Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Juillet (monarchie de) [1830-1848] (suite)

Le temps des intrigues (1836-1840)

Le régime, débarrassé de l’hypothèque révolutionnaire, la vie politique du pays n’est plus que celle du pays légal, des querelles d’état-major, des crises ministérielles. Tout au long de la période, ce n’est qu’une succession d’intrigues, la volonté du roi étant de ne pas subir la tutelle des chefs parlementaires.

Ainsi Louis-Philippe s’efforce-t-il de disloquer le triumvirat de Broglie-Guizot-Thiers, qui a succédé à Perier et qui représente les principales tendances de la Chambre (1832-1835). En 1836, après un premier épisode Thiers, il croit avoir trouvé en la personne du comte L. M. Molé (1781-1855) le ministre idéal, qui lui permet de jouer un rôle actif. C’est l’heure de l’apaisement (amnistie, réouverture de Saint-Germain-l’Auxerrois, inauguration solennelle de Versailles restauré).

Le répit ne dure pas : une grande coalition Barrot-Thiers-Guizot remporte les élections du 2 mars 1839 et oblige Louis-Philippe à renvoyer Molé. La crise politique dure plus d’un an, et la situation économique se dégrade : les récoltes sont mauvaises, une crise bancaire éclate, le commerce et l’industrie stagnent. Une dangereuse agitation dans la rue renaît (insurrection de la Société des Saisons, Paris, 12 mai 1839).

Le roi fait de nouveau appel à Thiers (1er mars - 29 oct. 1840), qui commence par briser la vague de grèves et refuse toute modification du système électoral. Mais le chef du centre gauche sent le besoin d’un exutoire : exploitant la montée nationaliste et belliqueuse du pays, il favorise le développement de la légende napoléonienne, qui atteint son paroxysme en cette année 1840, lors du coup de force malheureux de Louis Napoléon à Boulogne (6 août) et du retour des cendres de Napoléon Ier (15 déc.). La tension monte à l’occasion des affaires d’Égypte : le traité de Londres (15 juill.) est un ultimatum des puissances européennes à l’allié privilégié de la France, Méhémet Ali*. Thiers décrète une mobilisation partielle et lance la construction d’une enceinte fortifiée autour de Paris.

Mais son bellicisme inquiète le roi, qui le renvoie le 29 octobre 1840. Louis-Philippe fait alors appel au maréchal Soult (1769-1855), mais le vrai chef du cabinet sera Guizot, ministre des Affaires étrangères, rappelé de son ambassade de Londres.


Le temps de la stabilité et de Guizot (oct. 1840 - févr. 1848)

Avec Guizot s’ouvre une longue période de calme. Le roi et son ministre se mettent d’accord sur leur rôle respectif, le souverain appuyant la politique du cabinet, tout entière acquise au conservatisme le plus étroit.

L’« ère Guizot » est celle des lois d’affaires (loi du 11 juin 1842 sur les chemins de fer) et des faveurs à la haute bourgeoisie. Les majorités parlementaires favorables au ministre sont encore restreintes en 1842, mais la pratique des « conquêtes individuelles » tend à les accroître ; on octroie des places aux notables influents, on concède des marchés d’État, on distribue généreusement des décorations. Le système est efficace, et les élections d’août 1846 voient le triomphe du gouvernement et de sa clientèle, le « ventre législatif ».

Guizot apparaît bientôt comme le champion d’un immobilisme intolérable. À l’intérieur, l’opposition a lancé le mouvement pour la réforme électorale. Aux républicains et à la gauche dynastique viennent se joindre le centre gauche et même des conservateurs progressistes. Rien n’y fait. Tous les projets visant à remettre en cause les lois de 1831 sont repoussés.

La politique extérieure de Guizot ne scandalise pas moins l’opinion. Dans un premier temps, le gouvernement a pratiqué une politique de concessions à l’Angleterre dans le cadre de l’Entente cordiale (affaire Pritchard, juill. 1844). Mais l’affaire des mariages espagnols en octobre 1846 provoque la rupture avec l’Angleterre et entraîne Guizot à se rapprocher de l’Autriche de Metternich*. La monarchie des barricades apparaît comme la meilleure garantie d’un ordre européen contre l’agitation libérale et nationale qui se développe depuis 1846.

Avec la crise économique qui commence en 1846, les jours du gouvernement Guizot sont comptés. Une mauvaise récolte provoque la flambée des prix et le retour aux émeutes de la faim. Elle est relayée par une crise financière qui entraîne une cascade de faillites ; le chômage jette à la rue des masses de travailleurs exaspérés, désormais disponibles pour une action révolutionnaire. L’interdiction du banquet central des réformistes à Paris, prévu pour le 22 février 1848, est le dernier acte d’autorité du gouvernement Guizot. Deux jours plus tard, la république est proclamée.

La corruption ministérielle sous la monarchie de Juillet : l’affaire Teste-Cubières

En 1847, un directeur des mines de Saône-et-Loire, Parmentier, intente un procès en escroquerie au général Amédée Louis Despans de Cubières, pair de France et ancien ministre de la Guerre. La correspondance versée à l’instruction révèle que le ministre des Travaux publics, Jean-Baptiste Teste, a reçu un pot-de-vin substantiel pour octroyer la concession d’une mine de sel audit Parmentier. Il ressort des débats que l’octroi direct de ces concessions donnait lieu à de fructueux trafics d’influence. Teste, qui a tenté de se suicider, est condamné à 3 ans de prison, à la restitution de 94 000 francs et à autant d’amende ; Cubières, à 10 000 francs d’amende. Tous deux sont dégradés. L’affaire souleva une vague d’indignation contre les procédés du haut personnel orléaniste.


Partis et courants politiques de 1830 à 1848


L’orléanisme

Souvent identifié au régime de la bourgeoisie, le régime de Juillet s’appuie plus exactement sur la caste des grands notables : anciennes et riches familles du haut négoce ; aristocratie de grands seigneurs libéraux (duc de Broglie) ; gens de robe (comte Molé) ; noblesse d’Empire (Soult, Gérard, Mortier) ; grands universitaires (Guizot, Cousin, Villemain).