Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

James (William) (suite)

La psychologie de James et surtout les fondements philosophiques ont servi à justifier sur le plan de la théorie une étude expérimentale de la psychologie humaine, étude essentiellement comportementaliste (v. béhaviorisme). Dépassée, cette théorie a eu ainsi sa place dans l’histoire des idées et de la science. Le mérite de James est d’avoir formulé en termes clairs une conception de l’attitude de l’homme face à la connaissance, et qui subsiste au moins à titre de référence : le pragmatisme.

Quelques œuvres de William James

The Principles of Psychology (1890) ;
The Varieties of Religious Experience (1902) ;
Pragmatism (1907) ;
The Meaning of the Truth (1909) ;
Some Problems of Philosophy (posthume).

D. C.

 E. Boutroux, William James (A. Colin, 1911). / T. Flournoy, la Philosophie de William James (Fischbacher, 1911). / H. Reverdin, la Notion d’expérience d’après William James (Georg, Genève, 1913). / M. Le Breton, la Personnalité de William James (Hachette, 1929). / A. J. Reck, William James (trad. de l’angl., Seghers, 1967).


Quelques notions utiles


empirisme,

doctrine philosophique qui n’admet pas que l’homme ait en lui (de façon innée) de principe de la connaissance et qui fonde la connaissance sur l’expérience. À l’empirisme, on rattache généralement les noms des philosophes J. Locke* et Herbert Spencer (1820-1903).


intellectualisme,

doctrine selon laquelle tout ce qui existe, et notamment aux yeux de James tout ce qui est vécu ou éprouvé par l’homme dans son comportement, est réductible à ses idées, c’est-à-dire à des représentations de l’esprit et à des opérations logiques entre ces représentations.


nominalisme,

doctrine philosophique du début du xxe s., aux termes de laquelle la notion de vérité, conçue comme adéquation entre la réalité extérieure et la représentation que s’en fait l’homme, est remplacée par celle de convention, où la part d’arbitraire entre le réel extérieur et le perçu par l’homme est mise en avant au nom de la commodité momentanée, de la réussite actuelle et toujours révocable de cette convention. (Cette doctrine est généralement rattachée au philosophe français Édouard Le Roy [1870-1954])


positivisme,

ensemble de doctrines qui se rattachent plus ou moins étroitement à Auguste Comte*, selon lesquelles seule compte la connaissance des faits par l’expérience, et selon lesquelles l’esprit humain ne peut atteindre de vérité qu’au travers de relations et de lois entre des faits qu’il a tous repérés, analysés, voire reproduits, au sein d’une expérience scientifique. Au positivisme ainsi conçu peuvent se rattacher Stuart Mill*, Littré*, Taine* et Renan*.

James (Henry)

Romancier anglais d’origine américaine (New York 1843 - Londres 1916).



« Je me rappelle sans effort quelle irrésistible nostalgie m’a ramené en Europe... »

Précédant T. S. Eliot, appelé un peu plus tard à révolutionner l’art poétique en Angleterre, voici H. James, qui, lui, va faire prendre son tournant décisif au roman anglais. Avec Joseph Conrad, il incarne dans ce domaine le souffle étranger. Les deux hommes ne s’ignorent d’ailleurs pas. Leur technique offre même une certaine similitude. Mais on ne saurait aller plus loin. Il faut à l’ancien capitaine au long cours le cadre des « Sept Mers ». H. James réussit le paradoxe du cosmopolitisme en vase clos. Ce cosmopolitisme, il le doit à son père. Ce personnage, riche, pittoresque, quelque peu utopiste, se révèle réfractaire à tous les conformismes. D’humeur pérégrine, il promène des années entières ses quatre fils et sa fille à travers une Europe dont il réunit en une fervente admiration philosophes (Swedenborg, Fourier ou Carlyle) et romanciers, de Dickens à Balzac ou de G. Sand à G. Eliot. H. James junior partage intensément la passion paternelle pour le Vieux Continent, où il séjourne presque sans discontinuer de 1855 à 1860, poursuivant tour à tour ses études en Suisse, en Allemagne et en France. À partir de 1869, les traversées de l’Atlantique vont se multiplier. Parallèlement se relâchent de plus en plus les liens qui le rattachent encore au pays natal. Le scandale causé par son Hawthorne (1879) le fait soupirer sur la « mélancolique révélation de la vanité irascible, la vulgarité et l’ignorance » de ses compatriotes, peu portés à apprécier d’autre part la satire des Bostonians (1886). Accueilli à bras ouverts en 1906, après vingt ans d’absence, il déplore néanmoins (The American Scene, 1907) l’esprit matérialiste à l’origine de la prospérité de « ce Nouveau Monde » dont il n’a « que faire ». Sa carrière littéraire se passe véritablement en Angleterre. Et, en 1915, à la veille de sa mort, il prend la nationalité anglaise. Parce qu’à Londres « on y jette l’ancre pour la vie ».


« La sensation profondément délectable du changement... »

À la suite d’H. James, fortunés et nostalgiques du Vieux Monde, ses héros franchissent l’Océan. Sensation délicieuse du changement. « L’Europe étant le grand sédatif pour les Américains » (The Wings of the Dove [les Ailes de la colombe], 1902), à son arrivée en Angleterre, Strether (The Ambassadors, 1903) savoure l’expérience nouvelle comme un homme « tout à la joie de découvrir dans sa poche une fortune insolite ». Une si parfaite naïveté prépare de non moins parfaites désillusions, et des souffrances. H. James, d’une manière tantôt consciente, tantôt involontaire, rend très bien le déchirement de l’Américain avide de culture, irrésistiblement attiré par l’aura magique d’un art de vivre, mais rebuté par une certaine sclérose, une étroitesse d’esprit et de mœurs. Passé le premier moment d’enchantement de The Passionate Pilgrim (1871), par exemple, viennent les douloureuses expériences. Le talent s’annihibe dans l’atmosphère de Florence pour le peintre Theobald (The Madonna of the Future and Other Tales, 1879). Il se détruit dans les délices de Rome pour le sculpteur Roderick Hudson (1875). Les jeunes Américaines de la Nouvelle-Angleterre n’arrivent pas à trouver le mode d’emploi des aristocrates français (Madame de Mauves, 1874), tandis que les Américains, trop européanisés et pervertis, se révèlent incapables de rétablir le contact avec le Nouveau Continent (The Europeans, 1878). La vision simpliste d’une Europe de perdition née d’une réaction épidermique ne cesse toutefois de se nuancer en s’élargissant. Si la jeune Daisy Miller (1878) reste encore le symbole inoubliable de l’innocence américaine en butte à la mesquinerie européenne, Newman (The American, 1877) et Francie (The Reverberator, 1888) sortent meurtris sans doute, mais enrichis de ce redoutable ordeal. Au feu des préjugés, de l’hypocrisie, ils s’épurent et grandissent moralement. Depuis 1881, l’Europe n’occupe plus le premier plan. Le regard scrute davantage l’âme. L’intérêt se porte sur l’épreuve personnelle, et l’œuvre atteint ainsi son couronnement au travers de l’aventure singulière d’Isabel (The Portrait of a Lady [Un portrait de femme], 1881), de Strether (The Ambassadors) et de Maggie (The Golden Bowl [la Coupe d’or], 1904).