Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
K

Kassites (suite)

Et si l’on ne rencontre plus de tels anthroponymes en Babylonie après le ixe s., l’autre partie du peuple barbare, restée barbare, se maintient dans ses montagnes du rebord occidental de l’Iran. Encore à la fin du viiie s., le roi assyrien Sin-ahê-érîba (705-680) [Sennachérib] se vante d’avoir soumis les Kassites. Et, en dépit de l’installation des Mèdes dans cette région du Zagros, les Kassites se perpétuent avec leur nom dans ces Kissioi et Kossaioi, que les auteurs grecs du ve s. av. au iie s. apr. J.-C. placent entre la Médie et la Susiane : ce sont encore des montagnards pillards que les souverains de l’Orient (Achéménides, Séleucides) ne parviennent jamais à soumettre durablement.

La longue histoire des Kassites montre ainsi le contraste et les liens entre le foyer culturel de la riche plaine mésopotamienne et les districts périphériques, défavorisés par la nature, dont les populations aspirent à venir travailler aux plus humbles besognes dans le pays des Deux Fleuves, quand elles ne peuvent le conquérir.

G. L.

➙ Assyrie / Babylone / Élam / Hittites / Mésopotamie.

 G. J. Gadd, Hammurabi and the End of his Dynasty (Cambridge Ancient History, 1965) ; Assyria and Babylon circa 1370-1300 BC (Cambridge Ancient History, 1965). / J. M. Munn-Rankin, Assyrian Military Power, 1300-1200 BC (Cambridge Ancient History, 1967). / P. Garelli, le Proche-Orient asiatique des origines aux invasions des Peuples de la mer (P. U. F. coll. « Nouvelle Clio », 1969).


Les fouilles archéologiques

Des monuments ou des niveaux kassites ont été jusqu’à maintenant retrouvés dans un certain nombre de sites, mais la documentation est encore assez pauvre ; elle ne permet guère de déceler une véritable originalité kassite dans l’ensemble mésopotamien, et encore moins de préciser l’ethnie d’origine ou le groupe linguistique de cette population, car les Kassites, après une période obscure, paraissent s’être parfaitement fondus dans le moule mésopotamien. L’activité des princes kassites semble s’être particulièrement attachée à la construction ou à la restauration des temples des grandes divinités traditionnelles ; outre le temple d’Inanna que Karaindash construisit à Ourouk* (auj. Warka) [xve s. av. J.-C.], caractérisé par une façade de briques cuites ornée d’une succession de divinités symbolisant probablement les eaux et la montagne, furent retrouvées les assises de plusieurs temples dans les temenos d’Our* et de Nippour. Des fouilles en cours à Larsa montrent que le niveau kassite y est bien représenté, en particulier grâce au grand temple de l’E-babbar, qui connut une exceptionnelle ampleur. Mais le grand site de cette période reste jusqu’à nouvel ordre Dour-Kourigalzou (auj. Aqarquf), capitale édifiée par la volonté de Kourigalzou Ier avec un palais incomplètement dégagé et des temples groupés autour d’une ziggourat ; malgré la fragilité apparente du matériau, la brique crue, le noyau en a subsisté jusqu’à nos jours avec une hauteur conservée de 57 m.

Si l’architecture, en dépit peut-être de certaines innovations, ne permet pas de déceler une originalité kassite, il convient de marquer que la glyptique présente des traits intéressants et que certains artistes — mais sont-ils kassites ? — font preuve d’une réelle maîtrise dans l’art animalier, où les Mésopotamiens excellèrent naturellement ; en témoignent une lionne en terre cuite retrouvée à Dour-Kourigalzou et un koudourrou (borne inscrite et décorée délimitant des propriétés) récemment sorti de terre du site de Larsa.

J. C. M.

 Taha Baqir, Iraq Government Excavations at Aqar Quf (Iraq, 1944-1946).

Kastler (Alfred)

Physicien français (Guebwiller, Haut-Rhin, 1902).


Fils de commerçants protestants, Alfred Henri Frédéric Kastler est élève au lycée Bartholdi de Colmar sous le régime allemand. Reçu à l’École polytechnique en 1921, il préfère profiter de la possibilité offerte à quelques étudiants alsaciens d’entrer sans concours à l’École normale supérieure. Il y fait un diplôme de chimie et est reçu premier à l’agrégation des sciences physiques. Professeur de lycée pendant cinq ans, puis assistant à la faculté des sciences de Bordeaux (1931), il y poursuit des recherches dans le domaine de la spectroscopie optique, notamment sur la fluorescence atomique et sur la spectroscopie Raman. Devenu docteur ès sciences en 1936, il est nommé maître de conférences à Clermont-Ferrand, puis retourne comme professeur à la faculté des sciences de Bordeaux.

En 1941, il retrouve les laboratoires de l’École normale supérieure et y devient en 1950 directeur du groupe de spectroscopie hertzienne ; il y effectue ses principaux travaux et ne cesse d’y accueillir et d’y former de jeunes chercheurs. Professeur à la faculté des sciences de Paris, président du conseil de l’Institut d’optique, il est membre du conseil d’administration du Centre national de la recherche scientifique et, depuis 1958, il dirige le laboratoire de l’horloge atomique du C. N. R. S.

Son œuvre scientifique est principalement consacrée à l’étude des phénomènes d’optique physique, à laquelle il a apporté des développements nouveaux en unissant les procédés de la spectroscopie optique et ceux de la spectroscopie hertzienne ; Kastler est l’un des maîtres de l’électronique quantique.

Avec son collaborateur Jean Brossel (né en 1918), il a imaginé en 1949 la « méthode de la double résonance », qui combine une résonance optique avec une résonance magnétique et qui a été mise en œuvre par Brossel. Il a complété cette méthode par celle du « pompage optique », qui permet de réaliser une inversion des populations d’électrons dans un atome ; ce procédé, conçu d’abord pour l’étude des propriétés physiques des corps, va trouver ensuite une application très importante dans les amplificateurs masers et les émetteurs de lumière lasers ; il sert également dans les magnétomètres de haute sensibilité et dans l’horloge atomique.

Signalons aussi que Kastler a révisé et rajeuni le volume consacré à l’optique dans le Traité de physique de Georges Bruhat (1887-1944).

Élu membre de l’Académie des sciences en 1964, Alfred Kastler a reçu le prix Nobel de physique pour l’année 1966.

Ce savant modeste et tranquille devient intransigeant dès que les valeurs qu’il estime fondamentales sont mises en cause. C’est ainsi qu’il condamne l’armement nucléaire, défend l’objection de conscience, s’est élevé contre la guerre d’Algérie et a milité contre celle du Viêt-nam.

R. T.