Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Jean sans Peur (suite)

Jean sans Peur et la querelle des Armagnacs et des Bourguignons

Jean est exclu du gouvernement en cas de régence, en raison de son crime, à la fin de décembre 1407. Mais il trouve à Paris un théologien complaisant, Jean Petit, qui consent à faire l’apologie de ce meurtre, qualifié de juste « tyrannicide » devant la Cour le 8 mars 1408. Ayant obtenu alors des lettres de rémission royales, puis accru son prestige en venant à bout, à Othée, des Liégeois révoltés contre leur évêque, il rentre le 28 novembre à Paris, où achève de se constituer un puissant parti bourguignon. Celui-ci est appuyé par les universitaires et bientôt animé par la corporation des bouchers ; il dispose en outre des ressources en hommes et en argent d’une principauté vaste et prospère.

Encouragés par la réplique donnée le 11 septembre 1408 devant la Cour par l’abbé de Cerisi à Jean Petit, par l’annulation par le roi des lettres de rémission accordées antérieurement à Jean sans Peur, et par l’appui de Charles VI, qui a quitté la capitale le 10 novembre, les princes des fleurs de lis s’unissent par le pacte de Gien (avr. 1410) en un second parti, dit « des Armagnacs », du nom du comte Bernard VII d’Armagnac, devenu la même année le beau-père du jeune duc Charles d’Orléans.

Retardée par les accords de Chartres du 9 mars 1409 et de Bicêtre du 2 novembre 1410, la guerre civile éclate finalement lorsque Jean sans Peur rejette en août 1411 le défi injurieux que lui a adressé Charles d’Orléans le 4 juillet. En septembre, Jean sans Peur fait appel aux Anglais pour défendre Paris ; il favorise par contrecoup la reprise de la guerre de Cent Ans en incitant ses adversaires à imiter son exemple en 1412.

En même temps, il contraint le gouvernement royal à convoquer en janvier 1413 les états de Languedoïl, à majorité bourguignonne. Jugeant pourtant insuffisantes les réformes proposées par ces derniers, agissant par ailleurs à l’instigation de Jean sans Peur, qu’il considère comme son protecteur naturel, le peuple de Paris se révolte le 28 avril 1413 sous la direction de Simon Caboche, de ses bouchers et de ses écorcheurs. Le duc de Bourgogne soumet la capitale à un régime de terreur sanglante, et fait adopter par le parlement l’ordonnance de réformes dite cabochienne des 26-27 mai 1413 ; mais il ne peut empêcher la reconquête de la capitale par Charles d’Orléans le 1er septembre.

Retiré aux Pays-Bas, il négocie alors avec Henri V d’Angleterre les accords de Leicester du 23 mai 1414, d’Ypres du 7 août de la même année et de Calais en octobre 1416 ; absent à Azincourt en 1415, il lance le 25 avril 1417 une proclamation aux bonnes villes du royaume, annonçant sa volonté de réformer les abus du gouvernement et de supprimer les aides. Ces propositions sont accueillies avec enthousiasme à Paris, dont Perrinet Le Clerc lui ouvre les portes dans la nuit du 28 au 29 mai 1418 et où il laisse massacrer les Armagnacs.

Désireux alors de se rapprocher du dauphin Charles, parce qu’il craint que le roi d’Angleterre ne lui enlève avec Paris le gouvernement du royaume, le duc de Bourgogne rencontre son cousin sur le pont de Montereau, où il tombe percé de coups d’épée le 10 septembre 1419.

P. T.

➙ Berry (Jean de France, duc de) / Bourgogne / Cent Ans (guerre de) / Charles VI / Charles VII.

 J. Calmette, les Grands Ducs de Bourgogne (A. Michel, 1950). / B. A. Pocquet du Haut-Jussé, la France gouvernée par Jean sans Peur (P. U. F., 1959). / H. David, Du nouveau sur Jean sans Peur (Impr. Bernigaud et Privat, Dijon, 1960). / R. Vaughan, John the Fearless, the Growth of Burgundian Power (Londres, 1966).

Jean III Sobieski

(Olesko, Galicie, 1629 - Wilanów 1696), roi de Pologne de 1674 à 1696.



Un grand capitaine et un patriote

Fils d’un voïévode des confins, Jean fréquenta l’université de Cracovie avant de parcourir l’Europe. Son séjour en France le marqua. Il apprit à Constantinople les désastres de sa patrie (1648) et rentra lui offrir ses services.

Sa vie fut dès lors remplie d’héroïques combats livrés aux Cosaques, Suédois, Turcs et Tatars. Zborów (15-16 août 1649), Beresteczko (28-30 juin 1651), les guerres suédoises (1655-1660) le couvrirent de gloire, révélant un grand capitaine. Son mariage avec « Marysieńka » (Marie-Casimire d’Arquien) [14 mai 1665] le lia à la Cour et au parti français.

En 1667, Jean Sobieski réorganisa l’armée à ses frais, en engageant ses domaines, et repoussa les Tatars et les Cosaques à Podhajce (4-7 oct.). Lorsque Jean II Casimir abdiqua (1668), Sobieski compromit sa popularité en soutenant la candidature française. Hostile à l’incapable Michel Korybut Wiśniowiecki, élu en 1669, il voulut le détrôner avec l’aide de l’armée, qui lui était fidèle. L’invasion turque mit fin aux discordes. Le roi céda aux Turcs la Podolie avec Kamieniec (Khmelnitski) et l’Ukraine (traité de Buczacz, 16 oct. 1672). Cette humiliation regroupa la noblesse derrière Sobieski, qui fit annuler le traité par la Diète, mit sur pied une armée grâce aux fonds qu’elle vota et écrasa les Turcs à Chocim (Khotine, 11 nov. 1673), où il prit 120 canons et un immense butin. Un élan d’enthousiasme général le porta sur le trône, libéré par la mort de Michel Korybut Wiśniowiecki. Le 5 juin 1674, Jean jura les Pacta conventa et courut arrêter une nouvelle invasion : les guerres ajournèrent son couronnement au 2 février 1676.


Le « sauveur de l’Europe chrétienne »

Sobieski compta d’abord sur l’alliance conclue avec la France (Jaworów, 11 juin 1675) pour arracher la Prusse ducale au Brandebourg et réaliser des réformes intérieures capables d’enrayer l’anarchie nobiliaire. Mais la France ne sut pas lui ménager du côté des Turcs la sécurité indispensable à sa politique baltique. Le roi dut repousser de nouvelles attaques en 1675 et 1676 : la trêve de Zórawno (17 oct. 1676) répara en partie Buczacz, mais déçut la Pologne en laissant aux Turcs Kamieniec et la Podolie. Dès lors, il fut facile à Vienne de supplanter la France, en réveillant les passions de croisade dans une noblesse polonaise imbue de son rôle de « rempart de la chrétienté ».