Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Kennedy (suite)

Sa femme, Rose Fitzgerald (née en 1890), lui a donné neuf enfants. L’aîné, Joseph jr. (1915-1944), promis aux plus hautes destinées, est tué au combat pendant la Seconde Guerre mondiale ; John F., le futur président, naît à Brookline (Massachusetts) le 29 mai 1917. Puis viennent : Rosemary (née en 1918), qui vit dans une institution de retardés mentaux ; Kathleen (1920-1948), qui meurt dans un accident d’avion ; Eunice (née en 1921), aujourd’hui Mme Sargent Shriver ; Patricia (née en 1924), mariée quelque temps à l’acteur Peter Lawford ; Jean (née en 1928), dont le mari, Stephen E. Smith, s’occupe plus spécialement des intérêts de la famille. Robert F. (1925-1968), le septième enfant, naît sept ans avant Edward (né en 1932), le plus jeune de tous, aujourd’hui sénateur du Massachusetts.

Sous l’influence du père, les enfants apprennent à rester unis, à former un clan qui se retrouve dans le malheur comme dans le bonheur.


John Fitzgerald Kennedy

(Brookline 1917 - Dallas 1963). Il suit des études dans les meilleurs établissements d’enseignement : Choate Academy à Wallingford (Connecticut), la London School of Economics, Princeton, enfin Harvard. Ses résultats scolaires et universitaires ne sont pas brillants. En 1937, puis en 1939, son père lui fait visiter l’Europe, et sa thèse de science politique remporte un beau succès de librairie (le sujet traite d’une actualité brûlante : Why England Slept). De retour aux États-Unis, John s’inscrit à Stanford, où il ne reste que quelques mois, et part pour l’Amérique du Sud. Quand les États-Unis entrent en guerre, il parvient, malgré une colonne vertébrale fragile, à obtenir un poste de combattant dans la marine ; en 1943, il accomplit un exploit dans le Pacifique en sauvant plusieurs de ses camarades, malgré ses propres blessures. Il termine la guerre à l’hôpital et en convalescence.


La montée au pouvoir

En 1945, la politique l’attire, à moins que son père l’ait convaincu qu’après la mort de l’aîné il se devait de briguer un mandat. De fait, la politique est une passion familiale, et l’esprit de clan n’est pas absent : « Je suis entré dans la vie politique, dira-t-il plus tard, parce que Joe est mort. Si quelque chose m’arrivait demain, mon frère Bobby se présenterait à mon siège de sénateur. Si Bobby mourait, Teddy lui succéderait. » John commence donc par tenter sa chance dans un quartier ouvrier de Boston lors des élections à la Chambre fédérale des représentants. Il dépense sans compter, fait jouer les relations de sa famille, utilise ses amis de Harvard, mène une très efficace campagne et se fait élire.

Réélu en 1948 et en 1950, il fait partie des libéraux et s’oppose, par exemple, à la loi Taft-Hartley. En 1952, le voilà candidat aux élections sénatoriales ; son adversaire s’appelle Henry Cabot Lodge (né en 1902), un grand nom du Massachusetts, le président du Comité national républicain. Les Kennedy, frères, sœurs et conjoints, se lancent dans la bataille. Si, dans l’élection présidentielle, Eisenhower remporte le Massachusetts par plus de 200 000 voix, Lodge, lui, est battu dans l’élection au poste de sénateur. En 1958, contre un rival moins prestigieux, Kennedy sera réélu triomphalement, avec une avance de plus de 870 000 suffrages.

Le sénateur Kennedy se marie en 1953 avec Jacqueline Lee Bouvier (née en 1929), et subit l’année suivante deux opérations délicates, que ses blessures de guerre ont nécessitées. Il profite de sa convalescence pour écrire Profiles in Courage (1956), où il trace le portrait de quelques sénateurs américains. La maladie l’empêche de voter lorsqu’en 1954 Joseph McCarthy (1909-1957) est censuré ; sans doute est-il hostile, plus que ses électeurs, aux excès du sénateur du Wisconsin, mais son frère Robert sert quelques mois comme conseil juridique auprès du sous-comité de McCarthy.

À la fin de l’année 1955, John Kennedy devient une personnalité de premier plan. Il propose des mesures législatives qui visent à améliorer la condition des travailleurs, mais celles-ci sont rejetées ou modifiées. Il prend la parole sur la limitation des importations de pétrole et de laine, sur l’aide à l’étranger, sur les subventions fédérales aux villes, sur les droits civiques. Dès 1956, il réclame l’indépendance de l’Algérie, critique le président Eisenhower et sa politique chinoise, intervient plusieurs fois dans les débats de politique étrangère. C’est que Kennedy a décidé, dès ce moment-là, de se présenter aux élections présidentielles. À la convention démocrate de 1956, Adlai Stevenson reçoit l’investiture du parti. Comme candidat à la vice-présidence, Kennedy est battu de peu par Estes Kefauver (1903-1963).

Son succès aux sénatoriales de 1958 augmente ses chances. Toutefois, il doit surmonter un obstacle : un catholique peut-il être président des États-Unis ? En 1928, un autre démocrate, Alfred E. Smith (1873-1944), n’avait pu vaincre ce handicap ; trente ans plus tard, beaucoup d’Américains se demandent encore si un « papiste » ne subventionnerait pas avec des fonds fédéraux les écoles catholiques, s’il ne nouerait pas avec Rome des relations privilégiées, s’il maintiendrait la séparation de l’Église et de l’État. Malgré tout, Kennedy annonce, le 2 janvier 1960, qu’il sera candidat dans une dizaine d’élections primaires. Il élimine l’un de ses rivaux, Hubert Humphrey, en remportant la victoire dans le Wisconsin et surtout en Virginie-Occidentale, État foncièrement protestant. Reste le sénateur Johnson*, qui ne s’est pas présenté aux primaires et qui compte beaucoup d’amis et de partisans chez les démocrates modérés. À la convention de Los Angeles, l’organisation Kennedy, dirigée par Robert, fonctionne parfaitement : John est investi dès le premier tour de scrutin. Songeant au poids politique de Johnson, il propose à ce dernier — à la surprise de son propre frère — d’être candidat à la vice-présidence. Johnson accepte.

Chez les républicains, le candidat à la présidence est Richard M. Nixon*, le bras droit et l’héritier du général Eisenhower*. Les sondages lui donnent l’avantage jusqu’à la fin de septembre : les Américains ne paraissent croire que modérément à la Nouvelle Frontière dont parle Kennedy ; ils préfèrent Nixon, qui possède une certaine expérience du pouvoir. Puis, dans les dix dernières semaines de la campagne, quatre débats télévisés mettent aux prises les deux adversaires : le charme, l’esprit de repartie, les connaissances précises de Kennedy impressionnent, d’autant plus que Nixon est particulièrement maladroit. Le lendemain des élections, un avantage de 100 000 voix sur 68 millions de suffrages exprimés donne à Kennedy la présidence. Celui-ci a bénéficié du soutien des Noirs, qui ont applaudi l’appui du candidat au pasteur Martin Luther King* — alors emprisonné en Géorgie. Il a surtout inspiré confiance à cette Amérique, riche mais inquiète, puissante mais menacée, qui s’incarne dans cet homme de quarante-trois ans.