Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Jean II le Bon

(Château du Gué de Maului, près du Mans, 1319 - Londres 1364), roi de France de 1350 à 1364.



Le prince royal

Fils aîné de Philippe VI de Valois et de Jeanne de Bourgogne, il épouse en 1332 Bonne de Luxembourg, fille du roi de Bohême Jean Ier l’Aveugle, puis, en 1350, Jeanne de Boulogne. Il est créé duc de Normandie en 1332, puis peu après comte d’Anjou et du Maine, et enfin comte de Poitiers ; il contrôle aussi très tôt l’ensemble des territoires des Plantagenêts, incorporés au domaine royal en 1202. Dès 1340, il fait son apprentissage de chef de guerre en Hainaut, où il combat les Anglais ; il le poursuit en Bretagne, où, en septembre 1341, il prend Nantes et capture Jean de Montfort, qui conteste la possession de ce duché à Charles de Blois. Lieutenant du roi en Languedoc en 1344, il pressure cette province, mais ne parvient pas à s’emparer, en 1346, d’Aiguillon sur la Garonne. Déjà il s’avère tel qu’il sera par la suite : « prodigue, ami du luxe, comme tous les Valois [...] non [pas] un incapable — le mot serait trop fort —, mais [...] un médiocre » (Édouard Perroy). Excessif dans ses colères comme dans ses pardons, courageux jusqu’à la témérité, ayant le sens de l’honneur chevaleresque, mais non celui de l’État, il assume la responsabilité de mener son armée au désastre, ses sujets à la ruine, son royaume au dépècement territorial. Il est écarté momentanément du gouvernement royal lorsque les états de Paris de novembre 1347 obligent Philippe VI à renvoyer les conseillers jugés responsables des échecs de Crécy et de Calais, mais il assume d’importantes responsabilités gouvernementales à la fin du règne de son père.


Le gouvernement du royaume

Jean II, sacré à Reims le 26 septembre 1350, s’entoure de conseillers auxquels ses adversaires reprochent leur basse extraction et leur cupidité : Simon de Buci, Robert de Lorris et Nicolas Braque. L’un d’eux, pourtant, est de noble origine : son favori, Charles de la Cerda ou d’Espagne, comte d’Angoulême, qu’il fait connétable au début de 1351 en remplacement de Raoul de Brienne, décapité (en fait assassiné) pour « trahison » le 18 novembre 1350. Le don maladroit du comté d’Angoulême au nouveau chef de l’armée provoque l’assassinat de ce dernier à Laigle le 8 janvier 1354, à l’initiative du roi Charles II de Navarre le Mauvais, qui considère cette terre comme sienne. Depuis 1353, gendre du roi Jean II, qui n’a pas versé la dot de sa fille, mécontent, par ailleurs, d’avoir été évincé du trône, auquel sa mère Jeanne II de Navarre avait prétendu en 1316, Charles le Mauvais inaugure alors une politique de bascule entre l’Angleterre et la France qui contraint son beau-père à lui céder une grande partie du Cotentin ainsi que le comté de Beaumont-le-Roger par le traité de Mantes du 22 février 1354. Il n’est pas apaisé par ces concessions, et il complote avec Édouard III l’invasion de la Normandie. Jean II l’amnistie par l’accord de Valognes du 10 septembre 1355, mais le jette en prison et fait exécuter ses complices, les d’Harcourt, lorsqu’il les surprend le 5 avril 1356 au château de Rouen en train sans doute de circonvenir le dauphin Charles pour le déposer.

Le monarque, qui vit ainsi dans la hantise continuelle de la trahison, — et qui est en effet plus d’une fois trahi — n’en éprouve que plus de difficultés à contrôler la situation délicate créée par la défaite de Crécy en 1346 et aggravée par la peste noire de 1347-48. Celle-ci réduit, en effet, la matière imposable, raréfie la main-d’œuvre, entraînant par contrecoup la hausse des salaires, pourtant interdite par l’ordonnance de 1351 et contraignant le gouvernement à établir la même année une nouvelle échelle de soldes destinée à faciliter la reconstitution de l’armée, dont le roi pense stimuler le zèle de ses éléments chevaleresques par la création, le 6 janvier 1352, de l’ordre de l’Étoile (500 membres), en riposte à celle de l’ordre de la Jarretière par Édouard III.


La guerre et la défaite

En fait, les Anglais n’ont pas désarmé ; ils sont même plus forts que jamais. Profitant de la présence à Saint-Ouen, aux fêtes du 6 janvier 1352, du capitaine de Guînes, ils prennent cette ville et demandent, mais en vain, à Jean II le Bon de renoncer au profit d’Édouard III à toute souveraineté sur l’Aquitaine (augmentée, au nord de la Loire, de l’Anjou et du Maine) lors des conférences de Guînes et d’Avignon, réunies respectivement en 1354 et en 1355.

Conscient de l’inéluctabilité de la reprise de la guerre, Jean II tente de se procurer les moyens financiers indispensables à sa conduite en dévaluant sa monnaie de 70 p. 100 en six ans et en demandant un subside aux états de Languedoïl, qui, méfiants, décident de faire procéder en décembre 1355 à sa levée par leurs « élus », peut-être sous l’influence d’Étienne Marcel*. En fait, l’argent ne rentre pas, alors que les Anglais ont déjà recommencé la guerre, marquée par la triple chevauchée du Prince Noir dans le Languedoc en octobre-décembre 1355, d’Henri II de Lancastre en Normandie, où il bénéficie de l’appui des d’Harcourt et de leurs alliés du Cotentin en juin-juillet 1356, et, de nouveau, du Prince Noir, dont les forces ravagent le Limousin et le Berry avant de venir à bout de l’armée française à Maupertuis, à proximité de Poitiers, le 19 septembre 1356. Comme à Crécy, les archers anglais, bien retranchés sur une éminence, l’emportent, malgré leur infériorité numérique, sur l’impétuosité de la chevalerie française, mal commandée par le roi Jean, qui préfère se rendre au terme d’un combat héroïque plutôt que de sauver sa liberté par la fuite.