Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Jamaïque (suite)

L’économie


L’évolution

L’économie est relativement diversifiée. Elle repose sur des cultures commerciales destinées à l’exportation (canne à sucre, banane), sur l’extraction de la bauxite surtout, sur une gamme variée d’industries différenciées et sur le tourisme international. L’agriculture n’assure plus que 9 p. 100 du produit intérieur brut (P. I. B.), alors qu’elle occupe plus de 30 p. 100 de la population active. Cette disproportion explique la pauvreté des campagnes et l’exode rural. À l’opposé, les industries de la bauxite forment près de 12 p. 100 du P. I. B., n’employant que 3 p. 100 des actifs. Les ressources provenant de ce secteur permettent au gouvernement de financer les équipements collectifs (éducation, santé, communications, énergie) et d’aider le développement des industries différenciées. Celles-ci connaissent un essor considérable depuis la Seconde Guerre mondiale. Elles représentent 15 p. 100 du P. I. B., sans la construction, et près de 29 p. 100 avec la construction, l’électricité et l’eau. Elles emploient aussi environ 15 p. 100 de la population active. Le secteur tertiaire, avec 51 p. 100 du P. I. B. (10 p. 100 pour le seul secteur touristique, en expansion, bien que déjà développé), occupe une place importante ; mais, par rapport à d’autres pays sous-développés, celle-ci n’apparaît pas énorme. Cependant, la multiplication des petites activités de service trahit le sous-développement du pays.

L’évolution de la production nationale est satisfaisante. De 1963 à 1969, le P. I. B. s’est accru de 62 p. 100, et l’on prévoit qu’il doublera en dix ans, entre 1963 et la fin de 1973. Mais, la Jamaïque étant partie d’un niveau très bas de développement, il lui faudra encore déployer des efforts considérables pour atteindre un niveau satisfaisant. Le développement économique et social est orienté par des plans quinquennaux qui procèdent par des incitations financières, le gouvernement prenant une part de plus en plus importante dans les investissements, suppléant ainsi les capitaux privés défaillants. L’option économique fondamentale reste cependant libérale, et il est largement fait appel à l’aide étrangère, anglo-saxonne surtout.


Les principales activités

• Les cultures. La production de sucre s’est élevée à 430 000 t en 1971. Les régions productrices se localisent dans les plaines périphériques du plateau karstique. La culture de la canne est pour moitié entre les mains de grosses sociétés britanniques, le reste étant morcelé entre 24 500 petits cultivateurs, dont les moyens de production et les rendements sont très insuffisants (la moitié d’entre eux ne produisent que 20 t de canne par an). L’usinage de la canne est aux mains des sociétés ; le nombre de centrales a été réduit à douze, et la concentration doit se poursuivre pour atteindre une meilleure rentabilité.

La production sucrière, qui permet 20 p. 100 des exportations et qui fait vivre plus de la moitié de la population paysanne et des régions entières, connaît une crise grave. Le prix du sucre (dont les trois quarts sont vendus en Grande-Bretagne) est trop bas et tend encore à baisser ; les grosses sociétés sont déficitaires. Trop d’archaïsmes agro-techniques subsistent ; il faudrait entreprendre un effort considérable de modernisation. La structure foncière envenime les rapports entre planteurs et sociétés ; les salaires payés sont bas ; les grèves sont fréquentes et alourdissent le bilan financier. À cela s’est ajoutée une succession d’années sèches, qui ont diminué les rendements. C’est pourquoi les sociétés procèdent actuellement à la vente de leur domaine foncier ; celui-ci est racheté par l’État, qui a compris la nécessité de réformes profondes, première étape indispensable au remodelage complet de cette activité. La production bananière, qui se localise dans les régions humides du Nord, n’est pas dans une situation meilleure. Elle a diminué (200 000 t exportées en 1963, 134 000 t en 1969). Elle souffre de la concurrence de l’Équateur et des pays africains sur les marchés européens, en dépit des efforts du Banana Board pour la rendre plus rentable. Elle assure environ 7 p. 100 des exportations. Les agrumes (2,7 p. 100 des exportations) sont cultivés dans les dépressions du plateau karstique ; la demande est soutenue, et les plantations s’étendent. Par contre, les cocoteraies, localisées sur les côtes nord et est, ont été dévastées par les cyclones et une maladie d’origine inconnue ; la production de coprah (15 000 t) couvre à peine les besoins de l’industrie locale. On produit aussi 2 500 t de café de haute qualité (le Blue Mountains Coffee) et 2 000 t de cacao. À ces cultures commerciales secondaires s’ajoutent encore le pimiento, le gingembre, le tabac, des fruits tropicaux variés, qui alimentent les conserveries locales. L’ensemble des cultures commerciales représente aujourd’hui un tiers de la valeur totale des exportations, proportion qui diminue régulièrement.

Les productions agricoles pour la consommation intérieure sont très déficitaires, et l’on importe autant, en valeur, de produits agricoles qu’il en est exporté. L’élevage moderne des bovins pour le lait et la viande s’est développé sur le plateau, mais, d’une manière générale, la production de protéines animales est insuffisante, de même que celle de céréales (riz, maïs, etc.) et de légumes.

La situation de l’agriculture est préoccupante. La structure foncière est déséquilibrée. Si plus de 150 000 exploitations de moins de 2 ha ne couvrent qu’un tiers des terres cultivées, 1 130 domaines de plus de 200 ha en occupent 56 p. 100. Bien des terres des grands domaines sont sous-exploitées, alors que le petit paysan manque de terres. Le déboisement, l’érosion ravagent les sols.

Entreprise en 1950, l’action gouvernementale en faveur de l’agriculture s’est précisée ces dernières années. Deux opérations de rénovation intégrale ont été lancées : l’une dans la vallée de la Yallahs, dans les Montagnes Bleues ; l’autre dans le centre du plateau, autour de Christiana. L’État s’efforce de favoriser la petite et la moyenne exploitation, de lutter contre la sous-exploitation des latifundia, de régulariser les marchés agricoles ; il rachète des grands domaines pour les lotir entre de petits exploitants. Cependant, il faudrait des capitaux considérables, qui font défaut, pour mener à bien la modernisation et atteindre une élévation suffisante du niveau de vie des campagnes.