Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Japon (suite)

• 1159-1160. Le chef du clan Taira, Kiyomori, ayant pris fait et cause pour l’ex-empereur Go-Shirakawa, à la suite d’une absence, est dépossédé par les Minamoto. Le jeune empereur déposé par ceux-ci se réfugie auprès de Kiyomori. Cet incident met le feu aux poudres, et la bataille commence entre les Taira et les Minamoto dans les rues mêmes de Kyōto. Le clan Taira, vainqueur, décime les vaincus, multipliant les exécutions, n’épargnant que quelques enfants.

• 1167. Taira no Kiyomori devient chancelier de l’Empire. La puissance de son clan semble incontestée. Mais Kiyomori, par sa dureté, ses exécutions et surtout sa haine des moines, s’attire la réprobation d’une grande partie de la population.

• 1177. Le feu ravage la capitale.

• 1180. Un Minamoto, Yorimasa, tente de soulever les partisans des Minamoto contre les Taira, mais échoue et est tué à la bataille du pont d’Uji. La ville de Kyōto est sans cesse troublée. Des famines se déclarent dans le pays central, les bandits profitent des troubles pour piller en bandes jusque dans le cœur de la cité impériale... Kiyomori meurt en 1181, alors que le jeune chef du clan des Minamoto, exilé dans l’Est, commence de réunir autour de lui ses partisans...

• 1182. La famine est telle dans le centre et l’est du Japon que les hostilités entre les Minamoto et les Taira doivent être suspendues. Les soldats Taira, plus défavorisés que ceux des Minamoto (la sécheresse a moins sévi dans l’Est que sur les côtes de la mer Intérieure), sont affaiblis. Dès 1183, la guerre reprend, à l’avantage des Minamoto cette fois, qui sont vainqueurs sur presque tous les fronts. Leurs succès leur apportent des partisans de plus en plus nombreux.

• 1185. En avril, les soldats Minamoto, après avoir remporté une première victoire sur la côte, attaquent la flotte des Taira près du détroit de Shimonoseki, à Dan-no-ura. Les Taira, drossés par la marée sur les récifs de la côte, sont vaincus. Le jeune empereur Antoku, qui a suivi le sort des Taira, meurt noyé ; avec lui sont perdus une partie des insignes impériaux. Cette victoire voit l’élimination définitive du clan des Taira par Minamoto no Yoritomo (1147-1199) et son frère, le génial général Yoshitsune (1159-1189). Yoritomo établit son « gouvernement sous la tente » (bakufu) à Kamakura, au cœur des possessions des Minamoto. Mais Yoshitsune intrigue avec la Cour. Son frère le hait à cause de ses succès et de sa popularité. Obligé de s’enfuir, Yoshitsune se réfugie chez des Fujiwara de l’extrême nord du Japon.

• 1189. L’occasion est trop bonne pour Yoritomo, qui voit dans cette situation l’opportunité d’éliminer son frère gênant et de confisquer aux Fujiwara les immenses territoires du Nord. Devant l’avance de l’armée Minamoto, un des Fujiwara trahit Yoshitsune, qui se donne la mort. Les provinces du Nord tombent sous la coupe de Yoritomo, qui devient le seigneur le plus puissant du Japon. Il sera nommé par l’empereur Seii-taishōgun, c’est-à-dire « généralissime contre les barbares ». L’histoire ne retiendra que le titre de shōgun, qui équivaut à celui de dictateur militaire. La légende s’est emparée des hauts faits d’armes des Taira (ou Heike) et des Minamoto (ou Genji) et surtout des épisodes de la lutte entre Yoritomo et son frère Yoshitsune, pour en faire des chansons de geste qui ont encore de nos jours une popularité immense. La glorieuse période des Fujiwara se termine par une série de désastres. L’empereur régnant à Kyōto n’a plus la moindre autorité, et c’est désormais Minamoto no Yoritomo qui, de la capitale du bakufu à Kamakura, dicte ses ordres au pays tout entier. Celui-ci est ruiné, affamé, près de sombrer dans l’anarchie. Yoritomo, cependant, a l’estime de ses soldats, qui obéissent tous à la « Voie de l’arc et du cheval » (Kyūba-no-michi), sorte de code de chevalerie non écrit et qui les lie de manière indéfectible à leur seigneur. Celui-ci, avec l’aide de ces premiers véritables samurai, va devoir accomplir une tâche difficile : celle de redonner au Japon, avec l’unité, une prospérité qu’il a perdue, une âme nouvelle et un gouvernement juste et fort. Il s’y attelle et, à partir de 1192, après avoir mis fin au régime des « empereurs retirés », règne de manière autoritaire et sans partage.


La période de Kamakura (1185/1192-1333)

Dès 1181, Minamoto no Yoritomo établit sur ses terres, dans son fief de Kamakura (qu’il a étendu en faisant des réquisitions et en confisquant « au nom de l’empereur » les terres des seigneurs qui, selon lui, n’agissaient pas de manière favorable au souverain), un bakufu et crée quelques « bureaux administratifs » selon ses conceptions. Le samurai-dokoro est chargé des relations de Yoritomo avec ses vassaux, lève les troupes chez les vassaux et unit sous une même discipline tous les guerriers fidèles à Yoritomo. En 1184, il crée un kumonjo chargé de faire la justice entre les vassaux et un monchūjo chargé de la justice civile. Cette société féodale (ou plutôt préféodale) est fondée sur les relations de fidélité et d’assistance qui existent entre Yoritomo, ses grands vassaux et les vassaux de ceux-ci. La paysannerie est plus libre que sous le régime des Fujiwara : les paysans peuvent posséder la terre qu’ils cultivent, mais sont néanmoins soumis à la classe dirigeante, celle des guerriers, ou samurai. Des sortes d’intendants (shugo) représentent le shōgun dans chaque État vassal et, à partir de 1192, un tandai (grand représentant) est placé à Kyōto afin de surveiller la Cour et les nobles.

• 1186. Yoritomo se sent assez fort pour imposer à la Cour un homme en qui il a confiance, Fujiwara no Kanezane, en tant que régent. Bien que se montrant respectueux du pouvoir impérial, Yoritomo désire tenir la Cour en tutelle. Aussi reprend-il à son compte la politique des mariages inaugurée par les Fujiwara.

• 1192. Aidé par Kanezane. Yoritomo réussit enfin à se débarrasser des derniers ennemis qu’il a à la Cour et, devenu l’homme le plus puissant du Japon, reçoit de l’empereur le titre de shōgun, qui lui confère une sorte de légitimité de commandement sur les autres seigneurs. Désormais, tous ceux qui voudront se rebeller contre Yoritomo pourront être châtiés « au nom de l’empereur ».

• 1195. Yoritomo se rend personnellement à Kyōto, accompagné de troupes nombreuses et bien équipées, peut-être afin d’impressionner l’empereur et la Cour. Mais cela n’empêche pas un des ennemis de Kanezane de renverser celui-ci et de comploter afin de restaurer le pouvoir impérial. Yoritomo ne réagit pas, on ignore pourquoi.

• 1199. Yoritomo meurt des suites d’une chute de cheval. Son bakufu n’en est cependant pas compromis, les lois édictées par le premier des shōgun étant respectées et la société fortement structurée, bien encadrée par les seigneurs fidèles au bakufu. Un seigneur Hōjō (apparenté aux Taira), beau-père de Yoritomo, assure la présidence d’un Conseil de régence.