Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

anesthésie (suite)

La neuroleptanalgésie

C’est un état particulier — et qui permet des opérations chirurgicales majeures — produit par l’administration le plus souvent intraveineuse de nouveaux et puissants agents analgésiques, associés à des sédatifs non moins puissants. Le sommeil profond n’est pas nécessaire ni recherché. Le malade se « désintéresse » de l’activité chirurgicale dont il est l’objet. En cas de besoin, de petites doses de narcotiques lui procurent un sommeil léger aisément interrompu par une stimulation sensorielle, telle que la voix de son anesthésiste. Il n’y a pas de dépression respiratoire véritable ; un ordre provoque aisément une respiration ample et efficace.

Les agents utilisés ont changé fréquemment pendant les dix dernières années, et la quête pour l’agent parfait se poursuit, comme pour les barbituriques. Actuellement, la faveur va à la phénopéridine et au fentanyl, analgésiques, ainsi qu’au déhydrobenzpéridol (de la série des butyrophénones), comme tranquillisant et catatonique.

La chlorpromazine est l’aboutissement (1950) de longues recherches de Paul Charpentier (Rhône-Poulenc Specia).

En association (ou cocktail lytique, ou mélange Ml) avec la prométhazine (connue depuis 1945 comme antihistaminique*), elle a été à l’origine des multiples variétés d’anesthésie « potentialisée » ou d’anesthésie « sans anesthésique », proposées au fur et à mesure des progrès de la pharmacologie. Associée elle-même à l’hypothermie provoquée, cette combinaison a donné naissance à l’hibernation* artificielle.

La chlorpromazine inhibe pratiquement toutes les cellules (effet narcobiotique de Decourt), et notamment la formation réticulée du cerveau. Elle ne touche pas le cortex cérébral, bien qu’elle provoque un état de somnolence et qu’elle annule l’anxiété. Contrairement aux barbituriques, elle respecte les tracés électro-encéphalographiques, même quand le sujet s’endort.

Elle déprime les centres de régulation thermique, ce qui explique son emploi en hypothermie provoquée. L’appareil respiratoire réagit habituellement à l’abaissement du métabolisme par une réduction de la ventilation. La dépression du système circulatoire est du même ordre : l’hypotension est constante ; elle est liée à la vasoplégie périphérique, à la neutralisation des effets de l’adrénaline* normalement sécrétée par tout organisme qui se défend (blocage des α-récepteurs), et cela aussi bien à la périphérie que dans le territoire splanchnique, jouant ainsi un rôle « protecteur » à l’égard des symptômes du choc, du moins préventivement.

La chlorpromazine potentialise les effets des anesthésiques et des analgésiques les plus divers, des hypnotiques et des curarisants.

Le chlorhydrate de prométhazine est un hypnotique assez puissant, et il potentialise les barbiturates. Ses autres effets sont assez voisins de ceux de la chlorpromazine, et les complètent heureusement.

Il est surtout employé en préanesthésie (ou prémédication), mais il peut rendre service dans un grand nombre de conditions. En dehors de son rôle dans l’anesthésie potentialisée chirurgicale, il a été mis en œuvre pour calmer les enfants subissant des examens pénibles, pour atténuer le hoquet pendant une opération, ou dans les heures suivantes, pour soulager les douleurs de l’accouchement (associé à la péthidine).

J. V.


Les appareils d’anesthésie et de réanimation

Le premier « masque » fut un gant de suédine lentement imprégné d’éther. Les plus récents appareillages comportent des machines très complexes et très variées, capables de distribuer des gaz sous pression réglable, à débit variable ou automatiquement réglé par les réactions de l’opéré. Ces appareils comportent des dispositifs de surveillance automatisés et de traitement des insuffisances respiratoires ou cardiaques, déclenchés par l’appareil lui-même après interprétation électronique.


Les circuits

On a donné, il y a une trentaine d’années, le nom de circuit à tout parcours des gaz respiratoires, étudié et mis en œuvre du point de vue de l’anesthésie-réanimation. Rétrospectivement, le terme (parfois impropre, tous les parcours ne suivant pas une ligne plus ou moins circulaire) a été appliqué aux méthodes anciennes et l’on distingue maintenant quatre systèmes : le circuit ouvert, le circuit semi-ouvert, le circuit semi-fermé (qui n’est absolument pas comparable au précédent) et le circuit fermé.

Le circuit ouvert est le masque de compresses imbibées d’anesthésique volatil (éther, chloroforme, etc.). L’air atmosphérique transporte les vapeurs actives en pénétrant dans le poumon, et l’expiration se fait également à l’air libre. Le premier appareil a été celui de W. Th. G. Morton, le fameux ballon dont une copie se trouve sous le dôme du Massachusetts General Hospital de Boston. Les vapeurs étaient aspirées par une embouchure, et l’air expiré était rejeté à l’extérieur. Le masque tel qu’on le connaît actuellement apparaît bientôt, la valve expiratoire venant faciliter les gestes du malade comme ceux du médecin.

Le circuit semi-ouvert n’est pas autre chose que la recherche d’une concentration un peu plus forte en vapeurs anesthésiques et en gaz carbonique exhalé, pour faciliter le début de l’anesthésie. Il est réalisé à l’aide d’un manchon de carton ou de toile, posé debout autour du masque.

Le circuit semi-fermé est venu ensuite. Pour l’établir, il faut un appareil complexe comprenant une source de gaz (oxygène et protoxyde d’azote par exemple) à débit réglable, un tuyau d’amenée au patient avec barbotage dans une bouteille d’éther ou de chloroforme, une valve inspiratoire près d’un ballon-réservoir, un tuyau ramenant les gaz expirés vers la source, une valve expiratoire, un raccord et un masque pour le malade.

Si ce circuit (qui peut être à juste titre appelé circulaire) apporte au malade plus de gaz qu’il ne peut en respirer, la réinhalation est partielle et réglée par l’anesthésiste.