Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Japon (suite)

• 1894. À la suite d’un différend au sujet de la Corée, les forces japonaises débarquent en Chine. Après avoir remporté une bataille navale dans le golfe de Bohai (Po-hai) [anc. golfe du Petchili], les Japonais battent sur terre les Chinois, mal équipés et mal commandés et, en 1895, envahissent l’île de Taiwan. La Chine est obligée de s’incliner et de signer le traité de Shimonoseki, le 17 avril 1895. Celui-ci garantit l’indépendance de la Corée, le paiement d’une indemnité de guerre de 200 millions de taëls, la cession au Japon des îles Pescadores et Taiwan ainsi que de la presqu’île du Liaodong (Leao-tong), enfin l’ouverture au commerce nippon de nombreuses villes chinoises. Cependant, les puissances occidentales, mécontentes des conditions draconiennes imposées à la Chine, obligent le Japon à rétrocéder la presqu’île du Liaodong contre une indemnité supplémentaire. La Russie et le Japon s’affrontent alors diplomatiquement afin de faire triompher leur influence sur la Corée, désormais séparée de la Chine. En 1898, la Russie, à la suite de maladresses diplomatiques, se voit obligée de reconnaître la suprématie de l’influence japonaise en Corée. Le Japon fait désormais figure, sur le plan militaire comme sur le plan diplomatique, de puissance internationale.

Le gouvernement lance alors un vaste plan de développement précisé par le rapport Matsuoka, qui prévoit, outre l’accroissement de la puissance militaire du Japon et de ses fabrications, la création de nouvelles universités et l’adoption de l’enseignement gratuit et obligatoire. L’étalon-or est adopté pour toutes les transactions, dès 1897. Sur le plan de la politique intérieure, les partis s’affrontent et le socialisme commence à prendre une certaine importance. La situation est relativement instable.

• 1902. Après avoir aidé les puissances occidentales en Chine dans leur lutte contre les Boxers (sans toutefois se compromettre dans le sac de Pékin), le Japon conclut une alliance militaire avec l’Angleterre, effective pendant cinq ans, alliance nettement dirigée contre les tentatives russes en Corée, où le Japon prétend agir à sa guise. Après de nombreuses consultations et un semblant de repli, Nicolas II suspend l’évacuation de la Mandchourie par ses troupes et envoie 100 000 hommes en renfort, dont certains pénètrent en Corée. La guerre semble inévitable.

• 1904. Après un grand nombre d’échanges de notes diplomatiques entre Moscou et Tōkyō, le Japon attaque la marine russe, sans déclaration de guerre préalable, et bloque la flotte du tsar à Port-Arthur, tandis qu’une armée débarque à Chemulpo (ou On-č’ŏn) et dans le Liaodong pour tenter d’encercler la ville.

• 1905. Le général russe Stoessel (1848-1915), commandant la place de Port-Arthur, capitule. En Mandchourie, les troupes japonaises vont de victoire en victoire. La flotte russe de la Baltique, après un long voyage de circumnavigation, se fait prendre au piège tendu par la marine japonaise dans le détroit de Tsushima et, malgré la vaillance des marins russes, est décimée par les croiseurs lourds de l’amiral Tōgō (1847-1934). Le président des États-Unis, Théodore Roosevelt, offre sa médiation. Les négociations, longues et difficiles, ne sont qu’un demi-succès pour les Japonais, qui reçoivent l’accord russe pour leur installation en Corée et dans le Liadong, la souveraineté sur la partie sud de l’île de Sakhaline et le contrôle du tronçon sud du chemin de fer mandchourien. En revanche, Russes et Japonais s’engagent mutuellement à évacuer la Mandchourie dans les 18 mois (traité de Portsmouth, 5 sept. 1905). Des émeutes au Japon soulignent la profonde déconvenue du peuple. Itō Hirobumi (1841-1909) est nommé résident en Corée et se met en devoir de mettre ce pays à l’heure japonaise. Cependant, cette victoire japonaise à redonné confiance au peuple, et l’économie fait un énorme bond en avant. En politique, les libéraux arrivent au pouvoir, tandis que les partis progressistes et socialistes voient augmenter dans des proportions considérables le nombre de leurs adhérents. Puis c’est au tour des conservateurs de reprendre le pouvoir avec le cabinet quasi dictatorial du marquis Komura Jutarō (1855-1911). De nouveau, un cabinet de compromis, celui de Saionji, prend la succession (1911). La lutte est déjà ouverte entre les militaristes (qui demandent toujours plus de crédits et de troupes) et les libéraux, qui désirent la paix et un pouvoir civil. Les militaires finiront par l’emporter, et Saionji sera contraint de démissionner.

• 1912. Le 30 juillet, l’empereur Mutsuhito (qui sera désormais connu sous le nom de Meiji) s’éteint après une longue maladie. Son plus fidèle général, le comte Nogi (1849-1912), se suicide avec son épouse pour ne pas survivre à l’empereur, qu’il a servi durant toute sa vie. Le fils de Mutsuhito, Yoshihito, âgé de 33 ans, lui succède sur le trône. La situation politique n’en change pas pour autant. Après une tentative libérale, l’empereur rappelle Katsura Tarō (1847-1913) au pouvoir. Celui-ci tente d’imposer un pouvoir autoritaire, mais se heurte à de nombreuses oppositions, celle des partis et celle de la marine. À la mort de Katsura, c’est l’amiral Yamamoto (1884-1943) qui est chargé de former le nouveau gouvernement. Le jeu de bascule des partis continue, sans apporter la stabilité attendue.

• 1913. Des incidents en Chine incitent le Japon à y faire des « opérations de police », que les grandes puissances européennes, occupées par d’autres problèmes, n’osent pas désapprouver.

• 1914. Après quelques passes diplomatiques avec l’Allemagne, le Japon entre en guerre aux côtés des Alliés, ce qui lui permet d’avoir les mains libres en Chine, où il reprend les concessions allemandes.

• 1915. À la demande d’évacuation du territoire chinois formulée par Yuan Shikai (Yuan Che-k’ai), le Japon répond par un ultimatum en 21 points qui n’est autre qu’un diktat militaire. En mai, la Chine est obligée de céder. Au Japon, la caste militaire triomphe. Elle tente d’obtenir des puissances alliées la reconnaissance de ses droits en Chine et la neutralité de la Russie.

• 1917. Le régime tsariste s’effondre, et le gouvernement provisoire russe ne reconnaît pas les accords passés avec le tsar. En avril, les États-Unis entrent en guerre ; ils se méfient des entreprises japonaises, qui contrecarrent les leurs. La Chine entre elle aussi en guerre aux côtés des Alliés, ce qui met le Japon dans une position difficile pour les négociations de paix.