Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
K

Kochanowski (Jan)

Poète polonais (Sycyna, près de Radom, 1530 - Lublin 1584).


L’œuvre de Kochanowski, le premier des plus grands poètes polonais avant A. Mickiewicz*, marque le sommet de la littérature de la Renaissance polonaise. D’autres ont ouvert la voie à la poésie dans la langue natale (ainsi, tout d’abord, Mikołaj Rej [1505-1569], surnommé le « père de la littérature nationale »), mais Kochanowski s’en est rendu maître en créant une langue poétique littéraire tout à fait mûre.

Kochanowski est né à la campagne, dans la propriété de ses parents, où il grandit parmi ses frères et sœurs, lié avec sa mère par une grande affection. À l’âge de quatorze ans, ses parents l’envoient à l’université de Cracovie. Il étudie ensuite à Königsberg et à Padoue (1551-1556), fait encore deux voyages en Italie et un en France (en 1559) ; là, il rencontre Ronsard et fait son éloge dans une élégie latine. Ses études à l’université de Padoue, l’influence de la philosophie et de la poésie antiques ainsi que celle de la Renaissance italienne et de l’œuvre de Pétrarque contribuent à sa formation artistique : il compose alors des élégies latines et ses premiers petits poèmes en polonais.

Dès son retour, après sept années d’absence, le poète séjourne à la Cour des grands et il hésite entre une carrière de courtisan ou d’ecclésiastique. Il compose des poèmes satiriques en polonais (la Concorde, 1562 ; le Satyre, publié en 1564), où il s’attaque au clergé et se plaint des injustices sociales. Ayant attiré l’attention du roi Sigismond II Auguste, il est nommé secrétaire à la Cour (1564). C’est à la Cour qu’il rédige la plupart de ces petits poèmes, de forme parfaite, intitulés Fraszki (Épigrammes, réunis et publiés en 1584), vaste et pittoresque tableau de la Pologne à l’époque de la Renaissance. De cette période date aussi une nouvelle, d’après le poème héroï-comique latin, les Échecs (1562-1566).

Déçu par sa vie de cour, renonçant à une carrière ecclésiastique (mais ne refusant pas pour autant de participer aux événements politiques de l’époque), Kochanowski choisit de rester poète et de servir par son œuvre son pays. En 1570, il quitte ses fonctions de secrétaire du roi et se retire à Czarnolas, propriété héritée de ses parents. Il se marie, a des enfants, s’occupe de sa terre et de la littérature. C’est le moment du plein épanouissement de son talent. Ses poèmes lyriques, où s’expriment ses sentiments personnels, l’amour de sa patrie, la confiance en la raison humaine et sa philosophie épicurienne du bonheur, sa foi en l’harmonie de la nature et de l’univers, seront réunis sous le titre de Chants et publiés en 1586. Dans un cycle lyrique (les Feux de la Saint-Jean), le poète décrit le folklore national lors d’une fête populaire, où il chante l’amour. En 1578, en présence du roi Báthory, a lieu la représentation de la tragédie politique le Renvoi des messagers grecs, dont le sujet est emprunté à l’Iliade ; cette œuvre est une allusion aux événements contemporains, et le poète, inquiet sur l’avenir de son pays, y dénonce la responsabilité des gouvernants, les vices nationaux et les dangers menaçant de l’extérieur. Son Psautier (publié en 1579) est une traduction paraphrasée d’un sujet de la Bible.

C’est alors qu’un grand malheur le frappe, la mort de sa fille, la petite Ursule. Cette tragédie personnelle est à l’origine du chef-d’œuvre de la Renaissance polonaise, Thrènes (Chants funèbres, publiés en 1580), 19 poèmes lyriques d’un style admirable où le poète peint le portrait d’Ursule, décrit le bonheur familial éteint, pleure son malheur et se plaint de l’impuissance de la raison humaine ; il finit par trouver le salut en Dieu et dans la poésie.

L’œuvre de Kochanowski, composée dans un langage pittoresque, pleine de mélodie et de souplesse, a marqué profondément de son empreinte plusieurs générations littéraires.

K. S.

 Z. Szmydtowa, Jan Kochanowski (en polonais, Varsovie, 1968). / J. Krzyzanowski, Histoire de la littérature polonaise (en polonais, Varsovie, 1969).

Kodály (Zoltán)

Musicien hongrois (Kecskemét 1882 - Budapest 1967).



La vie

Reçu bachelier à Nagyszombat, Zoltán Kodály vient à Budapest en 1900. Il y étudie (jusqu’en 1904) la musique au conservatoire, sous la direction de Janos Koessler, et (jusqu’en 1905) les lettres au collège Eötvös, où Jérôme Tharaud sera son professeur de français. En 1905, il publie une thèse sur la Structure strophique de la chanson populaire hongroise. Cette première enquête folklorique sera suivie de beaucoup d’autres, menées en compagnie de son ami inséparable Béla Bartók*. En 1907, Kodály séjourne à Paris. La découverte de la musique de Debussy sera plus déterminante pour son avenir que sa rencontre avec Romain Rolland ou son passage dans la classe de Charles Marie Widor. De retour à Budapest, il est nommé professeur au conservatoire (où il enseignera la composition jusqu’en 1942). Pendant dix ans, il fait entendre et publie des œuvres vocales, pianistiques ou instrumentales qui lui assurent déjà une renommée internationale. Après la chute des Habsbourg, il est appelé par la République hongroise des Conseils à réformer l’enseignement de la musique. Il sera suspendu par la contre-révolution, puis réintégré. Au cours des années 1920, il aborde les grandes formes symphoniques, lyriques ou polyphoniques concertantes. Il n’y reviendra qu’à la fin de sa vie, s’étant presque entièrement consacré dans l’intervalle au chœur a cappella. Après 1945, Kodály va enfin réaliser son œuvre pédagogique. Il mourra couvert d’honneurs, « dernier chêne — pour reprendre l’expression de son fidèle compagnon le musicologue Szabolcsi — d’une haute futaie », qui, dans la première moitié du xxe s., assura à la culture hongroise un rayonnement universel.


L’œuvre

L’œuvre de Zoltán Kodály frappe tout d’abord par son homogénéité et sa stabilité. Très tôt, ce Hongrois, formé à la même école, voire par les mêmes maîtres, que Bartók — qu’il avait devancé dans la quête du folklore —, sut trouver pour toujours sa personnalité, unissant avec bonheur la monodie paysanne hongroise aux acquisitions de l’école impressionniste française. Si, à partir des années 1920, Kodály se tourna vers le passé, ce fut pour y reprendre la grande tradition polyphonique palestrinienne et l’unir à ces deux sources, l’autochtone et l’étrangère, à travers ses chœurs a cappella. Ceux-ci — rare privilège d’un compositeur de l’entre-deux-guerres — allaient constituer la part essentielle de son message. Ils influenceront Bartók, qui était plus axé sur la musique instrumentale. Insensible à la tentation du dodécaphonisme, Kodály n’a prêté qu’une fois attention à Stravinski et à Manuel de Falla, dans son truculent opéra-comique Háry János (1926).