Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Justin (saint) (suite)

Le troisième et dernier ouvrage est la plus ancienne apologie chrétienne dirigée contre les Juifs. Il s’intitule Dialogue avec Tryphon. Postérieur à la première Apologie, qui s’y trouve citée (sa rédaction peut être située entre 155 et 161), le Dialogue présente à l’intention des Juifs comme aussi des païens la position de l’Église en face de la Synagogue. L’intérêt majeur de cette œuvre est l’utilisation que Justin fait de l’Ancien Testament pour démontrer la divinité du Christ, le rejet d’Israël et l’élection des païens.

L’enseignement et les écrits de Justin lui valurent non seulement des contradicteurs, mais un adversaire acharné et tenace en la personne du philosophe de l’école cynique*, Crescens, qui dénoncera Justin comme chrétien. Le récit authentique de sa mort est parvenu jusqu’à nous avec les Actes de Justin et de ses compagnons, document qui s’appuie sur le rapport officiel du tribunal. Justin fut décapité avec six autres chrétiens, vers 165, sous Marc Aurèle, l’empereur philosophe.

I. T.

 A. Puech, les Apologistes grecs du second siècle de notre ère (Hachette, 1912). / E. R. Goodenough, The Theology of Justin Martyr (Londres, 1923 ; réimpr., Amsterdam, 1968). / M. Pellegrino, Studi sull’ antica apologetica (Rome, 1947). / P. Prigent, Justin et l’Ancien Testament (Gabalda, 1964). / L. W. Barnard, Justin Martyr. His Life and Thought (Londres, 1967).

Justinien Ier

En lat. Flavius Petrus Sabbatius Justinianus (Tauresium, près de l’actuelle Skopje, 482 - Constantinople 565), empereur byzantin de 527 à 565.



L’homme

Comme son oncle maternel, Justin Ier (empereur de 518 à 527), qui lui a fait donner à Constantinople une forte éducation romaine et chrétienne, Justinien Ier est un Illyrien. Comes domesticorum en 518, patrice et commandant en chef des troupes stationnées dans la capitale en 519, consul en 521, enfin adopté et associé à l’Empire en avril 527, Justinien dirige en fait celui-ci dès l’avènement de son oncle, auquel il impose la réunion du synode de 518, qui chasse les évêques monophysites instaurés par Anastase Ier (491-518) et prépare, par contrecoup, le rétablissement de la communion avec Rome en avril 519. Achevant de prendre le contre-pied de la politique de cet empereur qui avait soutenu les Verts, Justinien protège les Bleus, se constituant ainsi dans la capitale un puissant parti. Ralliant même le sénat par ses flatteries, il fait abroger la loi interdisant à ses membres de s’unir à une actrice et il épouse l’une d’elles : Théodora, couronnée à ses côtés peu avant la mort de Justin Ier, le 1er août 527.


Les débuts du règne (527-533)

Bien secondé jusqu’en 548 par l’impératrice, désormais uniquement préoccupée de contribuer à l’exaltation de la majesté impériale, Justinien gouverne le monde byzantin du fond de son palais, entouré de collaborateurs remarquables : Tribonien († v. 545), jurisconsulte éminent, nommé questeur du Palais-Sacré en 529 ; Jean de Cappadoce, homme d’État habile investi en 531 de la préfecture du prétoire d’Orient ; Bélisaire (v. 494-565), chef de guerre efficace et dévoué, etc. Le souverain se considère « comme seul responsable devant Dieu du salut de l’Empire » (Louis Bréhier), auquel il assujettit étroitement l’Église. Il entend, dès 528, réaliser l’unité législative par l’élaboration d’un nouveau code, appelé Code Justinien, qui regroupe par thèmes toutes les constitutions impériales antérieures. Promulgué le 7 avril 529, complété par les Pandectes, ou Digeste, règles de droit privé élaborées en code par une commission présidée par Tribonien, rendu exécutoire le 30 décembre 533, éclairé enfin par les Institutes, manuel de droit rédigé également par Tribonien, secondé par Théophile et Dorothée, et publié le 21 novembre 533, le Code Justinien devient l’élément essentiel du « corpus juris Justiniani », auquel s’ajoutent les Novelles, collections regroupant 158 édits rédigés généralement en grec et promulgués entre 534 et 565.

Par le biais de cette codification du droit romain, Justinien renforce à la fois la centralisation de l’État et l’absolutisme impérial. Un moment menacé par la sédition Nika en janvier 532, ce dernier sort affermi de l’épreuve, qui offre à Justinien l’occasion de faire reconstruire la basilique de Sainte-Sophie, tandis que, dans le chœur de San Vitale de Ravenne, les mosaïstes byzantins exaltent la majesté hiératique du couple impérial.


La reconquête de l’Occident (533-540)

Cette pénétration de l’art byzantin en Occident témoigne du dynamisme de la politique extérieure de Justinien. La consolidation des frontières orientales de l’Empire en est la condition. L’instrument en est la paix « éternelle » de 532, conclue avec le roi de Perse Khosrô Ier Anôcharvân (531-579), au terme de cinq années de luttes provoquées par le problème du protectorat des peuples du Caucase et marquées par la victoire de Bélisaire devant Dara en 530 et par sa défaite à Callinicum en 531. Complétée par des alliances de revers avec les princes du Caucase et d’Éthiopie ainsi que par la création en 531 de l’État arabe de Bostra, qui doit contenir celui de Hira, allié des Perses, cette paix de 532 permet à Justinien d’entreprendre la restauration territoriale de l’Empire en Occident.

La reconquête, confiée à Bélisaire, élimine facilement d’Afrique du Nord les Vandales de Gélimer (530-534), vaincus tour à tour à Ad Decimum le 13 septembre 533, puis à Tricamarum en décembre. Leur territoire est réuni à l’Empire romain en avril 534. Attaquant alors les Ostrogoths, Justinien fait occuper en 535 la Dalmatie par Mundus, la Sicile par Bélisaire, qui envahit l’Italie en 536, prenant Naples et Rome. Retardée par la rivalité opposant le vainqueur à l’eunuque Narsès (v. 478-568), qui a les faveurs de Théodora, la reconquête de l’Italie s’achève théoriquement en mai 540 par la prise de Ravenne.


Le temps des crises (540-565)

Maître de Rome, d’où il chasse le pape Silvère au profit de Vigile en 537, Justinien entre en conflit avec ce dernier, qui refuse d’approuver la condamnation des Trois Chapitres, de tendance nestorienne (543 et 553), condamnation décidée sous l’influence de Théodora, qui veut ménager les monophysites orientaux. En même temps, l’empereur doit reprendre la lutte contre les Ostrogoths, qui, sous la direction de Totila (541-552) et de ses successeurs, prolongent les combats de 542 à 562, tandis que les forces byzantines du patrice Libère ne parviennent à occuper que l’extrême sud-est de l’Espagne wisigothique entre 550 et 554.