Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Angleterre (suite)

La région londonienne gagne sur les autres régions anglaises d’énormes avantages à avoir en son sein un tel foyer de puissance ; 1 400 000 salariés viennent chaque jour de 80 km à la ronde travailler dans ses usines et ses bureaux ; lorsque ceux-ci se décentralisent, faute de place ou de main-d’œuvre, c’est encore dans ce cercle de 80 km de rayon qu’ils se fixent le plus volontiers. L’agriculture, profondément modifiée dans ses structures par l’expansion londonienne, a un débouché tout proche, mais, il est vrai, très exigeant. Les plages doivent faire face, chaque semaine pendant la belle saison, à un afflux rémunérateur de Londoniens. Enfin, la proximité du continent donne un avantage supplémentaire au Sud-Est londonien.

L’industrialisation du Sud-Est date pour l’essentiel du xxe s. La région, à l’exception de Londres, de quelques ports et des villes de constructions ferroviaires (Ashford, Swindon), était restée purement agricole au xixe s., le bassin houiller profond du Kent n’étant exploité que depuis 1918 et ne donnant que 2 Mt de charbon par an. Entre les deux guerres mondiales, la mise au point du moteur électrique et du moteur à combustion interne ainsi que l’utilisation croissante du camion comme moyen de transport libérèrent l’industrie de la tyrannie des bassins houillers et des voies ferrées. Aussi, les industries légères nées de la seconde révolution technique (industries de l’automobile, des métaux légers, de la radio, du cinéma, des appareils électriques, des aliments préparés), dédaignant les paysages enfumés du Nord, s’implantèrent-elles dans les petites villes du Sud-Est, à faible distance de l’énorme marché londonien. Le caractère attrayant des usines nouvelles les distingue des casernes industrielles du Nord. La main-d’œuvre afflua d’Écosse, du pays de Galles, du Nord anglais, régions où le chômage démobilisait de nombreux travailleurs. Grâce à l’afflux des travailleurs d’autres régions (et de retraités et d’immigrants venus du Commonwealth et de l’étranger), la population du Sud-Est a augmenté beaucoup plus que celle de l’ensemble du royaume depuis 1921. Travaillant d’abord pour le marché national, les industries nouvelles ont peu à peu supplanté les vieilles industries du Nord comme principales exportatrices ; or, le Sud-Est est particulièrement bien équipé en services aériens et en services maritimes réguliers (services traditionnels, ou en containers, ou roll on - roll off [camions entrant chargés dans la cale des navires], ou par hydroglisseurs).

L’aéronautique, du fait de replis stratégiques à la veille de la Seconde Guerre mondiale, n’est plus l’exclusivité du Sud-Est, mais elle est encore présente (montage des avions) à Stevenage, Hatfield, Weybridge, Shoreham, Cowes. L’industrie automobile, sans avoir le rôle qui est le sien dans les Midlands, anime Luton, Dunstable, Cowley près d’Oxford, Swindon, Abingdon, Slough, Dagenham. Les petits chantiers navals de Rochester et du Solent construisent de petites unités (frégates, péniches fluviales, yachts, hydroglisseurs). L’électronique et le matériel électrique ont une place de premier plan à Swindon, Southampton, Portsmouth, le meuble à High Wycombe et dans la vallée de la Lea, les peintures, vernis et produits d’entretien en grande banlieue ; les industries alimentaires sont omniprésentes. Les deux seuls grands ensembles industriels en dehors de Londres se situent aux deux entrées de la région, l’estuaire du Solent (raffinage du pétrole et pétrochimie) et celui de la Tamise (trois raffineries de pétrole, traitement du gaz saharien importé, cimenteries et fabriques de papier journal). Malgré la diffusion généralisée de l’industrie, certaines vieilles cités historiques comme Canterbury, Winchester, Salisbury, Tunbridge la tiennent à l’écart, mais elles sont maintenant l’exception.

Les industries nouvelles ont nui à l’agriculture, en détournant une partie de sa main-d’œuvre. Les plateaux calcaires de l’Ouest (plaine de Salisbury, White Horse Hills), divisés en champs immenses enclos de fil de fer, pratiquent depuis la Seconde Guerre mondiale une rotation orge - prairies artificielles ; celles-ci servent à l’élevage des vaches laitières pour le marché de Londres et des stations côtières. Les vals argileux de la fosse du Weald (val de Kent, val de Sussex) pratiquent aussi l’élevage laitier. Des troupeaux de moutons à tête noire errent sur les Downs et, en été, sur les marais littoraux (marais de Pevensey, de Romney). Sur les sols les plus pauvres, on élève en semi-liberté des milliers de poules Sussex.

Mais ce sont surtout les cultures délicates qui font la réputation du Weald, le jardin de l’Angleterre. À la différence de l’Est-Anglie, les cultures légumières (pommes de terre nouvelles et choux-fleurs sur le bas plateau du nord-est du Kent) passent ici à l’arrière-plan, au profit des houblonnières (environs de Maidstone) et des cultures fruitières, pratiquées sur les versants ensoleillés. Les comtés de Kent-Surrey-Sussex produisent 30 p. 100 des prunes, groseilles et cassis d’Angleterre, 40 p. 100 des pommes, 50 p. 100 des poires et des framboises, 75 p. 100 des cerises, 90 p. 100 des noisettes. Les vergers renferment souvent deux cultures différentes, pommiers et groseilliers par exemple, et parfois une troisième culture au sol (fraises). Les rendements à l’hectare sont encore plus élevés dans les pépinières du Sussex, les champignonnières des versants crayeux, dans les serres de la vallée de la Lea et des environs de Worthing, où l’on obtient deux récoltes par an : tomates ou chrysanthèmes l’été, concombres ou laitues l’hiver.

La beauté de certains paysages, verdoyants, touffus, pleins d’arbres fruitiers fleuris au printemps, ne pouvait manquer d’attirer l’attention de Londoniens en quête de calme. Aussi, dans les districts qui sont à la fois proches de Londres, attrayants et bien desservis par de nombreuses voies ferrées (vallées des Chiltern, Downs du Nord), les cols blancs les plus fortunés ont-ils acheté la moitié ou plus des exploitations agricoles, même les plus grandes. Ils se rendent chaque jour par le train à leur bureau londonien et pratiquent en fin de soirée et de semaine une agriculture à temps partiel peu intensive (céréales, élevage pour la viande) mais bien outillée ; en leur absence, des salariés s’occupent du manoir. Comme aux alentours des grandes villes des États-Unis, l’agriculture est devenue une activité de loisirs pour citadins.