Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
J

Jagellons (suite)

Jean Ier Albert

(Cracovie 1459 - Toruń 1501), roi de Pologne de 1492 à 1501.

Élève préféré de Callimaque, ce troisième fils de Casimir avait une vaste culture. Candidat de la noblesse magyare, il disputa le trône de Hongrie à son frère Ladislas (1490-1492). Il devint roi de Pologne à la mort de son père. Il voulait reprendre aux Turcs les ports de la mer Noire et transférer l’ordre Teutonique sur ces rivages, afin de le rendre à sa vocation et débarrasser la Pologne de son voisinage hostile. Pour rallier la noblesse à sa politique, il lui fit des concessions capitales, qui établissaient le principe de la diète bicamérale (1493) et attachaient le paysan à la terre (1496). L’expédition de 1497 se termina par le « désastre » de Bucovine, infligé par Étienne IV de Moldavie, que le roi avait voulu détrôner au profit de son frère cadet Sigismond. L’histoire a longtemps exagéré la portée de cette défaite. Cependant, les Turcs approchèrent de Lwów en 1498 : Jean Ier Albert sut profiter de leur guerre avec Venise pour conclure une paix honorable en 1501. Il mourut alors qu’il préparait une expédition contre l’ordre Teutonique.


Alexandre Jagellon

(Cracovie 1461 - Vilnious 1506), grand-duc de Lituanie de 1492 à 1506 et roi de Pologne de 1501 à 1506.

Ce quatrième fils de Casimir IV semble avoir été le moins doué des Jagellons. Ivan III lui enleva près d’un tiers de ses provinces russes (1503). En montant sur le trône de Pologne, Alexandre renouvela l’union avec la Lituanie (1501) ; les concessions qu’il fit alors aux magnats, la mauvaise gestion du trésor et le dépècement des biens de la Couronne déclenchèrent une violente opposition de la moyenne noblesse, qui imposa l’interdiction du cumul des officiers, le contrôle des biens royaux par la Diète (1504) et surtout la Constitution Nihil novi (1505), qui interdit au roi de prendre la moindre mesure législative sans le consentement des Chambres. La diète bicamérale eut désormais une existence légale. Le règne d’Alexandre marquait donc un net fléchissement de la puissance des Jagellons. Sa faiblesse devant les pressions du moment livrait le royaume à une crise politique grave.


Sigismond Ier le Vieux

(Kozienice 1467 - Cracovie 1548), grand-duc de Lituanie et roi de Pologne de 1506 à 1548.

Après 1490, le plus jeune des six fils de Casimir IV Jagellon servit de lieutenant au roi Ladislas, son frère, qui l’apanagea en Silésie. À la mort d’Alexandre, la Lituanie le proclama grand-duc, puis la Pologne le choisit pour roi (1506). Très cultivé, Sigismond parlait une dizaine de langues, et la cour de Hongrie l’avait familiarisé avec la Renaissance. Le surnom de « Vieux » devait moins rappeler son âge que caractériser sa sagesse.

Héritant d’une situation difficile, bientôt aggravée par la collusion des ennemis de sa maison (Habsbourg et Moscovie), Sigismond Ier s’efforça d’assurer à la Pologne la paix et la sécurité indispensables à sa prospérité. Foncièrement pacifique, il dut mener plusieurs guerres défensives contre la Moscovie, pour stopper ses conquêtes. Malgré la grande victoire d’Orsza, Basile III lui enleva Smolensk (1514) et s’allia avec l’empereur Maximilien, qui put ainsi obtenir les concessions du traité de Vienne (1515) en échange d’une bienveillance qui s’avéra de courte durée.

En 1525, Sigismond accepta la sécularisation de l’État teutonique, transformé en duché héréditaire mais vassal, au profit d’Albert de Brandebourg, qui vint prêter le serment de vassalité sur la place de Cracovie. Ce compromis, le premier entre un roi catholique et un prince luthérien, renforça dans l’immédiat le contrôle de la Pologne sur la « Prusse ducale » : l’avenir devait révéler ses dangers.

Le plus grand succès de Sigismond fut l’incorporation de la Mazovie au royaume, après l’extinction des Piast locaux (1526). Le roi assura une défense efficace des confins ruthènes contre les Tatars (1524) et les Moldaves (1531). Décidé à ne pas essuyer une invasion turque au profit de Vienne, il résista aux pressions belliqueuses, mais ne put éviter la catastrophe de Mohács ni ses conséquences dynastiques (1526). Faute d’avoir pu s’allier à la France, il signa avec les Turcs une « paix perpétuelle », dirigée contre les Habsbourg (1533). Il était hostile à la Réforme, mais ses édits sévères furent rarement appliqués. Il entreprit de restaurer l’autorité royale en s’appuyant sur les magnats, mais, après 1520, la politique de la reine Bona Sforza exaspéra le conflit avec la diète. La reine étendait les domaines et les revenus de la Couronne pour dégager le pouvoir royal de la dépendance financière des diètes. S’appuyant sur des protégés dociles, qui remplaçaient les anciens collaborateurs du roi, elle acheta des influences dans les diétines et les diètes. La haine qu’elle inspirait aboutit au violent conflit de 1537 (la guerre aux Poules) : le roi dut tenir compte des doléances de la noblesse, inopportunément mobilisée. Ce succès fut à l’origine du mouvement en faveur de l’« exécution des lois ». Le pouvoir de Sigismond sortit affaibli de cette crise.

Le nom de ce souverain est indissociable de l’extraordinaire épanouissement de la culture et de l’art de la Renaissance en Pologne. Sigismond Ier s’entoura d’artistes italiens pour reconstruire le château royal du Wawel (1507-1536) et l’enrichir de la chapelle Sigismond, destinée à servir de mausolée aux deux derniers Jagellons (1519-1533). Le mécenat fastueux de la Cour ne négligea pas les artisans cracoviens (orfèvres) et suscita une émulation orgueilleuse parmi les magnats et le patriciat des villes. Ce fut l’age d’or de Cracovie*.


Sigismond II-Auguste

(Cracovie 1520 - Knyszyn 1572), grand-duc de Lituanie et roi de Pologne de 1548 à 1572.

L’unique fils de Sigismond Ier et de Bona Sforza succéda à son père en 1548 ; pour éviter un interrègne, il avait été proclamé grand-duc de Lituanie (1522) et couronné roi de Pologne (1530) du vivant de son père. Il gouverna la Lituanie à partir de 1544. À son avènement, la diète se déchaîna contre sa seconde épouse, Barbara Radziwiłł, à travers laquelle elle craignait une influence des magnats de Vilnious : on exigea le divorce ou l’abdication. Très attaché à la princesse, le roi tint tête ; après avoir divisé les opposants, il put la faire couronner en 1550. Après la mort de celle-ci (1551), il se résigna à épouser Catherine d’Autriche, dont il attendit vainement un héritier.