Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Kulturkampf (suite)

Le catholicisme résiste, fort de sa représentation politique, de ses alliances « parlementaires » avec les autres opposants, de sa presse — la Kölnische Volkszeitung et la Germania de Berlin — et tout autant de la cohésion et de la résolution du clergé. Des tribuns éloquents combattent l’offensive de l’État, tels Mallinckrodt, dénonçant l’« asservissement extérieur » et la « révolution à l’intérieur » poursuivis par Bismarck, et, après sa disparition (1874) et celle de Wilhelm Emmanuel von Ketteler (1811-1877), Ernst Lieber (1838-1909) ou les frères August (1808-1895) et Peter Franz (1810-1892) Reichensperger, des Rhénans.

Les passions s’exacerbent lorsqu’en juillet 1874 un attentat contre Bismarck, perpétré par le catholique E. Kullmann à Kissingen, donne à certains la tentation de flétrir le Zentrum du nom de Kullmannpartei. Après avoir longtemps recommandé à Paulus Melchers (1813-1895), archevêque de Cologne, des ménagements en ce qui concerne les exigences de l’État, le pape déclare irritae, c’est-à-dire, sans doute, n’obligeant pas en conscience, les lois allemandes et prussiennes du Kulturkampf (encyclique du 5 février 1875).

Déjà, les préjudices causés à l’Église catholique sont immenses : le gouvernement a fermé les séminaires, et ses tribunaux continuent de prononcer de nombreuses et fortes amendes, souvent converties automatiquement en peines d’emprisonnement. Dès les premiers mois de 1874, l’évêque de Trèves et l’archevêque de Cologne sont incarcérés. Il en est de même de l’archevêque de Posen (auj. Poznań), Ledóchowski (1822-1902), condamné à deux ans de prison et qui apprend dans sa prison d’Ostrowo (auj. Ostrów Wielkopolski) son élévation au cardinalat. En 1878, plusieurs centaines de clercs sont poursuivis. Destitutions et non-remplacements multiplient les « paroisses-veuves ». Le clergé en place se débat dans la gêne, la loi du 22 avril 1875 ayant supprimé toute allocation de l’État aux diocèses « jusqu’à ce que l’évêque ait déclaré par écrit qu’il s’engageait à se soumettre aux lois de l’État ».


L’apaisement

S’il blesse le clergé, le Kulturkampf stimule et fortifie le Zentrum, qui voit ses effectifs parlementaires monter à 97 en 1877 (apparentés ou Hospitantes compris) et à 104 en 1878, ce qui en fait le premier parti du Reichstag. Plus d’un protestant critique une législation antilibérale, au reste susceptible de gêner aussi l’Église protestante. Beaucoup d’Allemands, dont Bismarck, s’inquiètent de l’emprise d’un part qui s’enracine et peut faire mouvoir des foules.

En 1878, des circonstances nouvelles imposent une évolution dans le sens de la détente : en effet, Léon XIII*, qui vient de succéder à Pie IX*, désire une conciliation ; il écrit à Guillaume Ier, « faisant appel à son grand cœur pour que la paix et la tranquillité de la conscience » soient rendues à ses sujets catholiques. De son côté, Bismarck, à la fois parce qu’il reconnaît l’impossibilité de marchander et parce qu’il a besoin du Zentrum pour assurer une base parlementaire à sa nouvelle politique économique et sociale, se décide pour des mesures unilatérales de repli. C’est ce qu’annonce une lettre du prince impérial à Léon XIII : « Là où un accord de principe est impossible, l’esprit conciliant des deux partenaires saura ouvrir la voie à la paix, en Prusse comme ailleurs. » Et Bismarck rencontre le nonce à Munich.

La détente s’accentue en 1879. En effet, Falk s’en va, et le Zentrum assure le vote des projets financiers et douaniers qui accroissent les moyens du Reich, tandis que l’un des siens (le Bavarois G. A. von Franckenstein [1825-1890]) accède à la vice-présidence du Reichstag. La veille encore, ennemi implacable de Bismarck, Windthorst se déclare citoyen loyal.

Alors, Bismarck s’engage dans une politique de révision au moyen de novelles votées entre 1880 et 1887 : la première autorise la nomination par l’autorité ecclésiastique de vicaires généraux ayant liberté d’administrer les évêchés dont les titulaires sont « empêchés » ; la cinquième limite le droit de récusation du pouvoir civil à l’égard des candidats ecclésiastiques et lève l’interdit qui frappait plusieurs congrégations. En 1887, de la législation de combat inaugurée avec la fondation de l’Empire, il ne reste, dans la pratique, que l’exclusion des Jésuites.

Le catholicisme reprend son essor, que traduisent la vitalité des groupes du Zentrum au Reichstag et au Landtag de Prusse, puis aux assemblées de Bade et de Wurtemberg, l’écho des discussions ouvertes à chaque Katholikentag, l’activité des syndicats. Par contre, sa composition avec l’État distend son alliance avec les minorités oppositionnelles (Polonais) et engendre une sorte de dévotion à l’État (Staatsfrömmigkeit).

Plus spectaculaire dans les pays allemands, le Kulturkampf se manifeste dans le même temps ailleurs, en Autriche, en Suisse et, mutatis mutandis, en France.

F. L.

➙ Allemagne / Bismarck.

 G. Goyau, Bismarck et l’Église : le Kulturkampf (Perrin, 1911-1913 ; 4 vol.). / K. Bachem, Vorgeschichte, Geschichte und Politik der Zentrumpartei (Berlin, 1927-1933 ; 9 vol.). / J. Rovan, Histoire de la démocratie chrétienne, t. II : le Catholicisme politique en Allemagne (Éd. du Seuil, 1956). / E. Filthaut, Deutsche Katholiken Tage und soziale Fragen (Bonn, 1960).

Kun (Béla)

Homme politique hongrois (Szilágycseh, Transylvanie, 1886 - en U. R. S. S. 1939).


Fils de petits-bourgeois israélites, il fit quelques études à l’université de Cluj, où son père était employé ; il les délaissa pour la politique et organisa le parti social-démocrate en Transylvanie. Impliqué dans une affaire de détournement de fonds, il se réfugia à Budapest, où il travailla dans le journal social-démocrate Népszava.

Il fut fait prisonnier en Russie durant la Première Guerre mondiale ; libéré en 1917, il gagna la confiance de Lénine, qui le chargea d’organiser un soulèvement révolutionnaire en Hongrie, pays où les conditions politiques et économiques étaient rendues difficiles par la défaite et la dislocation de l’Empire austro-hongrois.