Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
K

Kennedy (suite)

La présidence de Kennedy

Quel programme propose-t-il ? Il dit que les républicains ont laissé le pays s’affaiblir. L’U. R. S. S. a humilié les États-Unis en prenant une nette avance dans le domaine des missiles et en abattant l’avion espion de F. G. Powers. La défense des îles Quemoy et Matsu contre la Chine peut entraîner une troisième guerre mondiale. En Amérique latine, Castro* accroît son prestige en recourant aux sentiments anti-américains ; il faut créer un Corps de la paix, qui apportera aide et conseils aux pays sous-développés. Aux États-Unis, il faut satisfaire les légitimes revendications des Noirs, qui veulent obtenir des droits civiques égaux à ceux des Blancs ; le gouvernement fédéral doit aider les fermiers et les déshérités, intervenir plus activement dans les différends qui opposent ouvriers et patrons. Bref, il est temps que le pays sorte de la torpeur dans laquelle l’ancien président l’a plongé, qu’il bouge vers cette Nouvelle Frontière des années 60.

Lecteur infatigable, curieux des choses de l’esprit et de l’art, intelligent et excellent directeur d’hommes, ne manquant pas du sens de l’humour, le président rassemble autour de lui des collaborateurs qui lui sont dévoués — et qui souvent continueront à servir la famille Kennedy après l’assassinat de 1963. Des universitaires brillants, comme les frères Bundy ou Arthur Schlesinger jr., s’installent à la Maison-Blanche, à côté de journalistes de valeur comme Pierre Salinger ou Theodore Sorensen. Des politiciens, souvent d’origine irlandaise, gèrent les affaires courantes. Au sein du cabinet, Robert dirige le département de la Justice ; Dean Rusk, président de la Fondation Rockefeller, est secrétaire d’État ; Arthur J. Goldberg, un avocat des syndicats, est à la tête du département du Travail ; deux républicains sont présents : C. Douglas Dillon au Trésor, Robert S. McNamara à la Défense. A. Stevenson est ambassadeur aux Nations unies.

• La politique intérieure. Elle vise à atteindre deux objectifs : faire sortir les États-Unis de la récession et stimuler la croissance économique — aider les groupes socio-économiques défavorisés. Or, il est clair qu’en trois ans de pouvoir les résultats ont été médiocres. Certes, 5 milliards de dollars sont alloués à la construction de logements sociaux ; le salaire minimum est porté de 1 à 1,25 dollar par heure ; 400 millions de dollars sont attribués aux régions victimes de la stagnation économique ; les sociétés sidérurgiques qui voulaient augmenter leurs prix, en dépit de la politique anti-inflationniste de la Maison-Blanche, se soumettent à la volonté du président ; enfin, le Trade Expansion Act de 1962 réduit les droits de douane de 50 p. 100 et quelquefois de 100 p. 100 sur les produits échangés avec le Marché commun. Mais les échecs sont plus nombreux que les réussites : le projet d’aide fédérale aux écoles, le contrôle de la production du blé, l’assistance médicale gratuite aux personnes âgées (le Medical Care), la création au sein du cabinet d’un département des Affaires urbaines et cet allégement fiscal que les conseillers économiques du président jugent indispensable pour relancer l’expansion, toutes ces mesures se heurtent à l’hostilité ou à l’inaction du Congrès.

En effet, si les démocrates sont majoritaires dans les deux Chambres fédérales, ils n’éprouvent pas tous des sympathies pour Kennedy ; les conservateurs du Sud, qui détiennent un pouvoir d’autant plus grand que leurs circonscriptions sont « sûres », s’unissent aux républicains pour empêcher le passage d’une législation progressiste. Pourtant, Kennedy s’est efforcé de rassurer le monde des affaires : il refuse de suivre une politique de grosses dépenses ; il tâche de redonner confiance dans le dollar.

Le président fait ce qu’il peut pour tenir ses promesses envers la communauté noire. L’attorney general, Robert Kennedy, est actif ; il protège les « Freedom Riders », ces libéraux blancs et noirs qui se rendent dans le Sud en autocars pour abattre directement et immédiatement les dernières traces de la ségrégation. En novembre 1962, il est interdit de procéder à une discrimination raciale dans les logements construits ou achetés avec des fonds fédéraux. La Maison-Blanche emploie la force pour contraindre l’université du Mississippi à accepter la présence de James H. Meredith, dont la faute impardonnable est d’être le premier étudiant noir à vouloir pénétrer dans cet établissement. En 1963, dans sa campagne en faveur des droits civiques, le pasteur King sait qu’il peut compter sur l’appui du président Kennedy.

Mais celui-ci ne parvient pas à faire voter une nouvelle loi sur les droits civiques. L’opposition d’une partie du Congrès paraît irréductible. Aussi faut-il bien admettre que le programme de 1960 n’est toujours pas, trois ans plus tard, réalisé.

• La politique étrangère. En ce domaine, la présidence de Kennedy commence mal, mais, très vite, elle obtient de remarquables résultats. Au début de 1961, la CIA soumet un projet de débarquement à Cuba*, qui serait exécuté par des exilés cubains ; les États-Unis fourniraient une aide matérielle et politique. Ce projet, préparé sous la présidence d’Eisenhower, Kennedy l’accepte. Le débarquement a lieu le 17 avril, dans la baie des Cochons. L’échec est total : Fidel Castro capture 1 200 hommes et tire le plus grand parti de cette agression. Les États-Unis sortent de l’aventure affaiblis et ils ont été mis en accusation par l’opinion américaine et internationale. De cette tragique erreur, Kennedy a assumé l’entière responsabilité ; il a même consenti à livrer du matériel aux Cubains, malgré l’embargo, pour obtenir la libération des prisonniers. En mai, il a fait voter un crédit de 500 millions de dollars pour aider l’Amérique latine dans le cadre d’une Alliance pour le progrès ; et le Corps de la paix a contribué à améliorer l’image des États-Unis. Même limités, les résultats de cette politique valent d’être soulignés.