Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

accident (suite)

Des opinions exprimées au cours de cette journée, il est ressorti cette idée essentielle que les accidents ne sont pas des événements fortuits, de simples fruits du hasard. Chacun d’eux est le résultat d’un enchaînement de causes dont la plupart sont évitables. La moitié des accidents surviennent en effet dans des circonstances considérées comme sans danger. (En France, par exemple, 46 p. 100 des accidents de montagne, qui font un mort tous les deux jours pendant la saison, se produisent sur des sentiers d’alpage, c’est-à-dire sur des itinéraires faciles.)

L’homme est responsable de 80 p. 100 des accidents de la circulation, la marge de 20 p. 100 des causes qui ne lui sont pas directement imputables pouvant d’ailleurs être sensiblement restreinte. La responsabilité de l’homme est probablement en cause dans 70 à 90 p. 100 des autres accidents.

Tout accident a une pluralité de causes. Les statistiques des causes de décès sont généralement faites au moyen des certificats de décès établis par les médecins ; non seulement un certain nombre de certificats ne spécifient pas la cause de la mort (3 p. 100 aux Pays-Bas, près de 20 p. 100 en France), mais encore nombre d’entre eux mentionnent une cause apparente. En réalité, la véritable cause consiste le plus généralement en un mouvement, soit un mouvement extérieur (chute d’une chose, éclat d’une pièce qui se rompt, etc.), soit — dans plus de la moitié des cas — un mouvement de la victime elle-même.

Si on analyse les circonstances des accidents provoqués par un mouvement de la victime, on constate qu’il s’agit d’un geste néfaste provoqué par un réflexe conditionné non contrôlé ou même par un mouvement volontaire. Dans l’un et l’autre cas, on se trouve en face d’une éclipse de la notion de sauvegarde. La prévention des accidents suppose donc, d’une part, une éducation — dès l’école — de la notion de sauvegarde et, d’autre part, la suppression systématique de la cause virtuelle en vue d’interdire le geste néfaste (il vaut mieux dresser une barrière autour d’une fosse que de se borner à poser un écriteau : Danger).

La recherche des raisons des éclipses de la notion de sauvegarde aboutit à mettre en valeur :

• l’excès de confiance en soi et l’âge. Il ressort d’une étude de l’O. N. S. E. R. que, pour une exposition aux risques égale, les accidents sont, chez les conducteurs âgés de 18 à 22 ans, deux fois plus nombreux que chez les conducteurs âgés de 43 à 52 ans ; en revanche, ils sont sensiblement les mêmes pour les conducteurs de 18 à 22 ans et pour les conducteurs de 68 à 72 ans. Selon les statistiques de la Caisse nationale de Sécurité sociale, les travailleurs de moins de 20 ans, qui représentaient 9 p. 100 des effectifs en 1967, ont eu 16,3 p. 100 des accidents du travail de l’année ;

• le désir de se singulariser ;

• l’inattention. Elle est avouée par 31,6 p. 100 des conducteurs et par 49,53 p. 100 des piétons accidentés sur la route ;

• la fatigue. Qu’il s’agisse de fatigue physiologique ou de fatigue nerveuse, toutes deux liées à l’environnement physique (bruit, éclairage, température), aux méthodes de travail (postures, cadences, etc.) ou aux incidents de la vie personnelle du travailleur, les enquêtes effectuées conduisent toutes à des résultats positifs. C’est ainsi qu’à Stockholm, en 1956, le risque d’accidents de la circulation passe de l’indice 80 à 7 heures du matin à l’indice 253 à 7 heures du soir. Une étude faite en U. R. S. S. dans les chemins de fer en 1931 appelait l’attention sur l’importance de la fatigue dans la cause des accidents et mettait en cause d’une part l’éloignement entre le domicile et le lieu de travail, d’autre part l’insuffisance des lieux de repos. À Berlin, en 1925, les recherches entreprises parmi les conducteurs de tramways montraient que l’existence d’une excitabilité nerveuse et de soucis ou d’ennuis personnels était constatée chez 6 p. 100 seulement du groupe témoin de conducteurs non accidentés et chez 45 p. 100 du groupe des conducteurs accidentés étudié ;

• l’insuffisance sensorielle et les mauvaises aptitudes psychomotrices. C’est surtout en matière d’accidents de la circulation et d’accidents du travail que les psychotechniciens ont effectué des recherches systématiques ; ces recherches ne paraissent pas avoir abouti à la mise en valeur particulière des facteurs sensoriels ou psychomoteurs. Les tests effectués n’ont, en effet, pas permis d’obtenir de résultats significatifs. Il en a été ainsi par exemple de la comparaison entre deux groupes de conducteurs accidentés, dont les uns avaient une déficience d’acuité visuelle ou d’étendue du champ visuel et dont les autres avaient une vue normale : tout semble se passer comme si les conducteurs déficients compensaient leur faiblesse visuelle par une prudence et une attention plus grandes. Les tests ont mis en valeur le fait que les conducteurs sourds seraient moins impliqués dans un accident que les autres.
En ce qui concerne les aptitudes psychomotrices, aucune relation caractéristique n’a pu être établie, par les tests les plus simples, entre les temps de réaction individuels et la fréquence des accidents, sauf lorsque le temps de réaction (durée entre l’apparition d’un signal auditif ou visuel et le début d’un geste commandé par ce signal) est anormalement long. Lorsque le test est plus complexe et implique un choix entre plusieurs réactions possibles, il semble qu’il existe un lien entre les temps de réaction et la fréquence des accidents (des tests de cette sorte sont utilisés pour la sélection des conducteurs des transports en commun) ;

• le niveau intellectuel. Il n’a pas été possible non plus d’établir un lien véritable entre le niveau intellectuel des conducteurs et des travailleurs et la fréquence des accidents, sauf en deçà d’un seuil minimal ;

• l’état de santé. L’influence de l’état de santé sur la fréquence des accidents n’a guère été mise en relief par les chercheurs, bien que les personnes atteintes d’épilepsie, de diabète ou d’affections cardio-vasculaires aient paru à certains d’entre eux légèrement plus sujets à l’accident. Néanmoins, la fréquence des accidents paraît être plus importante pour les sujets ayant souffert de troubles mentaux, plus précisément chez les personnes ayant présenté des tendances au suicide. En revanche, les personnes atteintes d’une infirmité physique permanente compatible avec la conduite de véhicules automobiles spécialement aménagés pour elles auraient deux fois moins d’accidents que la moyenne des autres conducteurs ;