Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Japon (suite)

L’Ouest

Si on franchit l’échiné de hauteurs moyennes courant depuis la baie de Wakasa, sur la mer du Japon, jusqu’à celle d’Ise, sur le Pacifique, on entre à l’ouest dans un milieu naturel bien différent. Le relief s’adoucit et se morcelle : les grands horizons des plaines sont ici absents, de même que les hauteurs majestueuses du mont Fuji ou des monts Hida. Les plaines demeurent à l’échelle humaine, cernées de montagnes peu élevées. Le climat est lui aussi plus modéré, à l’exception des typhons qui ravagent les côtes à la fin de l’été. L’hiver reste doux, et la neige est presque absente. Lumière et chaleur s’affirment ici avec plus de force et, pour chacun ici, l’Ouest a une résonance tiède et lumineuse.

Trois régions naturelles — parallèles, longitudinales — peuvent y être distinguées. Le littoral de la mer du Japon prolonge à l’ouest sur 500 km le milieu naturel du Hokuriku, d’une façon moins excessive toutefois. C’est le Sanin (9), où une succession de petites plaines très isolées, séparées de courts promontoires (souvent émiettés au large en îlots et récifs) où s’accrochent quelques pins, reçoit en hiver au moins un mètre de neige. La chaîne axiale du Chūgoku isole cette région du bassin de la mer Intérieure (10), qui forme un ensemble de rivages et d’îles très homogène s’étendant sur 450 km de long environ, depuis la plaine du Kansai jusqu’au nord de Kyūshū, et 60 km de large environ. La sécheresse estivale et la clémence des hivers, la présence de la mer qui ferme tous les horizons confèrent une grande douceur à ces paysages, où l’olivier apparaît parfois.

Au sud, groupant les sections méridionales de la presqu’île de Kii, de Shikoku et de Kyūshū, s’étend le Japon pénétropical (11), à tous égards un monde à part au sein de l’archipel. Des plaines peu étendues alternent avec des hauteurs abruptes et massives (monts de Totsugawa, de Kōchi, de Miyazaki) souvent volcaniques (Aso, Kirishima), couvertes d’épaisses forêts ou portant des sortes de pâturages. Sur la côte, des plages étroites succèdent à de hautes falaises battues des typhons.

Dans le sud de Kyūshū, la mer a envahi un champ de fractures, et le sud-ouest de l’archipel s’émiette littéralement dans la mer. Le climat surtout individualise cette région. Un été chaud et prolongé est la saison dominante ; il est très pluvieux et se termine en catastrophe avec la visite des typhons. L’hiver est doux, le printemps précoce. Une végétation exubérante règne dans les creux, caractérisée par le magnolia, le palmier et le bananier (qui ne porte pas de fruits). La proximité de la mer, l’absence presque totale de neige, l’uniforme touffeur qui règne de mai à octobre achèvent de définir un milieu naturel véritablement original au Japon. Vers Fukuoka, la neige hivernale réapparaît, tandis que persistent les caractères estivaux ; cette région se soude ici directement au Sanin, encadrant complètement avec celui-ci le bassin de la mer Intérieure.

J. P.-M.


Les hommes


Les conditions démographiques

Le Japon a atteint les 100 millions d’habitants en juillet 1967, et sa densité de peuplement (280) est l’une des plus élevées du monde. Toutefois, étant donné que cette population se trouve concentrée sur les quelque 80 000 km2 de plaines que compte l’archipel, le taux réel avoisine 1 300 habitants au kilomètre carré, chiffre le plus élevé du monde pour les nations de plus de 20 millions d’habitants. Le spectre du surpeuplement a hanté de tout temps le peuple japonais, qui a, au cours des siècles, élaboré plusieurs palliatifs.


La lutte contre le surpeuplement

L’échec de la politique coloniale en 1945, forçant quelque 6 millions de Japonais d’outre-mer à rentrer chez eux, a donné une grande force à une pratique qui existait empiriquement à l’époque féodale : la réduction volontaire des naissances. La loi eugénique de 1948, appliquée largement, permet l’avortement, la stérilisation des femmes et préconise les pratiques contraceptives. Aussi le taux de natalité est-il passé de 34,3 p. 1 000 en 1925, et encore en 1947, à 19,3 en 1955 et 17 en 1960. Bien que le taux de mortalité ait lui-même baissé (de 19,2 p. 1 000 en 1925 à 7,8), depuis 1965 le taux de l’accroissement naturel annuel est inférieur à 1 p. 100.

Une autre parade classique au surpeuplement est la conquête de terres nouvelles. Bloqué entre la mer et la montagne, le Japon utile ne peut s’étendre qu’aux dépens de l’une ou de l’autre. Sur la première, il a entrepris de vastes atterrissements dans les baies du Pacifique (surtout Tōkyō, Nagoya, Ōsaka, Kojima, Ariake à Kyūshū), aussitôt convertis en rizières ou voués à la grande industrie. Des lagunes, ainsi celle de Hachirōgata près d’Akita (Tōhoku du Nord-Ouest), de 223 km2, ont été également conquises à la culture. De grands chantiers d’irrigation ont de tout temps marqué le paysage rural, l’un des plus importants ayant été, à l’époque féodale, le creusement de puits profonds dans la région de Musashino, voisine de Tōkyō. En montagne, des villages d’éleveurs ont été taillés aux dépens de la « hara » ou sur les plus hautes terrasses, ainsi dans le Tōhoku ou la région d’Izu (Tōkai). L’essor de l’élevage des bovins depuis la guerre a d’ailleurs favorisé l’occupation des hauteurs moyennes, dans les régions de Tōkyō, Ōsaka, Okayama et Kagoshima notamment.

C’est toutefois la conquête de Hokkaidō, entreprise par le gouvernement de Meiji dès 1868 pour faire face à l’avance russe en Extrême-Orient, qui constitue la tentative la plus remarquable à cet égard. Cette île froide et désolée fut systématiquement occupée et défrichée par des soldats-colons, puis par des agriculteurs venus des régions les plus peuplées des trois autres îles et auxquels l’État accordait des facilités. Quelque 6 millions de Japonais y vivent à présent, et le front pionnier progresse encore dans la région du Nord-Est, la plus ingrate au demeurant.

Pour le Japonais, se rendre à Hokkaidō constitue presque une émigration, l’île ne se rattachant en rien aux traditions ou aux paysages nationaux. C’est avec plus de larmes encore qu’il a dû s’arracher, depuis un siècle notamment, à sa terre natale pour aller vivre à l’étranger. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale toutefois, ce mouvement s’est bien ralenti et a virtuellement cessé, en raison de certains refus (Australie, Amérique du Nord) et surtout de l’élévation du niveau de vie, qui rend cet exode aujourd’hui inutile. En Amérique latine, toutefois, 16 000 émigrants se sont établis de 1947 à 1956, et de prospères colonies d’origine nippone s’observent, notamment au Brésil, autour de São Paulo.