Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Jean XXIII

(Sotto il Monte, près de Bergame, 1881 - Rome 1963), pape de 1958 à 1963.


Angelo Giuseppe Roncalli naît dans une famille de petits cultivateurs. Entré au petit séminaire en 1892, élève brillant, il poursuit ses études au séminaire pontifical romain à partir de 1900, avant d’être ordonné prêtre quatre ans plus tard. Il est ensuite secrétaire de l’évêque de Bergame, son diocèse natal, avant d’être intégré à la congrégation de la Propagande en 1921.

En 1925, le pape Pie XI le nomme évêque. Angelo Roncalli va être chargé de divers postes diplomatiques à l’étranger au service de la politique pontificale. Il est successivement visiteur apostolique en Bulgarie, puis délégué apostolique en Turquie avec juridiction sur la Grèce. En 1944, il devient nonce à Paris. En 1953, Pie XII lui confère le chapeau de cardinal et le nomme au siège patriarcal de Venise. Dans son diocèse, le nouveau cardinal entreprend une meilleure répartition des territoires paroissiaux et fait, en outre, restaurer l’antique basilique Saint-Marc. Après la mort de Pie XII et à l’issue d’un conclave assez long et difficile, le cardinal Roncalli devient pape (28 oct. 1958) et prend le nom de Jean XXIII.

Il est alors âgé de soixante-dix-sept ans, et les augures politiques le décrivent comme un « pape de transition ». Or, ce « pape de transition » va, en fait, orienter l’Église catholique dans la voie d’un profond renouvellement. On pourra parler d’un « miracle Roncalli », car rien ne semble prédisposer ce prélat bonhomme, rond de manières, mais de réputation rétrograde à une action décisive dans l’Église.

Le pape a une conscience aiguë de l’« accélération de l’Histoire » et des changements rapides qui en résultent pour l’évolution de l’humanité. Aussi veut-il, selon son mot fameux, l’aggiornamento, c’est-à-dire la « mise à jour » de l’Église universelle.

Le premier acte important du pontificat est d’ailleurs une réforme, celle du Sacré Collège. Pour la première fois depuis la fixation du nombre des cardinaux à soixante-dix par Sixte Quint en 1586, on dépasse ce chiffre. Cette augmentation a un double but : celui de multiplier les conseillers du pape et les supérieurs des différentes congrégations romaines, et celui d’introduire dans le Sacré Collège des cardinaux de nations qui n’y ont jamais été représentées.

Quelques mois après, le 25 janvier 1959, Jean XXIII proclame sa volonté de convoquer au Vatican un concile œcuménique, afin qu’il l’aide précisément dans la tâche qu’il juge primordiale, celle de réconcilier l’Église avec le monde moderne, de « lui rendre la fraîcheur de sa jeunesse ». Le premier concile du Vatican* (1869-70) avait surtout œuvré en matière dogmatique et, sous l’impulsion d’un pape conservateur, s’était limité à marquer les distances entre le catholicisme et le monde de son temps.

Le deuxième concile du Vatican* (ou Vatican II) renoue en réalité avec une bien plus ancienne tradition, celle du concile de Trente (1545-1563), qui s’était voulu, lui aussi, un concile d’ouverture sur son époque. L’autre objectif assigné par le pape au concile est de rapprocher les chrétiens entre eux et avec les incroyants. Cet esprit œcuménique se manifeste par la convocation et la présence d’observateurs non catholiques au concile dès la tenue de la première session. Toutefois, par son encyclique Aeterna Dei sapientia, promulguée à l’occasion du quinzième centenaire de la mort du pape Léon Ier le Grand († en 461), Jean XXIII réaffirme avec force l’autorité indispensable de la papauté.

La préparation du concile est la préoccupation dominante du pape, qui, à partir de 1960, travaille activement à sa réalisation. L’assemblée s’ouvre enfin le 11 octobre 1962 en présence de 2 540 prélats venus du monde entier, et la première session se termine le 8 décembre. Les principales décisions portent sur la réforme liturgique, surtout sur l’emploi des langues nationales à la place du latin dans la célébration de la messe et l’administration des sacrements. Les pères conciliaires se penchent également sur les problèmes de la tradition et de l’unité de l’Église. Cette session, qui ne prend pas de décisions spectaculaires, sert, en réalité, à frayer la voie à celles qui la suivront.

Les grandes encycliques de Jean XXIII reflètent son grand souci d’« aggiornamento » de l’Église. Ainsi, l’encyclique Mater et Magistra (15 mai 1961) précise la position de l’Église sur la question sociale et met l’accent sur les problèmes paysans et sur ceux du tiers monde. Le pape y parle en fils de paysans : « Comment faire, s’écrie-t-il, pour comprimer le déséquilibre de la productivité entre le secteur agricole d’une part, le secteur industriel et le secteur des services d’autre part, pour que le niveau de vie des populations rurales s’écarte le moins possible du niveau de vie des citadins ? » Il engage les nations riches à user de leur superflu pour le bénéfice des plus pauvres, afin que les pays sous-développés ne soient plus des « pays de la faim ».

Quant à l’encyclique Pacem in terris (11 avr. 1963), elle a un immense retentissement dans les milieux catholiques comme chez les incroyants. Il s’agit d’un appel à tous les « hommes de bonne volonté » pour instaurer une véritable paix sur la terre. Celle-ci, selon le pape, ne peut être que le fruit de la vérité, de la justice, de la charité et de la liberté. « Ces communautés, dit Jean XXIII, doivent harmoniser leurs relations selon la vérité et la justice, en esprit d’activé solidarité et dans la liberté. » Le pape étudie ensuite les rapports respectifs entre les hommes et les pouvoirs publics, entre les communautés politiques, entre les diverses nations et la grande communauté mondiale.

En conséquence, Jean XXIII appelle de ses vœux la création d’un pouvoir international. « De nos jours, disait-il, le bien commun universel pose des problèmes de dimension mondiale. Ils ne peuvent être résolus que par une autorité publique dont le pouvoir, la constitution et les moyens d’action prennent aussi des dimensions mondiales, et qui puisse exercer son action sur toute l’étendue de la terre. C’est donc l’ordre moral lui-même qui exige la constitution d’une autorité publique de compétence universelle. »

Cette encyclique sera la dernière du pontife.

Après une longue agonie qui bouleverse le monde entier, Jean XXIII, « il papa buono » — le « bon pape Jean », comme on va l’appeler désormais —, s’éteint le 3 juin 1963. On pourra dire que, désormais, rien ne sera comme avant dans une Église qui va s’efforcer de vivre, de plus en plus intensément, en symbiose avec son temps.

P. P. et P. R.

➙ Église catholique / Vatican (concile du).

 J. Y. Calvez, l’Enseignement social de Jean XXIII (Aubier, 1963). / X. Rynne, Letters from Vatican City (New York, 1963 ; trad. fr. la Révolution de Jean XXIII, Grasset, 1963). / M. de Kerdreux, Jean XXIII (Salvator, Mulhouse, 1966 ; nouv. éd., Beauchesne, 1970). / J. Neuvecelle, Jean XXIII, une vie (Grasset, 1968).