Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Jean II le Bon (suite)

Emmené à Bordeaux, où il conclut une trêve de deux ans le 23 mars 1357, Jean II est ensuite transféré à Londres, où il fait son entrée le 25 mai. Il y signe alors les deux traités de Londres de janvier 1358 et du 24 mars 1359, le premier fixant sa rançon à 4 millions d’écus et accordant à Édouard III le sud-ouest de la France, Poitiers inclus, et le second cédant également en toute souveraineté à ce monarque la Touraine, l’Anjou, le Maine et la Normandie.

Ce traité est rejeté par le régent Charles et par les états, qui le déclarent « ni passable ni faisable » ; il n’a d’autre suite que la reprise de la guerre, et Jean II doit attendre, pour être libéré, que la signature du traité de Brétigny, le 8 mai 1360, soit soumis à sa ratification à Calais le 24 octobre de la même année.

Jean II abandonne à l’Angleterre toute l’Aquitaine — y compris le Poitou —, augmentée de Calais, de Guînes et du Ponthieu, et promet à son fils Philippe le Hardi en novembre 1363 le duché de Bourgogne, qu’il a déclaré pourtant réuni irrévocablement à la Couronne après la mort de Philippe de Rouvres le 21 novembre 1361. Il ne songe, en fait, qu’à réaliser le projet chimérique qui lui tient à cœur : la croisade. Exécutant avec retard les clauses territoriales du traité de Brétigny-Calais, incapable de régler les échéances annuelles de 400 000 écus de sa rançon malgré l’établissement, pour six ans, d’une triple contribution sur les marchandises, sur le sel et sur le vin par l’ordonnance du 6 décembre 1360, et malgré le riche mariage de sa fille Isabelle, avec Jean Galéas Visconti, et s’estimant, par ailleurs, déshonoré personnellement par la fuite de son fils Louis d’Anjou, otage à Calais en septembre 1363, Jean II regagne Londres en janvier 1364. Il y meurt le 8 avril.

P. T.

➙ Cent Ans (guerre de) / Charles V / Édouard III / Marcel (Étienne) / Philippe VI de Valois.

 SOURCES. Chroniques des règnes de Jean II et de Charles V, éd. par R. Delachenal (Laurens et Champion, 1910-1920 ; 4 vol.).
A. Coville, les Premiers Valois et la guerre de Cent Ans, 1328-1422, dans Histoire de France, sous la dir. de E. Lavisse, t. IV, 1re partie (Hachette, 1901) ; l’Europe occidentale de 1270 à 1380, dans Histoire générale, sous la dir. de G. Glotz (P. U. F., 1941). / R. Delachenal, Histoire de Charles V (Picard, 1909-1927 ; 5 vol.). / G. Dodu, les Valois. Histoire d’une maison royale, 1328-1589 (Hachette, 1934).

Jean sans Terre

(Oxford 1167 - château de Newark, Nottinghamshire, 1216), roi d’Angleterre de 1199 à 1216.



Jeunesse et révoltes (1167-1199)

Cinquième et dernier fils d’Aliénor d’Aquitaine et d’Henri II Plantagenêt, qui lui confie la seigneurie de l’Irlande, Jean sans Terre se révolte en 1189, aux côtés de son frère le futur Richard* Ier Cœur de Lion et avec l’appui du roi de France Philippe* II Auguste, contre son père, qui expire peu après l’annonce de cette nouvelle. À la faveur du séjour en Terre sainte de Richard qui, devenu roi, l’a pourtant comblé d’« honneurs », Jean se retourne contre son souverain. Il suscite d’abord l’hostilité des barons, des prélats et des bourgeois de Londres contre le chancelier et grand justicier du royaume, William (ou Guillaume) Longchamp, que leur assemblée de 1191 écarte du pouvoir. Reconnu alors régent à titre honorifique, il signe en février 1193 avec Philippe Auguste un traité secret qui lui permet d’acquérir la haute Normandie et la Touraine aux dépens de son frère ; celui-ci, sur son lit de mort (avr. 1199), recommande pourtant à ses compagnons de le reconnaître pour roi malgré les droits que peut faire valoir à la couronne d’Angleterre son neveu Arthur Ier de Bretagne, élevé à la cour de Philippe Auguste. Le 27 mai 1199, l’archevêque de Canterbury, Hubert Gautier, sacre Jean sans Terre. Victime de la tare nerveuse de ses ancêtres angevins du xie s., le nouveau souverain est en fait un déséquilibré qui passe par des crises alternées d’excitation morbide et de dépression profonde qui l’empêchent de gérer avec autorité son royaume.


Jean sans Terre et l’effondrement de l’Empire angevin

Jean sans Terre a volontairement prêté hommage à Philippe Auguste en 1189 et en 1193 pour affaiblir son père, puis son frère, il renouvelle cet acte de dépendance à l’égard de ce souverain après avoir signé avec lui la paix du Goulet du 22 mai 1200, par laquelle il lui abandonne le pays d’Évreux, une partie du Vexin normand, le Berry, lui verse un relief de 20 000 marcs sterling et lui accorde la main de sa nièce Blanche de Castille pour le prince royal Louis. Redoutant que l’union projetée par Hugues IX de Lusignan, comte de la Marche, avec Isabelle, fille unique du comte d’Angoulême, allié du roi de France, ne coupe définitivement en deux l’Empire angevin, après la perte du Berry, Jean sans Terre commet alors l’erreur d’épouser la jeune princesse le 30 août 1200 et de promettre à son père le comté de la Marche sans accorder à son premier fiancé la moindre compensation.

Très habilement, Philippe Auguste reçoit alors l’appel d’Hugues de Lusignan en tant que suzerain suprême et fait condamner par défaut son homme-lige Jean sans Terre par les barons de la cour de France à la commise de ses fiefs pour rébellion le 28 avril 1202. Défié par Philippe Auguste, qui envahit la Normandie dès 1202, Jean sans Terre ne conserve le contrôle que des seules îles Anglo-Normandes, après les capitulations de Château-Gaillard et de Rouen respectivement les 6 mars et 24 juin 1204. Plus heureux au début dans la vallée de la Loire, où il bat et fait prisonnier à Mirebeau, le 1er août 1202, Arthur Ier de Bretagne allié du roi de France, il égorge lui-même son neveu à Rouen le 3 avril 1203, ce qui entraîne le soulèvement et la perte de la Bretagne et des pays de la Loire, où les sénéchaux d’Anjou et du Poitou. Guillaume des Roches et Aimery de Thouars, se rallient à Philippe Auguste en 1203. Cependant, il reprendra le contrôle de l’anarchique Aquitaine, malgré le décès, en 1204, de sa mère Aliénor, et de la presque totalité du Poitou en 1206.