Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Java (suite)

Pourtant, la prépondérance du Pasisir ne dure pas. Dès la fin du xvie s., le centre de gravité se reporte une fois de plus à l’intérieur, au centre même de l’île, là où, huit siècles plus tôt, les premières dynasties ont construit Bārābudur et Prambanan. Le petit royaume de Mataram triomphe de celui de Pajang, puis, sous l’impulsion de Senapati (1575-1601) et surtout du sultan Agung (1613-1645), grandit au point de devenir la principale puissance de Java. La culture javanaise qui s’y développe est en fait une sorte de syncrétisme cherchant à concilier les principes musulmans importés des ports du Pasisir avec des traditions plus anciennes, obscurément transmises depuis l’époque de Majapahit. La richesse est de nouveau fondée sur la terre ; la société, strictement hiérarchisée (la langue comporte des vocabulaires différents selon le niveau social des interlocuteurs), gravite autour de la personne du souverain (appelé susuhunan), et le palais (keraton) est considéré comme le centre d’un espace organisé en cercles concentriques ; plus on s’en éloigne, plus on perd en lumière et en densité.

Mataram parvient à s’imposer aux anciennes cités de la côte septentrionale (Surabaya, Tuban, Japara), mais n’arrive pas à avoir raison du nouveau port de Batavia, que les Hollandais viennent de fonder en 1619 dans l’ouest, en pays sunda. L’antique rivalité entre l’intérieur et la côte renaît sous une nouvelle forme : les marchands de la Compagnie hollandaise (Vereenigde Oost-Indische Compagnie, VOC) et l’aristocratie de Mataram ne cessent plus de s’affronter pendant deux siècles. Batavia marque un point lorsqu’en 1755 le traité de Giyanti scelle la division de Mataram en deux « principautés » : d’une part, le domaine du susuhunan, résidant à Surakarta (aussi appelé Solo), et, d’autre part, celui du sultan, résidant à Jogjakarta. La lutte ne s’achève vraiment qu’en 1830, avec l’échec de la dernière révolte nobiliaire, celle du prince Dipanegara.

Au cours du xixe s., les conditions changent sensiblement. Le gouvernement de Batavia ne s’occupe plus seulement de commercer, mais cherche à exploiter directement les ressources de l’île (café, canne à sucre, indigo et, un peu plus tard, teck et hévéa). Vers 1810, le gouverneur Herman Willem Daendels fait construire une grande route longitudinale qui permet une meilleure mise en valeur du pays et qui, de nos jours encore, reste l’artère essentielle. Après l’abandon, en 1870, du trop célèbre « système des cultures » (cultuurstelsel), le gouvernement favorise les plantations privées et équipe l’île d’un réseau ferré.

Cependant, la population de Java commence à croître selon un rythme exceptionnellement rapide : 9,5 millions d’habitants en 1845, 14 millions en 1865, 21,5 millions en 1885, 30 millions en 1905, près de 42 millions en 1930. Les autres îles de l’archipel sont loin de connaître une progression de cette ampleur, et le « poids » démographique de Java ne cessera plus de jouer un rôle déterminant à tous les niveaux, aussi bien sur le plan économique que sur le plan politique, tant à l’époque hollandaise qu’après l’indépendance. Aucune industrie ne vient résorber l’excédent démographique, et la place de l’artisanat traditionnel (notamment la teinture des étoffes à la cire, ou batik) reste limitée.

Les quelques efforts tentés pour établir des paysans javanais en dehors de Java (« transmigrants ») ont pratiquement échoué, et il n’y a d’issue que dans une intensification constante de l’agriculture, c’est-à-dire essentiellement de la riziculture irriguée. Depuis un siècle, les rizières n’ont cessé de s’étendre, et la superficie atteinte est pour ainsi dire maximale. Seule une amélioration des techniques traditionnelles de culture (déjà très raffinées) peut amener une amélioration de la production ; c’est ce qui est tenté actuellement avec la construction du barrage de Jati Luhur, à Java ouest, qui, en plus de son rôle hydro-électrique, permettra une meilleure irrigation, et avec l’emploi d’engrais chimiques et de nouvelles variétés de riz.

Le bond démographique n’a, cependant, guère transformé les mentalités, qui, dans la plupart des cas, sont restées très traditionnelles (les grandes villes mises à part). On distingue trois tendances ou « courants » (aliran) : a) les priyayi, héritiers de l’ancienne noblesse, continuent à cultiver les arts traditionnels (danse et théâtre d’ombres, ou wayang) ainsi qu’un art de la méditation proprement javanais (kebatinan) ; b) les santri, commerçants ou grands propriétaires, développent une culture fortement islamisée ; c) les abangan regroupent l’ensemble des paysans, encore restés proches de l’animisme ancestral.

D. L.

➙ Empire colonial néerlandais / Indonésie.

 P. Gonnaud, la Colonisation hollandaise à Java (Challamel, 1905). / J. Bruhat, Histoire de l’Indonésie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1958 ; 2e éd., 1968). / E. H. G. Dobby, South East Asia (Londres, 1961 ; nouv. éd., 1968). / W. F. Wertheim, Indonesian Society in Transition (La Haye, 1963).

jazz

Ensemble de manifestations musicales produit par la rencontre du peuple noir des États-Unis avec des traditions culturelles blanches, et qui, depuis le début du xxe s., s’est imposé comme un vecteur décisif dans la musique occidentale.


« Le jazz a été trop souvent considéré comme une mode, mais une mode qui dure depuis vingt-cinq ans n’est plus une mode, c’est une époque. Il n’y a pas de musique qui puisse faire abstraction du jazz. » (Arthur Honegger, 1946.) Quant à l’attitude du public et de la critique, Erik Satie l’a définie par une boutade : « Ce que j’aime dans le jazz, c’est qu’il nous apporte sa douleur et qu’on s’en fout. »

L’origine du mot

L’étymologie du mot jazz est obscure. Le vocable fut adopté à partir de 1920 après avoir été imprimé pour la première fois en janvier 1917 dans la grande presse new-yorkaise à l’occasion de la venue de l’Original Dixieland Jass (ou Jasz, ou jaz, puis jazz) Band.