Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
K

Kou K’ai-tche

En pinyin Gu Kaizhi, nom social Changkang (Tch’ang-k’ang). Peintre chinois (v. 345 - v. 406).


À partir de l’époque des Six* Dynasties, des hommes cultivés commencent à s’adonner à la peinture, restée jusque-là une production artisanale et anonyme. Parmi les nombreux artistes dont les témoignages littéraires ont conservé les noms, Gu Kaizhi présente un intérêt tout particulier : il est le seul auquel on puisse rattacher une œuvre ancienne encore existante.

La carrière de Gu, originaire de Wuxi (Wou-si), au Jiangsu (Kiang-sou), se déroula autour de la cour impériale de Nankin. À la différence de son père, haut fonctionnaire, il n’occupa que des emplois officiels subalternes. Néanmoins, ses dons de repartie et son excentricité lui valurent, autant que ses qualités de peintre, une célébrité immense auprès de l’aristocratie de la capitale. Ne le disait-on pas remarquable par « son esprit, sa peinture et sa folie » ? En fait, cette « folie », mélange d’hébétude et de perspicacité, qu’il cultivait sans doute délibérément et au sujet de laquelle sa biographie abonde en anecdotes pittoresques, lui permit de traverser sans dommage les vicissitudes d’un âge instable et violent.

L’activité picturale de Gu est attestée dès l’âge de vingt ans : il peint alors une fresque pour un temple de Nankin. Par la suite, il semble avoir abordé tous les genres, puisant son inspiration dans le bouddhisme et surtout dans le taoïsme, dont il était un adepte comme son père. Les critiques anciens font l’éloge de ses portraits, où il concentrait toute son attention sur les yeux. On raconte qu’il attendait parfois plusieurs années avant d’ajouter les pupilles, car, opération décisive et presque magique, la pose du regard transmettait la vie et captait le dynamisme intérieur du modèle.

Malgré des restaurations nombreuses, l’œuvre la plus importante qui nous renseigne sur les talents de Gu est le fameux rouleau horizontal des Conseils de la monitrice aux dames du palais, acquis en 1903 par le British Museum (il avait été volé a Pékin par un officier britannique lors de la guerre des Boxeurs). On admet généralement qu’il s’agit non pas d’un original, mais d’une copie fidèle d’époque Tang ou Song. Le rouleau, peint sur soie, illustre neuf passages (douze à l’origine) d’un texte moralisateur du iiie s. Chaque scène, précédée de la citation correspondante, montre une recherche nouvelle de groupement des personnages et de caractérisation individuelle. Mais, par ailleurs, le mouvement des écharpes flottantes rappelle les jeux linéaires de l’époque Han*. Tout le charme du rouleau tient à l’élégance de la ligne, fine et égale, qui délimite des surfaces remplies de couleurs, légèrement ombrées par endroits, ainsi qu’à la douceur des personnages qui se déplacent avec souplesse sur le fond nu. La scène évoquant un chasseur dans un décor de montagnes est peut-être une addition plus tardive. Le traitement relativement primitif du paysage révèle néanmoins que les moyens picturaux dont disposait l’artiste ne lui permettaient pas de traduire sa sensibilité à la nature avec autant de lyrisme que dans les écrits contemporains sur le paysage.

F. D.

 A. Waley, An Introduction to the Study of Chinese Painting (New York, 1923 ; rééd., 1958). Chen Shih-hsiang, Biography of Ku K’ai-chih (Berkeley, 1953).

Kouo Hi

En pinyin Guo Xi, nom social Shunfu (Chouen-fou). Peintre chinois (v. 1020-av. 1100).


L’œuvre de Guo Xi marque un tournant dans la peinture de paysage en Chine. Elle rompt avec la vision majestueuse des maîtres du xe s., tel Fan Kuan (Fan K’ouan*), pour apporter une conception dynamique de l’espace pictural, qui rappelle, à bien des égards, l’apparition de l’art baroque en Occident après la période classique.

Guo Xi est né au Henan (Ho-nan) vers 1020, mais sa vie est très mal connue. Il fut admis assez tôt à l’Académie impériale de peinture comme professeur-assistant, et son talent lui valut les faveurs de l’empereur Shenzong (Chen-tsong) [1068-1085]. Esprit ouvert aux idées nouvelles, celui-ci lui demanda de décorer les murs du palais et aménagea même une salle pour accrocher ses grands paysages. Cependant, la gloire de Guo Xi ne devait pas durer. Avec l’accession au trône de Zhezong (Tchö-tsong) en 1086, le parti des conservateurs prit le pouvoir, et les œuvres de Guo Xi, remplacées au palais par des peintures antiques, passèrent de mode pour un temps. Le nom de l’artiste disparut aussi des archives de l’Académie. On pense que Guo Xi serait mort entre 1085 et 1100.

L’influence de Fan Kuan et surtout de Li Cheng (Li Tch’eng) [xe s.] — dont l’œuvre est malheureusement disparue aujourd’hui — fut sans doute déterminante sur la formation de Guo Xi. Cependant, sa forte personnalité le poussa à trouver une expression originale. Celle-ci apparaît de façon magistrale dans la seule peinture dont l’attribution soit certaine, Printemps précoce, datée de 1072 (musée du Palais, Formose). À l’encontre des compositions statiques de Fan Kuan, Guo Xi représente un monde tourmenté, dont le point de départ reste néanmoins une observation directe et une compréhension intime du paysage. Il modèle les masses rocheuses par des rides en « nuages enroulés » et leur confère une lumière étrange par un dégradé subtil de lavis. Des arbres griffus s’accrochent aux montagnes rongées à la base et gonflées de boursouflures, comme si elles étaient animées par un flux intérieur. Pour Guo Xi, la nature ressemble d’ailleurs à un grand corps vivant : « Les montagnes ont les cours d’eau pour artères, les herbes et les arbres pour chevelure, la brume et les nuages pour teint. »

Dans son traité essentiel de théorie picturale, le Haut Message des forêts et des sources (trad., Londres, 1935-1959), Guo Xi s’est intéressé également aux problèmes de perspective. Il définit pour la première fois les trois types de distanciation ou plutôt de points de vue à partir desquels l’œil explore la surface peinte : vers le haut, en profondeur ou en plan. La sensation de profondeur, en particulier, est obtenue par une perspective atmosphérique, réalisée grâce à une encre plus diluée vers l’arrière-plan. Ainsi, la peinture se creuse pour ménager des passages entre le premier plan, avec ses grandes roches sombres et ses arbres élancés, et le fond, plus flou. Le spectateur, comme aspiré par le paysage, peut alors entreprendre un « voyage imaginaire ». « Sans quitter la pièce, il se trouve parmi les ruisseaux et les ravins, il perçoit les cris des oiseaux et des singes. » Pour Guo Xi et ses successeurs, tel est le critère d’une peinture parfaite.

F. D.

➙ Song (époque).

 Zhang Anzhi (Tchang Ngan-tehe), Guo Xi (en chinois, Shanghai, 1963).