Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Jespersen (Otto) (suite)

Le deuxième principe, où l’on reconnaît l’influence des théories évolutionnistes de Spencer, est exposé par Jespersen dans sa thèse de doctorat : Étude sur le cas anglais, avec une introduction sur le progrès dans le langage (1891), puis développé dans Progress in Language, with Special Reference to English (1894), pour devenir enfin le sujet de son plus important ouvrage de linguistique générale : Language, its Nature, Development and Origin (1922). Cette théorie du « progrès » s’oppose à la théorie « biologiste » du xixe s., qui considérait la langue comme un organisme indépendant, opposant les systèmes morphologiques élaborés des vieilles langues indo-européennes à l’état « décadent » des langues modernes, aux formes pauvres. Pour Jespersen, la langue, définie comme un instrument de communication, a subi une simplification dans ses formes et son système grammatical par un processus naturel de progrès, sans gêne pour la compréhension. Cette théorie contenait une conséquence logique, développée ultérieurement dans Efficiency in Linguistic Change (1941) : on devait aboutir, par étapes successives, à un état de langue où le maximum d’efficacité est obtenu au moyen d’un minimum d’effort. Cette théorie est à la base de ses travaux sur l’élaboration d’une langue internationale : après avoir collaboré, avec le linguiste américain E. Sapir (1884-1939), aux recherches sur l’ido, il en pose les fondements dans An International Language (1928) et Novial Lexique (1930).

Une autre partie importante de ses travaux concerne la grammaire générale (Logique de la langue, 1913 ; The Philosophy of Grammar, 1924) ou la grammaire anglaise (A Modern English Grammar, 1909-1949, 7 vol. ; Growth and Structure of the English Grammar, 1905). L’aspect le plus original de son système grammatical concerne sa théorie des rangs. Dans une proposition, chaque élément est défini par ses relations avec les autres éléments, selon qu’il est un déterminé ou un déterminant. Il distingue trois rangs fondamentaux et classe les termes en primaire, secondaire, tertiaire, les uns par rapport aux autres selon les types de combinaisons où ils se trouvent. Ainsi, dans la proposition : Un temps extrêmement chaud, le terme temps, qui contient l’idée principale, est primaire ; chaud est un terme secondaire, et extrêmement est un terme tertiaire. Cette classification correspond souvent aux catégories traditionnelles : substantif, adjectif, etc. ; mais elle rend compte de manière relativement simple et générale des emplois d’un adjectif comme substantif, les termes étant définis par leur appartenance à une combinaison donnée. Il distinguera alors deux types de construction : jonction et nexus. Une jonction est une idée exprimée par la combinaison d’au moins un élément primaire et d’un élément secondaire : La rose rouge ; tandis que le nexus combine deux idées qui restent séparées : La rose est rouge. Un nexus correspond généralement à une phrase, et la jonction caractérise fréquemment un processus de nominalisation.

En théoricien de la linguistique appliquée, Jespersen publia de nombreux articles sur la nécessité d’introduire les méthodes phonétiques dans l’apprentissage des langues (How to teach a Foreign Language, 1904), et il participa à l’élaboration de nombreux manuels d’enseignement de l’anglais, du français et du danois en y appliquant ses théories.


Actualité de Jespersen

Jespersen demeure un linguiste relativement isolé. Profondément attaché aux méthodes de la linguistique classique, il refuse le renouvellement méthodologique proposé par le mouvement structuraliste. Il critique le Cours de linguistique générale de Saussure* et en particulier la distinction fondamentale langue-parole : son principe essentiel de l’union étroite entre son et sens l’incite à privilégier dans ses études l’aspect de la parole et des réalisations affectives. Aussi, malgré certains points communs : importance de la langue parlée relativement à la langue écrite, définition de la langue comme moyen de communication, notion de progrès, il ne voit dans les méthodes structuralistes qu’un apport à la linguistique classique et non un changement radical de perspective.

En revanche, les développements récents de la grammaire générative* se rapprochent de certains aspects de son système grammatical. Ainsi, certains structuralistes (E. A. Nida) avaient critiqué Jespersen pour avoir affirmé que deux syntagmes tels que La maison du gardien et L’arrivée du gardien, bien qu’ayant la même structure en constituants immédiats, sont différents puisque le premier est en relation avec Le gardien a une maison, et le second avec Le gardien arrive ; or, en réalité, cette analyse est proche de celle de la grammaire transformationnelle, qui distingue la structure de surface (structure apparente identique) de la structure profonde (structure différente) et reconnaît en effet dans ces syntagmes deux dérivations différentes.

On trouve ainsi dans son œuvre, sous une forme encore intuitive, certaines analyses syntaxiques fondamentales pour l’élaboration d’une théorie générale du langage.

G. P.

Jésus

Juif qui vécut en Palestine au début de notre ère, appelé Jésus-Christ par les chrétiens, qui reconnaissent en lui le Messie (Christ) attendu par les juifs, celui qui est pour toujours ressuscité d’entre les morts et qui est la source de réconciliation entre les hommes et Dieu.



Comment connaissons-nous Jésus ?

Qu’il ait la foi au Christ ou non, l’historien est engagé sur une certaine voie. Imaginer un historien neutre est une illusion à double titre : d’abord parce que, comme tous les faits de ce monde, le fait Jésus lui est livré à travers une certaine interprétation, ensuite parce que le monde où est né l’historien a déjà entendu parler de cet homme qui a obtenu d’un grand nombre la foi en sa divinité. Pour remplir sa tâche, l’historien doit poursuivre une double démarche : d’abord interroger les documents en les dépouillant de leur interprétation pour s’efforcer de viser les « faits bruts » — ce qui s’est exactement passé —, ensuite interroger ces mêmes documents dans la ligne de l’interprétation des faits qu’ils proposent. Il aboutit ainsi à certains résultats qu’il peut considérer comme définitifs, tout en sachant que la connaissance ainsi obtenue n’est pas du même type que celle de la foi et que, du moins pour certains détails, elle demeure sujette à révision à cause des éventuelles acquisitions qui peuvent survenir dans l’ordre scientifique.