se manifestant comme l’expression de motivations sociales ou sexuelles. D’autre part, l’animal est capable de modifier sa conduite pour l’adapter ; par exemple, il est capable d’être dressé : c’est l’approche expérimentale qui a principalement permis d’étudier cette seconde sorte de comportements complexes.

• Les réflexes conditionnés et le béhaviorisme. Les développements mêmes de la physiologie devaient amener Pavlov* et Bechterev à la découverte de réponses réflexes non innées, mais acquises par l’animal au cours d’expériences répétées en laboratoire dans des situations identiques. C’est au cours d’études de physiologie alimentaire que Pavlov découvrit que les sécrétions salivaires et gastriques pouvaient s’effectuer à la simple perception d’un son de cloche précédant la présentation de l’aliment.