Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Jura

Chaîne de montagnes de France et de Suisse.



Le milieu naturel

Le Jura forme un croissant, allongé sur 350 km environ, entre la chaîne de l’Épine et la dent du Chat, qui dominent Chambéry et le lac du Bourget, et le chaînon du Lägern, isolé à l’est de la vallée de l’Aar, comme le sont les sommets méridionaux au sud de la vallée du Rhône. À ses extrémités, la montagne n’a que quelques kilomètres d’épaisseur, réduite à quelques chaînons parallèles, ou même à un seul. Dans la région centrale, entre Neuchâtel et Besançon, le massif s’enfle (il mesure alors plus de 80 km de large), mais il perd en partie de sa vigueur et comporte plus d’éléments de plateau que de chaînes véritables.

La chaîne du Jura n’est jamais très élevée. Elle culmine à 1 723 m au crêt de la Neige. Le rebord interne, au-dessus du Moyen-Pays suisse, n’en a pas moins belle allure. Il s’enlève d’un seul jet et domine souvent le sillon sous-jurassien de 1 000 m. L’énergie diminue progressivement vers le nord-est, mais les formes demeurent toujours aussi nettes, aussi vigoureuses. Ce sont de fortes crêtes couronnées de forêt et, même au sud, dénudées en alpages, que peu de vallées réussissent à échancrer. Derrière ce front se développe la haute chaîne, avec ses monts aux sommets presque plats, aux flancs raides, et où les forêts de sapin et d’épicéa laissent deviner les chevrons que dessinent les affleurements calcaires. Les vals s’ouvrent largement et offrent, avec leur parure de prés, de marais aussi parfois ou de lacs, de grands espaces reposants. Les rivières vont de l’un à l’autre, en creusant des cluses, dont quelques-unes sont célèbres (comme celle que garde le fort de Joux).

Ce haut Jura est rarement profond. En allant vers l’ouest, il est vite remplacé par les horizons plus calmes et plus soutenus des plateaux. On oublierait presque que l’on est en montagne si de loin en loin on ne voyait courir des chaînes vigoureuses de collines allongées, disposées en longs faisceaux entre les tables des plateaux. Jusqu’au rebord de la chaîne, ces accidents, ces zones agitées viennent recréer à une échelle plus menue, mais tout aussi pittoresque, les formes de la montagne. Quand une rivière suit ses accidents (comme le Doubs, en aval de Clerval) ou qu’elle les scie (comme la Loue, immédiatement en aval de sa source), le paysage peut devenir majestueux, et les formes prendre une grande ampleur. Les eaux sont rares sur le plateau. Elles sont bues par les calcaires et alimentent les résurgences qui donnent naissance aux rivières vertes qui coulent au fond des cañons sauvages, celui de la Loue, celui du Lison, celui de l’Ain, ou, plus beau que tous, celui du Dessoubre.

C’est vers le centre du croissant que le style comtois, avec sa juxtaposition caractéristique de secteurs tabulaires et de zones plissées et faillées, est le mieux représenté. Aux extrémités, les plis occupent presque tout l’espace, mais se présentent souvent sous la forme d’arêtes déjetées, qui contrastent avec la régularité de la partie centrale.

La chaîne jurassienne est une montagne jeune. Elle s’est formée dans une zone de sédimentation peu profonde, au-dessus d’un socle qui est souvent proche. Les mers secondaires se sont progressivement retirées vers le sud-est, où le Crétacé existe, alors qu’il manque sur le rebord externe. Plus tard, au Tertiaire, des mouvements en partie corrélatifs des plissements alpins ont cassé l’ensemble et l’ont basculé vers l’ouest et le nord-ouest. Au niveau du Trias qui sépare les terrains sédimentaires du socle, une zone plastique existe, qui a permis le plissement et le décollement. Les terrains ont été ployés dans la partie interne, la plus secouée, et dans les secteurs failles préalablement, ceux des faisceaux. Ailleurs, les couches peu dérangées forment des plateaux. L’ensemble chevauche les terrains plus récents de la Bresse, à l’ouest, dans le Vignoble, ce qui témoigne de l’importance des glissements. Quelques grandes fractures radiales ont rejoué constamment et préparé la voie aux quelques couloirs déprimés qui permettent de franchir la haute chaîne, à La Cure-Les Rousses-Morez, à Jougne, à la Vue des Alpes, aux Rangiers.

Malgré son altitude modeste, le massif jurassien a été fortement englacé. Il le doit surtout au glacier du Rhône, qui a débordé la haute chaîne jusqu’au droit de Pontarlier et permis la naissance d’une calotte qui a occupé toute la partie méridionale et les plateaux du centre jusqu’à la vallée de l’Ain (et au-delà, puisque les glaces allaient mourir à Lyon). Les lacs, les terrasses, les marais qui donnent à cette partie de la chaîne son charme sauvage et romantique témoignent de ces actions.

Le Jura tient cependant davantage ses caractères montagnards du climat que de l’altitude. Exposé aux vents d’ouest, il reçoit des abats d’eau abondants (plus de 2,50 m par exemple au-dessus de Morez). L’été, le caractère déjà continental se marque à la fréquence des orages, qui entretiennent la verdure générale (sans elle, sur ces sols secs, on devrait avoir de véritables causses). L’hiver, ces mêmes influences continentales se marquent aux périodes de froid intense, où le thermomètre peut accuser – 30 °C dans les vals de la haute chaîne, avec un ciel très pur sur la neige. Au printemps, c’est l’aspect océanique qui l’emporte parfois, alors qu’à l’automne le beau temps persistant témoigne des influences continentales dominantes.

Ce climat n’est évidemment pas uniforme. Avec l’altitude, il devient plus humide, plus dur. On place généralement la limite vers 700 m. Au-dessous, sur le premier plateau, la végétation est encore celle de la plaine, forêt de feuillus et cultures. Au-dessus, les sapins mêlés de hêtres et les épicéas occupent toute la place qui n’est pas dévolue aux herbages.

Vers le sud, on ressent certaines influences méditerranéennes. La partie basse de la chaîne se couvre parfois de formations de buis, les pelouses à genévriers évoquent parfois celles des Causses. Sur la bordure, les sites bien exposés du Vignoble multiplient ces secteurs d’affinité méridionale ; on les retrouve jusqu’au cœur des plateaux, le long de la vallée de la Loue par exemple.

Le versant oriental est sous le vent. Il y pleut plus rarement qu’à l’ouest, et les nuages s’y trouent plus volontiers d’éclaircies. Le pays y gagne un air heureux, riant, moins sévère que celui des zones de l’ouest, et les lacs qui s’allongent à ses pieds, depuis celui du Bourget jusqu’à celui de Bienne, ajoutent encore au charme.