Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

anévrisme

Dilatation d’un vaisseau sanguin. Il existe des anévrismes artériels, veineux et artério-veineux. On parle aussi d’anévrismes du cœur.



Anévrismes artériels ou artériectasies

Un anévrisme artériel ne se produit que s’il existe une altération de la média, couche résistante de la paroi artérielle. (V. artère.) Cette altération était considérée il y a cinquante ans comme étant presque toujours d’origine syphilitique. Aujourd’hui, la syphilis tertiaire est devenue plus rare, et son diagnostic n’est plus porté abusivement grâce à l’appoint de la biologie. Les anévrismes syphilitiques sont rares et ne sont guère vus qu’au niveau de la crosse aortique.

La cause la plus fréquente de l’anévrisme artériel est l’artériosclérose, ou athérome. Ses localisations les plus fréquentes sont l’aorte abdominale, l’artère poplitée, et même l’aorte thoracique.

Les autres maladies de la média artère sont beaucoup plus rares. Ce sont :
— soit des affections congénitales du tissu élastique : arachnodactylie (maladie de Marfan), élastorrhexie (syndrome de Groenblad-Strandberg) ;
— soit des malformations localisées. C’est le cas de la plupart des anévrismes artériels crâniens qui se développent là où naissaient chez l’embryon des artères collatérales disparues au cours du développement. On parle alors d’anévrismes vestigiaux. C’est le cas également des anévrismes du sinus de Valsava (premier centimètre de l’aorte) ;
— soit des affections acquises, artérite allergique, périartérite noueuse, artérite bactérienne donnant des anévrismes « mycotiques », selon un terme anglo-saxon importé.

Quant au traumatisme, il peut provoquer un anévrisme sur une artère saine et a fortiori sur une artère athéromateuse. Les traumatismes répétés en un même point, tels qu’en donne le contact d’une artère sur un relief osseux pathologique, ou tels que le réalise le jet systolique qui gicle sur la paroi en aval d’une sténose, peuvent entraîner une ectasie par usure de la média.

Un traumatisme unique entraînant une rupture de l’intima et de la média avec soufflure de l’adventice, comme on le voit sur l’aorte thoracique, une rupture complète de l’artère avec formation d’un hématome, comme on le voit sur les membres, peut aussi être à l’origine d’un anévrisme. Dans ce dernier cas, le sac anévrismal est formé uniquement de caillots organisés, et ne contient plus aucun élément de la paroi artérielle primitive : c’est un « faux anévrisme ». À l’opposé, les autres anévrismes artériels, dits « vrais », sont limités par un sac formé par la paroi artérielle refoulée.

Anévrismes artériels vrais ou faux peuvent être sacciformes ou fusiformes, selon leur disposition latérale ou axiale par rapport à l’artère. Les anévrismes fusiformes sont les plus fréquents ; il existe d’ailleurs tous les intermédiaires entre eux et les méga-artères athéromateuses.

Citons encore l’anévrisme disséquant de Laennec, plus souvent appelé hématome disséquant ou dissection aortique parce qu’il frappe presque exclusivement l’aorte*. Il est caractérisé par un clivage longitudinal de la média altérée (média nécrose). Le sang occupe la cavité du clivage à partir d’une déchirure de l’intima, qui siège habituellement sur la partie initiale de l’aorte. Par sa pression, il étend la dissection en longueur et souffle les couches externes jusqu’à entraîner leur rupture. Parfois, le sang qui a cheminé dans la dissection rejoint la lumière aortique plus loin, grâce à une autre déchirure intimale.

Le contenu des anévrismes est du sang parfois totalement fluide, plus souvent en grande partie thrombosé, surtout dès que l’anévrisme est large.

Au niveau d’un anévrisme, la circulation sanguine est perturbée par le brusque changement de calibre. L’écoulement, de laminaire, devient turbulent, avec des zones de stase, d’où les thromboses. Les tourbillons entraînent la formation d’un souffle audible à l’auscultation et d’un frémissement (ou « thrill ») palpable, qui est la traduction tactile de la vibration sonore.

Le devenir inéluctable d’un anévrisme est d’augmenter de volume, et ce d’autant plus qu’il est déjà plus important (selon la loi de Laplace, la force pressante reçue par les parois est proportionnelle au rayon) ; plus un anévrisme croît, plus il provoque de complications :
— compression ou érosion des organes voisins ;
— migration d’un caillot soit à distance en aval, entraînant un accident ischémique localisé distal, soit à l’intérieur de l’anévrisme, entraînant la thrombose massive de celui-ci et l’ischémie de tout le territoire d’aval ;
— rupture dans un organe creux, une cavité séreuse ou les tissus voisins, entraînant la mort par l’importance de l’hémorragie (anévrisme aortique) ou l’infarcissement de tissus vitaux (anévrisme intracrânien).


Traitement

Il est essentiellement chirurgical. Cependant, tous les anévrismes artériels ne peuvent être opérés. La cure poursuit deux buts : la déconnexion de la poche et la restauration de la continuité artérielle.

Pour déconnecter de la circulation et au besoin extirper un anévrisme, on peut le disséquer entièrement des tissus voisins et lier soit son collet, s’il s’agit d’un rare anévrisme sacciforme à collet étroit, soit tous les vaisseaux afférents ou efférents, ce qui interrompt le courant sanguin. Matas, de La Nouvelle-Orléans, a montré dès 1888 que l’on pouvait éviter cette dissection, souvent inutile et dangereuse pour les éléments voisins, en ouvrant d’emblée la poche et en suturant de l’intérieur soit son collet (endoanévrismoraphie restauratrice), soit tous les orifices vasculaires (endoanévrismoraphie oblitérante). Il est rare qu’une opération restauratrice ait pu être pratiquée, et les nécessités circulatoires locales imposent souvent la reconstruction de l’axe artériel où siégeait l’anévrisme au moyen d’une autogreffe veineuse, d’une homogreffe artérielle ou d’une prothèse en Dacron.