Écrivain hongrois (Szabadka [auj. Subotica] 1885 - Budapest 1936).
Kosztolányi fut, après Mihály Babits (1883-1941), le principal représentant de l’aile libérale du mouvement né dans la première décennie du xxe s. autour de la revue Nyugat (Occident). Sa carrière littéraire peut être divisée en deux périodes principales : avant 1914, il est surtout connu comme journaliste et comme poète ; ses vers trahissent une forte influence de la poésie parnassienne, symboliste et post-symboliste française. Après l’éclatement de l’Empire austro-hongrois et l’échec de la commune de Budapest, il s’affirme comme un romancier de grande classe ; il tire parti des découvertes de la psychanalyse ; la maîtrise de son style et la rigueur raffinée de la composition de ses derniers ouvrages sont d’un classicisme comparable à celui de Thomas Mann*, dont il fut l’ami.
Comme Babits, Kosztolányi était issu d’une famille à la fois provinciale et intellectuelle. Dès 1906, il abandonne ses études et ne tarde pas à devenir l’un des journalistes budapestois les plus en vogue. Son premier recueil de poèmes, Entre quatre murs, paraît en 1907. Un culte morbide de la névrose et de la mort, qui, chez lui, n’est pas seulement une concession au goût de l’époque, marque dangereusement ses premiers livres. Dans les Plaintes du pauvre petit enfant (1910), les défauts de Kosztolányi deviennent pourtant des qualités. La naïveté, la vulnérabilité de l’enfant nous font accepter ces « plaintes », qui, chez un adulte, paraîtraient d’un sentimentalisme désuet. Le lecteur français pourra les rapprocher des strophes que Verlaine met dans la bouche de Gaspard Hauser. La virtuosité plastique et musicale de ces vers contribue à en faire l’un des plus grands chefs-d’œuvre de la poésie hongroise.
Après 1920, la poésie de Kosztolányi, comme celle de Babits, se libère des joliesses et des complaisances de sa première manière. La rigueur parnassienne fait place au vers libre. Kosztolányi exalte surtout les droits de l’individu face aux contraintes de la société. Atteint d’un cancer au début des années 1930, il compose à l’approche de la mort des poèmes pleins d’un désespoir traversé çà et là d’appels à la solidarité et à la tendresse humaine :
Je ne crois en rien.
Si je meurs, je serai le néant,
comme avant
de venir au monde. C’est horrible.
Bientôt je crierai vers toi pour la dernière fois.
Sois pour moi une bonne mère,
ténèbre éternelle.
(Dernier Cri.)
Les romans et nouvelles de Kosztolányi allient à une clarté architecturale toute française un sens très aigu des ressources de la langue hongroise. Dans Alouette (1924), Kosztolányi dévoile l’hypocrisie dont s’entoure la petite bourgeoisie provinciale de son temps. Néron, le poète sanglant (1924), qui sera traduit en français, peut être lu comme un roman à clef dans lequel l’auteur attaque et se défend dans le combat idéologique qui agita les lettres hongroises au lendemain de la Première Guerre mondiale ; mais, en opposant le pur humanisme de Britannicus et la sagesse de Sénèque à la folle vanité de l’empereur histrion, Koszrolányi invite ses contemporains à une méditation philosophico-politique qui ne tardera pas à devenir d’une grande actualité. Dans le Dragon d’or (1925), il dépeint les souffrances d’un professeur fin et lettre, finalement victime de l’incompréhension, de la mesquinerie et de la brutalité. Dans Edes Anna (1926), il nous conte la tragédie d’une jeune domestique au service d’une famille bourgeoise. Ses meilleurs recueils de nouvelles sont sans doute Esti Kornél (1933), dont le héros doit être, dans une large mesure, considéré comme le double du poète, et Lac de montagne (1936), dont on a pu dire qu’il constituait le sommet et l’aboutissement de son œuvre en prose.
Kosztolányi fut un traducteur éminent de la poésie occidentale. Il a laissé de nombreuses études tant sur les écrivains hongrois que sur ceux des autres pays européens. Sa critique négative de la poésie d’Endre Ady* suscita en 1929 une polémique passionnée.
J.-L. M.
➙ Hongrie.