Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Jacques II (suite)

À la mort de Charles II (6 févr. 1685), Jacques II trouvait une monarchie plus forte que jamais. Le premier Parlement de son règne fut une véritable « chambre introuvable », en très grande majorité tory, c’est-à-dire favorable au pouvoir de la Couronne, et d’un anglicanisme fort modéré. Les chefs protestants d’Écosse et d’Angleterre tentèrent bien de soulever le pays : Archibald Campbell (1629-1685), comte d’Argyll, débarqua en Écosse en mai 1685, mais fut battu et exécuté le 30 juin. James Scott (1649-1685), duc de Monmouth, le très populaire fils bâtard de Charles II, fut plus dangereux, car le Somerset et le Dorset lui fournirent des hommes en quantité : mais il fut en fin de compte battu à la bataille de Sedgemoor et exécuté le 15 juillet 1685.

Dans ces conditions, Jacques II se lança dans la politique qui lui tenait à cœur, celle de l’« égalité religieuse ». Tandis que le terrible juge George Jeffreys (1645-1689) réprimait férocement les comtés du Sud-Ouest qui avaient aidé Monmouth, Jacques II distribuait toutes sortes de commissions d’offices aux catholiques, au mépris du Test Act de 1673. Les remous ne tardèrent pas à s’intensifier : en octobre 1685, le roi dut renvoyer son ministre George Savile, marquis de Halifax (1633-1695) — Robert Spencer, comte de Sunderland (1641-1702), devenant alors le chef du nouveau cabinet, et Jeffreys chancelier —, et, en novembre, il dut proroger le Parlement, où l’évêque de Londres, Henry Compton (1632-1713), avait pris la tête de la protestation. L’année suivante, il intensifia son action. Jeffreys mit sur pied une commission ecclésiastique qui priva Compton de ses fonctions, tandis que les juges (après une efficace épuration) proclamaient, à l’occasion du procès Hales (1686), que le roi avait parfaitement le droit d’accorder des dispenses du Test Act à qui bon lui semblait. En 1687, Jacques II reçut le nonce pontifical en grande pompe, allant jusqu’à s’agenouiller devant lui, à la grande indignation de toute l’Angleterre ! Des catholiques, et même un jésuite, Edward Petre (1631-1699), entrèrent au Conseil privé. Enfin, une déclaration d’indulgence en faveur des catholiques et des dissidents proclamait l’égalité religieuse.

Pourtant, il était évident que la position du roi s’affaiblissait dangereusement. Au début de 1687, Lawrence Hyde (1642-1711), comte de Rochester, et Henry Hyde (1638-1709), comte de Clarendon avaient quitté le cabinet. Guillaume d’Orange*, le très protestant époux de Marie, la propre fille de Jacques II, avait envoyé dès février des émissaires hollandais chargés de prendre contact avec des hommes politiques : ils ne rencontrèrent guère de difficultés dans l’accomplissement de leur mission, trouvant des appuis aussi bien chez les whigs que chez les tories (Thomas Osborne comte de Danby), dans l’entourage de Jacques II comme dans celui de sa fille Anne (John Churchill, futur duc de Marlborough). Les dissidents, malgré la Déclaration d’indulgence, n’étaient guère favorables au souverain : la majorité d’entre eux, menée par Richard Baxter (1615-1691) et John Bunyan (1628-1688), lui était même franchement hostile. Jacques II eut la maladresse de révéler à tous l’ampleur du mécontentement : il ordonna une grande enquête dans les comtés pour savoir si de nouveaux élus au Parlement accepteraient la Déclaration d’indulgence. Nombreux furent les « Lords Lieutenant » qui préférèrent démissionner, et peu d’enquêtes purent avoir lieu : mais le résultat fut partout très largement négatif.

En 1688, trois événements précipitèrent la chute du roi : celui-ci fit une seconde « Déclaration d’indulgence » (avr.), qui devait être lue en chaire dans les églises. Lorsque, à la suite de l’archevêque de Canterbury William Sancroft (1617-1693), plusieurs évêques lui firent tenir une pétition contre la Déclaration, il les fit jeter à la Tour de Londres ; mais, cette fois-ci, les juges ne prirent pas le parti du roi, et l’acquittement des évêques (juin) fut salué par une formidable explosion de joie populaire. Au même moment, Jacques II s’aliénait définitivement son gendre Guillaume d’Orange : alors que la Hollande était menacée par Louis XIV, si détesté des Anglais, il retirait les régiments que l’Angleterre entretenait alors aux Pays-Bas et négociait avec la France. Enfin, en juin, naissait un fils de lui et de Marie de Modène : tout espoir de succession protestante paraissait s’éloigner.

Aussi, Guillaume d’Orange se décidait-il à passer en Angleterre. Au début de novembre, il allait camper avec une solide armée à Exeter, au cœur de la région qui avait si bien soutenu Monmouth. Jacques II disposait d’une importante armée, car il n’avait pas débandé les troupes victorieuses à Sedgemoor et les avait au contraire accrues. Mais toute l’Angleterre était lasse de lui : les défections se multiplièrent, et Guillaume se contenta d’attendre que l’armée de Jacques II fondît, ce qui ne fut pas bien long. Anne, la seconde fille de Jacques, s’était ralliée à lui, et les villes de l’Angleterre du Nord se rendaient sans coup férir à ses envoyés.

Dès lors, le destin de Jacques II était scellé. Celui-ci essaya de s’enfuir ; arrêté au début de décembre, il réussit cependant à passer en France, où il trouva refuge auprès de Louis XIV, tandis que la « Glorieuse Révolution » mettait sur le trône d’Angleterre Marie et Guillaume III. La suprématie de la marine française lui permettait, l’année suivante, de débarquer en Irlande, où l’administration de Tyrconnel lui avait gagné le cœur des catholiques : mais Guillaume, aidé de Frédéric de Schomberg, de John Churchill et de Godart Van Ginkel, triompha de Jacques II à la bataille de la Boyne (1er juill. 1690). L’Irlande était pacifiée, tandis que Jacques II repartait pour le château de Saint-Germain, où il devait mourir le 5 septembre 1701. Son fils, Jacques Édouard Stuart (1688-1766), soutiendra vainement la cause jacobite.

J.-P. G.

➙ Grande-Bretagne / Révolutions d’Angleterre / Stuarts (les).