Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Japon (suite)

On va dès lors assister à une étonnante remontée économique du Japon, dans tous les domaines. Base américaine dans l’« affaire de Corée », le Japon devient un des premiers fournisseurs de la machine de guerre américaine. Par la suite, les États-Unis seront le premier pays importateur de matériel japonais. Mais la situation sociale et politique demeure difficile. Le 7 décembre 1954, Yoshida, devant l’opposition croissante, est obligé de démissionner. Après un bref « retour en arrière » avec le ministère Hatoyama, Kishi Nobusuhe arrive au pouvoir. Il tente d’abroger le fameux « article 9 » de la Constitution interdisant au Japon la formation d’une armée offensive, mais, devant la pression populaire et bien que le pacte de sécurité ait été reconduit, il est à son tour obligé de démissionner. Ikeda Hayato, un homme nouveau, lui succède. Il s’attache surtout au développement économique du pays. Les libéraux démocrates et les socialistes sont alors en majorité au gouvernement. Cependant, malade, Ikeda est obligé de se retirer. Satō Eisaku le remplace et continue la politique économique de son prédécesseur. Il préside un gouvernement conservateur, partisan de l’expansion économique à tout prix, soucieux de promouvoir le Japon à l’échelon international, de réaliser certains progrès sociaux et surtout de reprendre aux Américains les territoires japonais encore sous leur tutelle. En 1972, Satō Eisaku sera à son tour remplacé par Tanaka Kakuei, son successeur à la tête du parti libéral démocrate. Ce dernier signe avec la Chine populaire un accord qui normalise les relations sino-japonaises et marque la rupture du Japon avec Taiwan (sept. 72).

La réussite économique du Japon est incontestable. Si les Américains ont réussi à conserver de nombreuses bases, ils se sont néanmoins engagés à libérer certains territoires, comme celui d’Okinawa. L’article 9 n’a pas été abrogé, mais les forces d’« autodéfense » et de police se sont tout de même accrues dans des proportions appréciables. Le Japon de 1972, bien que pacifique, est maintenant lancé dans une aventure économique qui ne laisse pas d’inquiéter les Japonais eux-mêmes. Reprenant l’ancien mot d’ordre du Dai Ninon (du Grand Japon), le Japon s’est lancé dans la conquête économique du monde, à commencer par l’Asie. Mais sa production est conditionnée par les matières premières (qui lui parviennent en très grande partie de l’étranger), le pétrole (le Japon est obligé de l’importer, son territoire national n’en possédant pas) et aussi par les possibilités d’accroissement de ses marchés étrangers. Jusqu’à présent, les États-Unis ont été son principal client. Mais dans le monde entier se dessine un fort mouvement concurrentiel. Pour subsister, l’économie japonaise doit progresser sans cesse. Toute récession ou stagnation signifierait une crise mortelle, obligeant le Japon à changer de politique. L’avenir seul pourra donner la solution d’un tel problème.

L. F.

➙ Bouddhisme / Chine / Confucianisme / Corée / Guerre mondiale (Première) / Guerre mondiale (Seconde) / Hideyoshi / Hirohito / Ieyasu / Meiji / Nobunaga / Nogi / Préhistoire / Russo-japonaise (guerre) / Shintō / Sino-japonaise (guerre) / Taishō.

 E. O. Reischauer, Japan, Past and Present (New York, 1953 ; 4e éd., 1970). / F. Joüon des Longrais, l’Est et l’Ouest. Institutions du Japon et de l’Occident comparées (Institut de recherches d’histoire étrangère, 1958). / R. Bersihand, Histoire du Japon des origines à nos jours (Payot, 1959). / F. Maraini, Japon (Arthaud, 1959). / G. B. Sansom, A History of Japan (Londres, 1959-1964 ; 3 vol.) ; Japan, a Short Cultural History (Londres, 1962). / W. G. Beasley, The Modern History of Japan (Londres, 1963). / I. Seiichi, Dictionnaire historique du Japon (Tōkyō, 1963-1971 ; 2 vol. parus). / Unesco, Japan, its Land, People and Culture (Tōkyō, 1964). / Nihon-on-Rekishi (Tōkyō, 1965 ; 26 vol.). / P. Akamatsu, Meiji-1868 (Calmann-Lévy, 1968). / L. Frédéric, la Vie quotidienne à l’époque des samouraï, 1185-1603 (Hachette, 1968) ; Japon, art et civilisation (A. M. G., 1969). / B. Millot, la Guerre du Pacifique (Laffont, 1968 ; 2 vol.). / F. Toussaint, Histoire du Japon (Fayard, 1969). / M. Vié, Histoire du Japon, des origines à Meiji (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1969) ; le Japon contemporain (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1971). / J. Mutel, Histoire du Japon, t. I : la Fin du Shôgunat et le Japon de Meiji, 1853-1912 (Hatier, 1970). / J. Robert, le Japon (L. G. D. J., 1970). / P. Fistié, la Rentrée en scène du Japon (A. Colin, 1972).


La politique de défense du Japon de 1945 à nos jours


La démilitarisation du Japon en 1945

Après la capitulation de septembre 1945 (v. Guerre mondiale [Seconde]), les forces armées japonaises sont dissoutes, les industries d’armement démantelées, le territoire national est occupé et placé sous le proconsulat du général MacArthur*, commandant en chef des forces alliées. Les Japonais, traumatisés par la défaite, font preuve d’un pacifisme total, traduit par l’article 9 de leur nouvelle Constitution de 1946 : « Le peuple japonais renonce à jamais à la guerre en tant que droit souverain de la nation, ou à la menace, ou à l’usage de la force comme moyen de règlement des différends internationaux [...]. Il ne sera jamais maintenu de forces terrestres, navales ou aériennes ou autre potentiel de guerre. » Cet article 9, dont l’interprétation n’a pas cessé d’évoluer, demeure, d’une manière désormais assez paradoxale, à la base de la politique de défense du Japon.


Les premières étapes du réarmement

Le développement de la guerre froide, les succès communistes en Chine, la guerre de Corée* ne tardent pas à modifier le point de vue américain sur le désarmement du Japon. Le 10 août 1950, sur « recommandation » du général MacArthur, le gouvernement japonais crée la police nationale de réserve, aux effectifs théoriques de 75 000 hommes, dont la mission est de « maintenir la paix et l’ordre dans le pays ». Le 8 septembre 1951, le traité de San Francisco (non signé par l’U. R. S. S. ni la Chine populaire) met fin à l’état de guerre, rend au Japon sa souveraineté sur son territoire (à l’exception des Ryūkyū, demeurant sous administration américaine) et stipule expressément que le pays a le droit de légitime défense. Simultanément, un pacte de sécurité avec les États-Unis implique le maintien de forces américaines au Japon. Le Premier ministre Yoshida, encouragé par les États-Unis, estime que cette indépendance retrouvée justifie, malgré l’article 9, un réarmement défensif limité. Dès mai 1952, les effectifs de la police nationale de réserve sont portés à 110 000 hommes. En août sont créés une direction de la sécurité, placée sous l’autorité du Premier ministre, et des états-majors des forces terrestres et navales. La police nationale de réserve prend le nom de force de sécurité nationale, mais le réarmement reste freiné par la faiblesse de l’économie japonaise et par l’opposition de l’opinion publique. Toutefois, le Japon apparaît de plus en plus comme une pièce essentielle du dispositif des États-Unis en Asie, dans le cadre de leur politique de « containment » des pays communistes. Aussi, le gouvernement américain ne cesse-t-il d’insister pour que les Japonais prennent une part plus importante à leur défense. En échange, par l’accord du 8 mars 1954, il consent à l’économie japonaise une aide de 100 millions de dollars sous forme de commandes d’armement. Le 1er juillet suivant est créée une Agence de défense, véritable ministère, dont le « directeur général », un civil, a rang de ministre d’État et a à sa disposition le Comité des chefs d’état-major des trois armes. Les forces de sécurité deviennent alors les forces terrestres et navales d’autodéfense. Ainsi est reconstituée en fait, sans en avoir le nom, l’ossature des nouvelles forces armées japonaises. Elles reçoivent pour mission de « défendre l’État contre toute action directe et indirecte afin de conserver son indépendance et d’assurer sa sécurité ». Le traité de coopération et de sécurité mutuelle, signé le 19 janvier 1960 avec les États-Unis, marque un nouveau pas dans la participation japonaise à la sécurité en Extrême-Orient. C’est une alliance militaire qui autorise les forces américaines à utiliser les bases quelles détiennent au Japon et stipule qu’une « agression armée contre l’une ou l’autre partie, sur les territoires administrés par le Japon, serait dangereuse pour sa paix et sa sécurité ». Chaque partie « agirait alors pour faire face au danger commun ». Ce traité rencontre une violente opposition dans l’opinion japonaise. Les dépenses militaires n’en passent pas moins de 160 milliards de yen en 1960 à 305 milliards en 1965 et à 380 milliards en 1968, sans entraîner pour autant une augmentation notable des effectifs, qui se limiteront encore à 250 000 hommes en 1969.