Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Jordanie (suite)

L’avènement de Ḥusayn

Les Palestiniens manifestent leur hostilité au régime hāchémite en assassinant le 20 juillet 1951 à Jérusalem le roi Abdullah, considéré comme un traître à la cause palestinienne et arabe. Son fils Ṭalāl lui succède à la tête du royaume. Mais, de santé délicate, il est écarté en octobre 1952 au profit de Ḥusayn (né en 1935).

Fils aîné de Ṭalāl, le jeune roi, alors âgé de dix-sept ans, hérite d’une situation extrêmement difficile. Il a lui-même assisté à l’assassinat de son grand-père Abdullah et connaît la détermination des Palestiniens. Il sait donc que son régime est perpétuellement menacé par le courant nationaliste. Pour protéger son trône, il s’appuie davantage sur la Grande-Bretagne. Cette politique accroît l’hostilité des nationalistes, devenus plus virulents après le coup d’État du 22-23 juillet 1952 en Égypte et l’avènement de Nasser. Les manifestations et les tentatives de coup d’État contre les Hāchémites se multiplient notamment en 1954 et en 1956. Devant la détérioration de la situation, Ḥusayn est acculé à faire des concessions au courant nationaliste.

Au demeurant, le rapport de forces au Proche-Orient se modifie, depuis l’avènement de Nasser, au profit des nationalistes. Une violente campagne est engagée à partir de l’Égypte contre les régimes conservateurs et les puissances impérialistes. Pour faire face à ce mouvement, qui risque fort de mettre en cause ses intérêts dans la région, la Grande-Bretagne donne naissance, avec l’appui des États-Unis, au pacte de Bagdad (1955).

Ḥusayn évite cependant de s’engager, à l’instar de son cousin le roi d’Iraq, dans ce pacte militaire. L’alliance avec l’Angleterre ne peut, en effet, qu’aggraver la situation intérieure de la Jordanie et risque même de compromettre l’avenir des Hāchémites dans ce pays. Aussi, le jeune roi préfère-t-il se rapprocher des nationalistes, dont il épouse pour un temps la politique. Il se rapproche de l’Égypte nassérienne. Un accord militaire est conclu avec Nasser, et le général Glubb pacha, chef de la Légion arabe depuis 1939, est invité, au mois de mars 1956, à quitter la Jordanie. Mais l’affaire de Suez (1956) vient renforcer le nationalisme arabe et imposer Nasser comme leader de ce mouvement. L’emprise des nationalistes se fait alors sentir plus lourdement, et Ḥusayn craint d’être débordé par un courant qui risque de mettre en cause les fondements mêmes de son régime. Pour parer à ce danger, il dissout le Parlement et écarte de son gouvernement et de son administration les éléments nassériens. Devant le déclenchement d’une grève générale en 1957, il fait appel, pour rétablir l’ordre, à sa fidèle armée de Bédouins, la Légion arabe. Parallèlement, il exige le départ des troupes syriennes stationnées en Jordanie depuis la guerre israélo-arabe et se rapproche des régimes conservateurs d’Iraq et d’Arabie Saoudite, en butte à l’hostilité, eux aussi, du courant nationaliste.

Cette politique rencontre la faveur des puissances anglo-saxonnes, auprès desquelles Ḥusayn cherche des appuis pour assurer la protection de son régime. La Grande-Bretagne fournit de nouveau à la Jordanie une aide financière, qu’elle avait suspendue depuis son éviction, en 1956, des bases aériennes qu’elle tenait dans le pays. Cette aide est d’autant plus nécessaire au royaume hāchémite que les versements arabes qui devaient la remplacer ne sont pas toujours honorés. Ḥusayn fait également appel aux États-Unis pour renflouer une situation économique précaire.

Revenu dans l’orbite anglo-saxonne, il doit, une fois de plus, faire face au courant nationaliste, qui remporte avec la proclamation de l’unité syro-égyptienne une grande victoire. Pour riposter à la constitution de la République arabe unie (R. A. U.), il forme avec l’Iraq une confédération hāchémite, appelée l’« Union arabe ». Proclamée le 14 février 1958, cette union disparaîtra le 14 juillet suivant, date de la chute des Hāchémites en Iraq et de l’avènement d’un régime républicain dans ce pays.

Pour éviter d’être emporté, comme son cousin Fayṣāl, par la vague nationaliste et républicaine, Ḥusayn fait appel à la Grande-Bretagne, qui lui expédie les 16-17 juillet 1958 une brigade de parachutistes. La Jordanie apparaît alors comme une base occidentale, et Ḥusayn est dénoncé par les nationalistes auprès de l’opinion publique comme un agent des puissances impérialistes et, par conséquent, comme un traître à la cause palestinienne et arabe.

Mais, une fois le danger écarté, le roi de Jordanie demande au mois d’octobre 1958, pour calmer l’opinion publique et réduire la tension, le départ des troupes britanniques. Ses rapports avec les nationalistes ne sont pas pour autant améliorés. Ils vont même se détériorer davantage, le nationalisme arabe prenant sous l’impulsion de Nasser un caractère quelque peu progressiste. On reproche à Ḥusayn non seulement son inféodation aux puissances impérialistes, mais aussi le maintien du pays dans des structures archaïques et féodales. La lutte contre les Hāchémites vise désormais un double objectif : libérer la Jordanie de l’emprise occidentale pour mieux lutter contre les sionistes et substituer au régime monarchique un régime républicain et socialiste. Aussi, de 1959 à 1967, le roi Ḥusayn doit-il faire face à de nombreux complots menés par les nationalistes. Il est même amené, pour neutraliser ses ennemis politiques, à prendre des mesures draconiennes. Au mois d’avril 1966, il procède à l’arrestation de plusieurs centaines d’opposants. Le 4 juillet suivant, il déjoue un complot fomenté par le Baath jordanien, parti clandestin, dont une centaine de membres sont alors arrêtés. Et, au mois de novembre de la même année, pour faire face à une grève générale et aux manifestations sanglantes menées en Cisjordanie par les Palestiniens, il décide la mobilisation générale, pour une durée de trois mois, des hommes âgés de dix-huit à quarante ans.