Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

judaïsme (suite)

À la même époque, Rabbi Ismaël recueillait dans la Mekhilta, composée à Yabne, les interprétations de la Bible dans une perspective éthique, homilétique et avec une vue assez originale de l’histoire d’Israël. Au même moment, on définissait et on clôturait la liste des livres de la Bible ; on établissait définitivement leur texte, qui devait faire autorité. Par réaction contre les interprétations parfois fantaisistes de ceux qui avaient traduit la Bible en grec, un prosélyte nommé Aquila fut chargé d’une nouvelle traduction grecque, très littérale.

Après l’échec d’une nouvelle révolte des Juifs (132-135), l’empereur Hadrien, comprenant que la Torah avait été le ressort de la résistance, supprima le Sanhédrin et interdit, sous peine de mort, l’ordination des maîtres, l’enseignement de la Loi, et la pratique de certaines observances. Les Juifs bravèrent encore le martyre. Les Sages, réunis à Lod, décrétèrent que, pour sauver sa vie, un Juif pouvait enfreindre les préceptes de la Torah, sauf ceux qui concernaient l’idolâtrie, le meurtre et la morale sexuelle.


Depuis 135

L’échec de la révolte marqua le début, pour la nation juive, d’une situation qui devait durer jusqu’à la création de l’État d’Israël, en 1948.

Les Juifs, privés de leur terre, ne furent plus, dès lors, unis que par l’amour de Dieu, l’espoir de l’accomplissement des anciennes prophéties, la connaissance et la pratique de la Torah. Malgré la dispersion, les Docteurs de la Loi surent assurer pour des siècles la survie et l’unité d’un peuple sans État, sans pays et sans gouvernement.

Leur œuvre est contenue dans l’ensemble d’ouvrages connu sous le nom de Talmud (abréviation de « talmud Torah » : étude de la Torah) ; c’est le résultat d’un travail collectif de plusieurs siècles. La première démarche en fut la rédaction de la Mishna par Juda Hanassi, dit aussi Rabbi Juda le Saint, ou encore Rabbi (135-217). À cette époque, la vie juive agonisait en Palestine. Antonin, successeur d’Hadrien, révoqua les mesures sévères de son prédécesseur. Le Sanhédrin put ressusciter dans une Galilée épargnée par la guerre. C’est là que Rabbi Juda, petit-fils de Rabban Gamaliel, bien vu de l’empereur Marc Aurèle et prévoyant la possibilité de nouvelles crises qui entraîneraient d’autres éclipses du Sanhédrin, se mit à la rédaction de sa Mishna. Cet ouvrage se présente comme un code condensé de la Loi orale, qui mentionne aussi les opinions divergentes. Il fut à la fois le manuel des études et le code de la vie juive.

À la mort de Rabbi Juda, la situation précaire de la Palestine fit que la vie spirituelle eut son centre en Babylonie, où Rab, disciple de Juda, et Samuel créèrent des écoles. Les maîtres (Amoraïm) confrontèrent la Mishna avec les recueils antérieurs et parallèles ; l’ensemble de leurs recherches est la Gemara (étude). L’ensemble formé par la Mishna et la Gemara constitue le Talmud. Cet ouvrage inclut à la fois les règles de la vie juive sous tous ses aspects, l’enseignement moral, des maximes de sagesse pratique, des spéculations métaphysiques, des visions sur l’avenir et des aperçus de toutes les sciences. Rédigé en Babylonie, entre 400 et 500, sous la pression des dangers qui menaçaient la transmission de l’enseignement, il résume les discussions des Amoraïm de Babylone, non sans citer les opinions de leurs devanciers de Palestine. Ce Talmud, qui règle encore la vie juive, est le Talmud de Babylone (Babli).

Il est plus connu et plus étudié que celui qui avait été rédigé en Palestine au ive s. par un disciple de Rabbi Juda et que l’on appelle Talmud de Jérusalem. Cet ouvrage est plus court que le précédent ; il est intéressant par les renseignements que l’on peut y trouver ; il est, en outre, le chaînon intermédiaire entre la Mishna et le Babli.

C’est également en Palestine que l’on réunit les méditations édifiantes des rabbins sur les versets de la Bible ; ces développements homilétiques sont les Haggadot, qui nous donnent un aperçu de la prédication des rabbins de Palestine à cette époque.

Entre-temps, la Diaspora devenait de plus en plus importante. Il n’est pas douteux que l’on peut attribuer à la connaissance du Talmud et à l’observance de ses recommandations la cohésion des groupements juifs, partout répandus. Les croyances relatives à l’au-delà et la rémunération future étaient encore d’une formulation diffuse ; elles n’en aidaient pas moins à résister aux pressions extérieures et à supporter la souffrance ; l’existence quotidienne était réglée dans tous les détails par la Loi ; de la sorte, on était pris dans un système qui déterminait la vie individuelle et sociale. L’unité interne du peuple était plutôt favorisée par l’hostilité ambiante et la ségrégation. L’éducation, très surveillée, assurait l’avenir.

Aussi, la morale jouait-elle un rôle primordial, mais moins sous la forme d’un enseignement théorique que sous celle de prescriptions réglant des pratiques auxquelles elle était sous-jacente ; le même mot mitsva désigne aussi bien le précepte contraignant à une action que l’appréciation morale relative à cette action et à son intention. L’abondance de ces préceptes apparaissait moins comme un joug que comme une « faveur consentie à Israël, pour lui procurer des mérites ».

Enfreindre les préceptes revenait à refuser la faveur divine ; la réparation commençait par le repentir, préalable nécessaire de l’absolution divine.


Les éléments fondamentaux du judaïsme

Ce sont la croyance en un seul Dieu et l’élection d’Israël, chargé de propager cette croyance.

Ces deux éléments découlent du célèbre verset connu sous le nom de Shema (Deut., vi, 4), « Écoute Israël ! Le Seigneur, notre Dieu, le Seigneur est Un ! » Cette affirmation, devenue la profession de foi des croyants, signifie qu’il n’y a qu’un seul Dieu, adoré par Israël. C’est l’affirmation du monothéisme le plus strict. Ce Dieu unique n’est pas une abstraction, mais le Dieu vivant, dont l’énergie créatrice opère toujours, depuis son geste initial. La Providence divine veille à maintenir la création et les créatures, prises ensemble ou une à une. C’est l’œuvre permanente de la justice et de l’amour de Dieu, attributs représentés chacun par l’un des deux noms divins « Elohim » et « Adonaï ».