Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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juridiques (sciences) (suite)

Le fruit de ces doctrines « libérales » aboutit à un droit public menant à une monarchie tempérée, que l’on n’obtient en fait qu’au terme d’un combat passant par la révolution de 1830. Désormais à coup d’évolutions libérales, puis de révolutions (1848, Commune de 1871) coupées de repentances autoritaristes (second Empire [1851-1870], ordre moral [1873-1877]), le système du droit constitutionnel français ne sera jamais stabilisé. La décomposition totale du système en 1940 aboutit de nouveau à un État autoritaire (Vichy), puis, derechef, à une république laxiste de 1946 à 1958, dont la désorganisation aboutit au système actuel de la Constitution du 4 octobre 1958. Le balancier aurait-il trouvé sa position d’équilibre ?


Le droit administratif : un « article d’exportation »

• Les niveaux de l’élaboration : l’exécutif et le parlementaire.

« À l’étudiant féru de droit civil qui se précipite dans sa boutique pour y acheter le Code administratif, le libraire consciencieux devrait répondre : il n’existe pas de Code administratif, mais seulement des recueils de textes sans valeur officielle. » (Ch. Debbasch.)

Le droit administratif, à la différence des autres branches du droit, se caractérise par l’absence d’un rassemblement réel de principes gouvernant cette discipline. Il a échappé à la « passion d’ordre » des légistes des années 1800, mais surtout, à l’instar des droits « tardifs », fruit d’une lente maturation qui se donne libre cours à la fin du xixe s. et qui sera à peine achevée avec le premier quart du xxe s., il n’existe pas au moment des grandes codifications napoléoniennes. En fait, le schéma de production du droit administratif n’est pas similaire aux schémas de production des autres « droits ».

« Comment la dynamique Assemblée constituante, la pétulante Législative, l’autoritaire Convention, avides d’innover en tout et sur tout, oublièrent-elles de réglementer l’administration ? » (Ch. Debbasch.) Certes, elles ne se désintéressaient pas de l’Administration, mais elles se préoccupaient plus de lui bâtir une « constitution » que d’élaborer une technique de fonctionnement, un « mode d’emploi », un « droit » au sens réel du terme, des règles présidant à la vie quotidienne des administrations.

La naissance du droit administratif appelle des observations particulières. Le droit administratif, dès l’an VIII, est préparé par des hommes qui se considèrent comme étrangers aux assemblées politiques. Le droit administratif nous apparaît, dès son origine, un droit technocratique où se révèlent des germes d’antiparlementarisme (théorie du pouvoir réglementaire autonome, par exemple). Le législateur collabore cependant à l’élaboration de ce droit. La IIIe République donne leur charte aux départements, aux communes, aux libertés publiques ; la IVe République édifie le « secteur public ». Ce n’est pas, souvent, au premier abord que ce droit — qu’il soit d’origine exécutive ou parlementaire — force l’estime. Il recèle des propositions contradictoires, soutenues par des idéologies divergentes. Il est fugitif, mouvant, conduit par l’instant présent. Il lui manque parfois des idées générales, de ces principes qui éclairent tout. Il est, surtout, extrêmement plastique puisque pour une très large part de nature jurisprudentielle.

• Le niveau prétorien.

Pourquoi, dès lors, a-t-on pu dire que le droit administratif était un excellent « article d’exportation » (Rivero) ? C’est que, qualifié ainsi, il ne s’agit pas du droit représenté par les lois, les décrets ou les décrets-lois, mais de celui qui est élaboré par le juge administratif, le « droit venu d’en bas » (Ch. Debbasch), émané de ce Conseil d’État qui a su merveilleusement répondre à l’appel du plaideur. Le « Conseil » a su imposer, cent années durant, grâce à son immense crédit de valeur technique, ses vues à l’Administration. C’est le droit jailli du prétoire, le droit du Palais-Royal, non du Palais-Bourbon.

Un problème de « personnel » se pose ici : étaient-ils, les magistrats — issus généralement des milieux éclairés de la haute bourgeoisie parisienne —, portés « par la passion du droit » ou seulement soucieux de fonder en profondeur un type de démocratie réellement libérale, en y introduisant des « soupapes de sûreté qui permettent d’éviter l’explosion des chaudières » ? Tous partageaient en tout cas le même sens de l’État, des libertés publiques, du respect de la personne humaine, le tout appuyé sur une compétence et une intégrité totales. L’« étage » prétorien fait honneur au droit administratif, en même temps qu’il illustre les hommes qui surent l’élaborer dans un effort constant.

• La doctrine.

Mais ce droit administratif, fragmentaire par essence, toujours inachevé, il fallait, pour le rassembler, pour le fortifier de principes ayant suffisamment de force enveloppante, des esprits à la fois différents des législateurs, éloignés de l’exécutif et absents du prétoire : les universitaires. Bardés de connaissances juridiques, connaissant tout du droit, mais ignorant presque tout de l’administration, reprenant, disséquant, vulgarisant, synthétisant, ils donneront au droit administratif un surcroît de force et de pénétration qui, sans leur intervention, n’aurait jamais été obtenu, surtout si, par les notes critiques, ils n’avaient pu souffler la solution au juge. La « valeur ajoutée », ici — les alluvions dernières apportées aux textes du législateur ou aux dires du juge —, vient des facultés.


La science financière : naissance et éclatement

• Naissance d’une science budgétaire et comptable.

Les règles de la science budgétaire et de la comptabilité publique font d’énormes progrès de 1815 à 1830, sous l’influence du parlementarisme et à l’imitation du régime financier britannique. C’est de cette époque que datent, pratiquement, toutes les bases essentielles de l’agencement contemporain des finances publiques françaises. Dès 1819, le problème essentiel est, déjà, celui de la date du vote du budget : il faut éviter les « douzièmes provisoires ». Pour le budget de 1823, on adopte la règle de l’avant-dernière année, les recettes à prévoir pour le budget de 1823 se fondant sur celles qui ont été perçues en 1821, seule année en réalité complètement terminée et donc connue au moment où l’on élabore les prévisions. C’est la règle de la pénultième année.